Je critique depuis longtemps
les prêts de réserve fractionnaire, les déséquilibres de durée de contrat
(lorsque des banques émettent par exemple des certificats de dépôt sur deux ans
et prêtent de l’argent dans le cadre de prêts immobiliers sur quinze ans), la
capacité des banques à créer de la monnaie à partir de rien, et les
assurances sur les dépôts.
Les prêts de réserve
fractionnaire permettent aux banques de prêter une quantité quasi-infinie de
crédit sans disposer de quelque garantie que ce soit, ce qui crée
inévitablement des bulles sur les actifs. Tant que ces bulles continuent de
gonfler, elles nous donnent l’impression que le système est solvable.
La monnaie que les déposants
pensent leur être disponible sur simple demande n’est en fait pas présente
sur leurs dépôts. Et les banques ne sont pas obligées de détenir une
quelconque réserve pour couvrir les comptes épargne.
Les assurances sur les dépôts
sont la quintessence du risque moral. Elles garantissent un flux d’argent
vers les banques qui offrent le plus gros rendement. Bien évidemment, ces
banques ont aussi besoin de prendre de plus gros risques pour se permettre de
proposer de tels intérêts. Les déposants s’en moquent, parce que leurs dépôts
sont assurés.
L’Islande met en place un
plan monétaire radical
Je suis assez surpris par la
nouvelle, mais l’Islande cherche à développer un système bancaire qui
éliminerait toutes les failles listées plus haut.
The Telegraph reports Iceland Looks at Ending Boom and Bust with Radical Money Plan.
Le gouvernement islandais réfléchit actuellement à une
proposition monétaire révolutionnaire – retirer le pouvoir de création
monétaire aux banques commerciales, et le livrer à la banque centrale.
La
proposition, qui représenterait un revirement dans l’Histoire financière
moderne, est issue d’un rapport intitulé « Un meilleur système monétaire
pour l’Islande », rédigé par un législateur du parti centriste au
pouvoir, le Parti du progrès, du nom de Frosti Sigurjonsson.
« Les conclusions du rapport apporteront une
contribution importante à la discussion à venir, ici comme ailleurs,
concernant la création monétaire et les politiques monétaires », a
annoncé Sigmundur David Gunnlaugsson, Premier ministre du pays.
Le rapport, commandé par le Premier ministre, vise à
mettre fin au système monétaire responsable d’une série de crises
financières, la plus récente datant de 2008.
Selon une étude menée par quatre banquiers centraux, le
pays aurait enregistré « plus de vingt épisodes de crise
financière » depuis 1875, avec « six épisodes de multiples crises
financières sérieuses s’étant présentés en moyenne tous les quinze
ans. »
Selon Mr.
Sigurjonsson, le problème serait à chaque fois né du gonflement du crédit en
période d’un cycle économique fort.
La proposition
La proposition est un PDF de 110 pages intitulé Monetary
Reform - A Better Monetary System for Iceland
Le document décrit en détails les problèmes liés aux
assurances sur les dépôts, aux prêts de réserve fractionnaire et aux risques
moraux d’une manière simple à comprendre. Je vous encourage à le lire, parce
qu’il explique et rejette de nombreuses croyances modernes telles que la
théorie du multiplicateur monétaire qui explique la manière dont de la
monnaie est créée.
La théorie de multiplicateur monétaire est largement
enseignée aujourd’hui, mais serait erronée, comme je l’ai déjà expliqué à
maintes reprises.
Malheureusement,
la proposition présente un défaut majeur. Elle offre la responsabilité de la
création monétaire à une commission. Le document discute de cette faille dans
les sections 9.5.3 et 9.5.4.
9.5.3 Et si la commission de création monétaire commettait
une erreur ?
Nous avons déjà pu entendre que la commission de création
monétaire pourrait ne pas disposer de toutes les informations nécessaires à
la création de la quantité de monnaie optimale pour l’économie. L’idée ici
est qu’une mauvaise décision de la part de la commission pourrait nous mener
soit vers une inflation, soit vers un échec de l’économie à atteindre son
potentiel véritable.
Il serait irréaliste de demander ou d’attendre de
parfaites décisions relatives à la création monétaire sous un système
monétaire souverain. Mais il serait aussi difficile de croire qu’une commission
dont la tâche est de créer les quantités appropriées de monnaie pour
l’économie créerait constamment de la monnaie excès, comme les banques
commerciales l’ont fait par le passé.
9.5.4 Sur les craintes de voir le gouvernement imprimer pour financer ses
politiques
Certains craignent que si les gouvernements sont
directement autorisés à créer de la monnaie, ils se laisseront aller et
créeront des quantités excessives de monnaie pour financer pour les projets
susceptibles de leur rapporter des voix.
Sous un
système de monnaie souveraine, en revanche, le gouvernement n’est pas
autorisé à créer de la monnaie directement. La décision de créer de la
monnaie est prise par une commission de création monétaire, indépendante du
gouvernement, sur la base de ce qui est approprié pour l’économie dans son
ensemble. La commission n’aura pas la capacité de décider qui bénéficie de
ses créations monétaires ou pour quoi sera utilisée la nouvelle monnaie.
L’allocation de nouvelle monnaie sera établie démocratiquement par le
Parlement.
Comment déterminer la création monétaire idéale ?
La faille évidente ici est que la commission ne pourra
jamais être certaine de la quantité de monnaie à imprimer.
Trois
questions
- Une
commission serait-elle mieux appropriée que la Fed ?
- Serait-elle
politisée ?
- Quelle
hausse de la masse monétaire est nécessaire à la croissance ?
Je ne connais pas la réponse aux deux premières questions, bien qu’il y ait
des chances que la commission se trouve au moins aussi appropriée que la Fed,
du moins initialement, si ce n’est que parce que la proposition corrige bon
nombre des défauts du système monétaire existant.
La réponse à la troisième question est zéro. Aucune
croissance de la masse monétaire n’est nécessaire à la croissance de
l’économie.
Voici un
extrait de l’ebook de Murray Rothbard intitulé What has Government Done to Our Money?
Que devrait être l’offre monétaire ? Toutes sortes de
critères ont été avancés : la monnaie devrait évoluer en accord avec la
population, avec les « volumes d’échange », ou encore les biens
produits, afin de « maintenir un niveau de prix constant », etc.
Très peu ont suggéré laisser le marché prendre les décisions. Il est un point
essentiel sous lequel la monnaie diffère des autres marchandises. Comprendre
cette différence est la clé de la compréhension de la question monétaire.
Quand l’offre d’un produit augmente, cette hausse nous confère un bénéfice
social ; elle est source de réjouissances. Plus de produits à la
consommation signifie un meilleur niveau de vie pour le public ; et plus
de biens d’équipement signifie un niveau de vie amélioré sur le long terme.
La découverte de nouvelles terres fertiles ou de nouvelles ressources
naturelles promet également une amélioration du niveau de vie présent et
futur. Mais qu’en est-il de la monnaie ? Une addition à la masse
monétaire bénéficie-t-elle au grand public ?
Nous pourrions nous demander ce qui se passerait si une
bonne fée se glissait cette nuit dans les poches, portefeuilles et coffres
des banques pour doubler notre masse monétaire. Disons qu’elle double les
réserves d’or disponibles. Serions-nous deux fois plus riches en
conséquence ? Non. Ce qui nous rend riches est l’abondance de biens, et
ce qui limite cette abondance est la rareté des ressources : notamment
des terres, de la main d’œuvre et du capital. Multiplier les pièces en
circulation ne crée pas de ressources.
Nous pourrions l’espace d’un instant nous sentir deux fois
plus riches, mais tout ce qui nous serait arrivé ne serait rien de plus
qu’une dilution monétaire. A mesure que le public s’empresserait de dépenser
sa nouvelle fortune, les prix doubleraient – ou du moins augmenteraient
jusqu’à ce que la demande soit satisfaite et que la monnaie n’enchérisse plus
contre elle-même pour les biens existants.
Une croissance
de la masse monétaire ne fait que diluer l’efficacité de chaque once d’or.
D’autre part, une diminution de la masse monétaire fait gonfler le pouvoir
d’achat de chaque once d’or. La masse monétaire n’a aucune importance.
N’importe quelle masse monétaire peut fonctionner aussi bien qu’une autre. Le
marché libre s’ajuste tout simplement en modifiant le pouvoir d’achat, ou l’efficacité
d’une unité d’or. Nul besoin de manipuler le marché afin d’altérer la masse
monétaire qu’il détermine.
En dehors des erreurs qui concernent la masse monétaire et
ceux qui contrôlent la monnaie, la proposition de l’Islande est un excellent
point de départ pour se confronter aux failles inhérentes au système actuel
de monnaie fiduciaire.