Jugé par l’Etat policier

IMG Auteur
Published : February 16th, 2016
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Il y a de nombreuses années, la police est entrée dans le bureau d’un jeune professeur d’une université réputée et l’a arrêté pour un crime qu’il aurait commis sur internet. Les policiers l’ont emmené et lui ont proposé un marché : plaider coupable et s’en tirer sans trop de déboires. Le professeur a clairement précisé aux quelques personnes auxquelles il était autorisé à parler que cela n’avait pas de sens parce qu’il était innocent. Son avocat l’a mis en garde : cherchez à vous défendre et vous pourrez en tirer une peine à perpétuité, admettez votre culpabilité et vous obtiendrez une sentence avec sursis. Il a plaidé coupable. C’était un piège. Il est maintenant en prison, et sa vie est complètement gâchée.

Une telle chose ne pourrait pas se produire aux Etats-Unis, n’est-ce pas ? Et bien si. Pas seulement ça, mais les cas de ce type sont de plus en plus courants. Ceux qui grandissent dans un univers d’émissions télévisées pensent qu’elles sont fidèles à la manière dont justice est faite. Et c’est plus que naïf. Dans les affaires criminelles, les procès sont rares. Neuf cas sur dix sont réglés par des plaidoyers comme celui mentionné plus haut. Seuls 3% des cas font l’objet d’un procès. Et parmi ces 3%, les prévenus ne gagnent qu’une fois sur 212.

Cela signifie que l'accusé n’a aucune échappatoire. Ce sont les procureurs qui ont tout le pouvoir. Pas même le juge n’a d’importance parce que les législateurs l’ont privé de son caractère libéral en le nom de leur combat contre le crime. Cela s’est produit tout au long des années 1980 et 1990, et la justice accusatrice est devenue la norme depuis 2001. Depuis ces dix dernières années, c’est l’Etat-police qui tient les rênes.

Ce ne sont ni les libéraux ni les conservateurs qui en sont à l’origine. Les deux partis en sont responsables et ont reçu le soutien du public Américain alors que les tyrans du secteur public leur léchaient les bottes. Cette nouvelle forme de justice est la conséquence de l’obsession avec la sécurité, et personne ne s’en préoccupe.

Aujourd’hui, chaque citoyen, peu importe l’idée qu’il se fait de sa liberté, est pris au piège. Toute personne est susceptible de disparaître. Il n’y a littéralement aucun moyen de vous enfuir une fois que les fédéraux vous prennent dans leurs filets. Il n’y a plus de justice. Les Etats totalitaires du passé avaient pour habitude de prétendre avoir recours à des procès. Les Etats totalitaires d’aujourd’hui ne s’en donnent même plus la peine. Ils vous mettent un sac sur la tête et vous emmènent avec eux’.

Que se passe-t-il ensuite ? Les personnes que vous aimez souffrent. Elles essaient de déménager pour être plus proches du trou dans lequel on vous a jeté. Elles se retrouvent ruinées. Et qu’en est-il de vos collègues de travail, de vos amis et de votre cercle social ? Il se pourrait qu’ils veuillent vous aider, qu’ils aient pitié de vous. Mais vous avez plaidé coupable, et vous n’avez jamais eu la chance de leur expliquer votre version de l’histoire. Tout ce qu’ils savent, c’est que vous avez eu ce que vous méritez. Alors ils vont ce qu’ils ont à faire : ils vous oublient.

Et vous languissez dans votre trou jusqu’à ce que le système décide que vous prenez trop de place. Peut-être dix ans. Peut-être vingt. Un jour, les portes s’ouvrent à nouveau et vous êtes libre. Mais vous êtes ruiné : amer, sans talent, émotionnellement transformé, dans une santé physique lamentable, et – si vous êtes jeune et mince – hanté par vos souvenirs de viol. Il n’est pas nécessaire d’appeler les amis qui vous ont abandonné. Les membres de votre famille ont avancé, ils ont fait leur vie. En matière d’emploi, vous n’êtes qu’un ancien détenu.

Les Etats-Unis ont la plus large population carcérale du monde – 2,3 millions. C’est plus d’une personne sur cent. C’est même plus que la population de Lettonie ou de Slovénie. C’est quasiment la population du Nevada. C’est le Wyoming, DC, Le Nord Dakota et le Vermont mis ensemble. Si la population carcérale avait des représentants au Congrès, ils auraient quatre sièges.

C’est gens sont politiquement, socialement, culturellement et économiquement invisibles. Combien sont réellement coupables ? Nous n’en savons rien. Combien pourraient être libérés aujourd’hui et apporter leur contribution à la construction d’une société productive ? Nous n’en savons rien. Combien ne sont pas dangereux, pas même coupables au regard de la loi mais simplement sur dénonciation de la dictature actuelle ? Probablement une majorité. Dans le Nouveau Testament, visiter des détenus est perçu comme visiter des malades. Et nous ne considérons pas les malades comme des coupables.

L'Etat-police Américain n'est pourtant jamais remis en question. L’opinion publique s’en trouve généralement satisfaite. Il ne peut jamais y avoir trop de pouvoir d’accusation, trop de police, trop de prisons. Il ne peut jamais y avoir de sentences trop longues. Personne ne dit ‘Nous ne devrions pas être si durs’. On entend plus souvent le contraire. Les affaires rares telles que celle rapportée récemment par le NYT ne réveillent personne.

Comment cela a-t-il pu arriver aux Etats-Unis ? En regardant en arrière, il semble que ce problème ne vienne principalement que de l’idée que l’institution la plus essentielle à la société soit l’Etat, qui nous protège de la criminalité et qui doit maintenir son monopole de la justice. Certains des plus grands défenseurs de la liberté sont heureux d’accorder cette concession à l’Etat. Et cette concession est désormais la source majeure de la destruction de nos libertés.

Nous pouvons mettre en place des réformes. Abandonnons les plaidoyers dans les affaires fédérales. Restaurons les droits de l’Homme. Donnons aux juges et aux jurés le droit d’évaluer chaque cas et laissons-les les juger grâce à la loi, selon la tradition de la justice commune. Revenir aux protections Constitutionnelles serait déjà une première étape.

Mais au final, ce dont nous avons réellement besoin est de repenser l’idée que l’Etat doit détenir le monopole de la justice et de la sécurité à la place des marchés. C’est une erreur fatale. Les pouvoirs accordés à l’Etat sont toujours abusés. Et celui de la justice est peut-être le plus important des pouvoirs que nous devrions lui reprendre.

 

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Triste Amérique...
En France, nous avons adopté le "plaider coupable" grâce au grand bourgeois Nicolas Sarkozy.
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/justice/fonctionnement/justice-penale/qu-est-ce-que-plaider-coupable.html
Mais cela ne concerne que quelques délits mineurs, et surtout pour écoper d'une peine allégée, suite à une procédure toute aussi allégée...Rien à voir avec la saloperie décrite dans cet article...
Si ce genre de drame est rendu possible , c'est bien parce que la population est bêtifiée par les médias qui ne font que semer la peur et la confusion...
Oui , nous sommes prisonniers des c... Par effet de masse...
Ceci est sur le point d'arriver ici , chez nous , à cause de la cécité qui gouverne les moutons à deux pattes....
Les criminels institutionnels quant à eux , ils courent toujours tranquilles ...
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Si ce genre de drame est rendu possible , c'est bien parce que la population est bêtifiée par les médias qui ne font que semer la peur et la confusion... Oui , nous sommes prisonniers des c... Par effet de masse... Ceci est sur le point d'arriver ici , c  Read more
Sebastien H - 4/22/2017 at 12:05 AM GMT
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