L’Or interdit la Guerre

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Horizons et Debats
From the Archives : Originally published August 26th, 2007
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Cofondateur et directeur de la Bank Rotschild AG, Ferdinand Lips a fait autorité en matière d’or. Ses nombreux articles l’ont fait connaître aux lecteurs d’Horizons et débats. Par ailleurs, il a prononcé des conférences remarquées au Congrès de «Mut zur Ethik». En 2002, son ouvrage «Gold Wars» a suscité un intérêt mondial. Dans son édition du 22 juillet 2002, Zeit-Fragen a consacré un article complet et élogieux à cet ouvrage sous le titre «Die Bedeutung des Goldstandards» (l’importance de l’étalon-or). Le livre a été traduit en plusieurs langues. En allemand, il a déjà été édité cinq fois.1 D’ici peu, les Japonais pourront aussi le lire. Ferdinand Lips avait écrit l’ouvrage aux Etats-Unis, dans le cadre d’un mouvement populaire pour «une monnaie saine».

Il était un partisan de l’étalon-or classique.2 Connaisseur de l’histoire, il a prouvé que l’or était devenu la forme la plus stable et la plus sûre de la monnaie au cours des derniers deux mille cinq cents ans, si bien qu’il est considéré aujourd’hui encore en de nombreux endroits comme synonyme de monnaie. Cette évolution n’a pas découlé de quelque conférence monétaire, mais est le résultat d’une longue expérience pratique.

Ces dernières années, l’or a subi de nombreux mouvements inquiétants sur le plan mondial, dont fait partie la décision contestée de la Suisse de vendre la moitié de ses réserves. Ferdinand Lips a décidé alors de monter sur les barricades. Son action a pris la forme d’un livre, d’articles de journaux et de conférences. C’est ainsi qu’il a tenu une conférence à l’Université de Saint-Gall en juin 2004. Le présent article a pour objectif d’indiquer quelles valeurs essentielles figuraient parmi les convictions de Ferdinand Lips. Elles se trouvent dans ses livres et conférences et forment les caractéristiques d’une personnalité impressionnante.

Combattant pour la liberté, la paix, la démocratie et le bien-être

Ferdinand Lips décrit de manière frappante le changement radical qui a eu lieu en 1914 dans le système monétaire mondial. Il y avait des monnaies nationales, telles que le franc suisse, le florin, le mark et le dollar. Toutes les monnaies importantes circulaient sous la forme de monnaies d’or dans la vie quotidienne et dans la vie des affaires. Elles pouvaient être échangées aisément les unes contre les autres, car elles étaient toutes d’or. Le système fonctionnait sans l’apport du gouvernement ni de l’institut d’émission. L’or était la monnaie du citoyen. A l’époque, les citoyens se sentaient beaucoup plus responsables de la société que ce n’est le cas actuellement. La Confédération et les cantons n’avaient pas de dettes.

Le citoyen suisse, par exemple, avait un «vreneli d’or» dans son porte-monnaie, à la place du billet de 100 francs actuel. Cette pièce était pour le moins aussi maniable et aussi peu sujette à contrefaçon que le billet actuel. Œuvre d’art, elle réjouissait son possesseur non seulement à cause de son pouvoir d’achat.

La monnaie du citoyen garantit une propriété, car l’or lui confère une valeur intrinsèque. Elle est synonyme de liberté et ne dépend pas de l’arbitraire étatique. Le «vreneli d’or» a aujourd’hui encore – 100 ans après – à peu près la même valeur qu’à l’époque. L’or conserve toujours sa valeur, ce que l’on ne saurait prétendre du papier-monnaie. Une pièce d’or du temps d’Alexandre le Grand brille aujourd’hui comme jadis. Le «vreneli d’or» aura encore sa valeur dans 100 ans. En revanche, personne ne peut garantir que l’on puisse encore se procurer un café en remettant ce billet.

Ferdinand Lips est parvenu à expliquer de façon magistrale l’importance de l’étalon-or pour la liberté, la paix et le bien-être.

L’or empêche la guerre

La rapacité des chercheurs d’or a déclenché certaines guerres. En revanche, la monnaie-or a stimulé la paix. Ferdinand Lips a insisté de manière convaincante sur le fait que la Première Guerre mondiale se serait terminée après quelques mois seulement – et ce pour des raisons bien simples – si les pays avaient maintenu le système de l’étalon-or classique en 1914: les munitions auraient fait défaut aux troupes qui se faisaient face dans les tranchées, sur des milliers de kilomètres. Les caisses de guerre étaient vides. Les soldats auraient pu rentrer dans leurs foyers et des millions d’entre eux auraient eu encore une vie complète devant eux au lieu d’affronter la mort. Toutefois, les instituts d’émission fondés peu auparavant ont aidé les généraux. Les banques centrales ont mis en marche les planches à billet. Elles ont permis ainsi aux généraux de poursuivre leur abattage cruel et meurtrier jusqu’à l’épuisement des peuples.

Le système de l’étalon-or empêche les grandes crises économiques

Après la guerre, l’indépendance des instituts d’émission est resté un vœu pie. Les banques centrales sont devenues l’instrument docile des gouvernements. Bien que le système de l’étalon-or ait été rétabli partiellement, les grandes puissances ne se sont plus laissées priver de la possibilité de créer de l’argent à partir du néant pour influer sur le cours de l’économie et financer leur politique. Ferdinand Lips s’oppose à la thèse selon laquelle la grande crise économique des années trente s’explique par le rétablissement partiel du système de l’étalon-or. D’après les partisans de cette thèse, celui-ci aurait empêché de créer de la monnaie et de stimuler la conjoncture en imprimant à temps de la monnaie.

Ferdinand Lips est d’un autre avis. D’une part, il n’y avait plus alors de système classique de l’étalon-or, d’autre part, l’économie et la bourse des Etats-Unis avaient été gonflées artificiellement, dès les années vingt, d’une monnaie créée à partir du néant. Ce n’est pas un hasard si les historiens nomment cette époque les flambantes années vingt. A un essor artificiel succède inévitablement une chute désastreuse comme il s’en est produit dans les années vingt.

Le système classique de l’étalon-or n’aurait pas permis une telle évolution, et la grande crise n’aurait pas non plus eu lieu. Lips était convaincu que les fluctuations conjoncturelles inévitables et les adaptations structurelles auraient été plus modérées si l’Etat n’avait pas gonflé l’économie par des «piqûres monétaires». Le rôle de celles-ci est uniquement de perturber l’économie.

Le krach de 1929 et la récession qui a suivi résultaient d’excès et d’une politique monétaire débridée. Contrairement à une affirmation fréquente, ce ne sont pas les bas prix qui ont accentué la crise, avec ses millions de chômeurs, mais la perte de confiance dans les banques et les autorités ainsi que, en dernière analyse, les doutes de l’homme en lui-même. En Allemagne, cette situation a généré le national-socialisme.

Ferdinand Lips analyse les situations économique et politique en tant que praticien. Il démontre ainsi que beaucoup moins de guerres et des guerres nettement plus courtes ont eu lieu durant l’«âge d’or», c’est-à-dire avant 1914, qu’au XXe siècle avec ses monnaies de papier et ses grandes catastrophes. Le pouvoir d’achat de la «monnaie du citoyen» s’est préservé. L’évolution économique des décennies antérieures à 1914 a été plus régulière et a généré la prospérité.

«Guerre» contre la monnaie du citoyen

Durant l’entre-deux-guerres, divers gouvernements ont mené une véritable bataille contre la «monnaie du citoyen». Par l’une de leurs premières mesures gouvernementales, Lénine, Mussolini et Hitler ont interdit la possession de pièces d’or par les particuliers. Theodor D. Roosevelt, le président des Etats-Unis, ne leur a cédé en rien. En 1934, les citoyens des Etats-Unis ont dû vendre leurs pièces d’or contre remise de papier-monnaie imprimé par l’Etat. Peu après, celui-ci a été dévalué de plus d’un tiers. Révolté, Lips a écrit qu’il s’agissait d’une véritable escroquerie, de la plus grande rapine de l’histoire. Dans le pays de la liberté et des droits du citoyen, on avait affaire à une intrusion massive dans la sphère privée, ce qui a ébranlé durablement la confiance du citoyen en sa propre monnaie. De nombreux Américains ne pardonnent pas encore à Roosevelt. Aux Etats-Unis, l’interdiction n’a été levée qu’en 1974. Telle était l’une des raisons pour lesquelles des mouvements populaires «pour une monnaie saine» se sont développés depuis longtemps dans ce pays.

En Suisse également, le franc a été dévalué dans les années trente. La Banque nationale a cessé définitivement d’échanger les billets des citoyens contre de l’or. Le «vreneli d’or» a disparu des porte-monnaies. Toutefois, cette tête de femme gracieuse n’a pas dû être remise aux autorités comme aux Etats-Unis. Dans de nombreuses familles, elle est restée un moyen de conservation de la valeur jusqu’à aujourd’hui, où elle sert de monnaie de réserve.

Papier-monnaie, puissance et guerre

Dans son ouvrage, Ferdinand Lips explique avec précision, à plusieurs reprises, le rapport entre le papier-monnaie, la puissance et la guerre. Tel est le cas à l’époque de la guerre du Vietnam, dans les années soixante. L’escalade de la guerre avait rapidement vidé le trésor de guerre des Etats-Unis, et la guerre aurait dû être terminée au fond. Cette fois également, l’institut d’émission américain a commencé à imprimer massivement des dollars. En raison des changes fixes, le cours du dollar ne pouvait cependant pas baisser. En 1971, le scandale a éclaté et l’on a pris congé définitivement de l’or. Le cours du dollar a baissé rapidement de plus de moitié. Tous ceux qui avaient mis leur confiance dans la monnaie clé ont perdu beaucoup d’argent. A l’époque, la Banque nationale suisse possédait quelque 13 milliards de dollars, qu’elle avait reçus en contre-valeur des exportations suisses aux Etats-Unis. Ces biens et services ont été utilisés en partie pour la guerre. Par rapport au franc, la valeur de ces dollars atteignait juste la moitié du montant antérieur, de sorte qu’un Suisse ne se voyait rembourser que 50%. En termes simplifiés, il avait financé la guerre jusqu’à concurrence de 50%. On pourrait faire des réflexions analogues à propos de la guerre d’Irak.

A maints égards, les statistiques ont donné raison à Ferdinand Lips. Le dollar de 1914 a perdu 95% de sa valeur. Les monnaies européennes ne sont pas allées mieux. A deux reprises, la monnaie allemande a perdu complètement son pouvoir d’achat.

La tragédie des ventes d’or en Suisse

Dans un chapitre de son dernier livre, Ferdinand Lips examine ce qui a incité la Suisse à vendre la moitié de ses réserves d’or. Ce chapitre s’intitule «La trahison de la Suisse». La décision politique de vendre cet or l’a touché personnellement. Ses tiroirs contenaient les plans d’une initiative populaire. Il voulait stopper ce projet funeste. Finalement, il n’en a rien été. Le temps aurait probablement fait défaut. En fin de compte, il a envoyé un exemplaire de «Die Gold-Verschwörung» à tous les parlementaires, ainsi qu’aux organes dirigeants de la Banque nationale suisse et de la Banque centrale européenne, malheureusement avec peu d’écho.

L’étalon-or incompatible avec la politique actuelle

Ferdinand Lips était un penseur peu orthodoxe et un praticien qui défendait des points de vue convaincants, que l’on ne rencontre plus guère en faculté. Le système classique de l’étalon-or – Ferdinand Lips en était certain – constitue la monnaie du citoyen. Il assure sa propriété et lui confère la liberté, notamment face aux humeurs du gouvernement. Lips rappelait toujours le célèbre exposé qu’Alan Greenspan a publié en 1967 sous le titre de «Gold and Economic Freedom» (L’or et la liberté économique).3 Cet écrit est un véritable hymne à l’or. Greenspan y déclare que le système de l’étalon-or est le garant de la prospérité et de la liberté. Seul ce système peut empêcher que les déficits des finances publiques ne se creusent toujours davantage et que le monde financier ne soit amené à spéculer de manière toujours plus excessive. Greenspan a analysé les rapports entre la monnaie, l’économie et la politique avec une logique implacable. Toutefois, il ne l’a fait – comme Lips le souligne – qu’«avant de vendre son âme». Ferdinand Lips cite aussi fréquemment Fritz Leutwiler, qui a longtemps présidé la Direction générale de la Banque nationale suisse. Leutwiler avait qualifié le système de l’étalon-or comme le meilleur système monétaire de l’histoire.

Le système classique de l’étalon-or n’est pas compatible avec le système financier actuel. Inapte à une politique de puissance et de guerre qui empêche l’humanité de se calmer aujourd’hui, il est source de paix. Ferdinand Lips prononce un jugement sans appel à propos de la politique d’endettement que mènent la plupart des Etats, Suisse comprise. Il ne serait pas du tout possible d’accumuler de telles montagnes de dettes si les banques centrales n’émettaient pas artificiellement et constamment de la nouvelle monnaie. – Or les dettes impliquent le versement d’un intérêt. Le contribuable supporte ainsi une charge toujours plus lourde. Chacun sait aujourd’hui que ces dettes considérables ne peuvent plus être remboursées et que les responsables en diffèrent simplement le paiement. – Avec le système de l’étalon-or, la politique serait beaucoup plus franche, car elle renoncerait à toute cette «magie monétaire» et reposerait sur ce qui est vraiment produit. En permettant d’émettre de la nouvelle monnaie à volonté, le système actuel a corrompu les politiciens. L’honnêteté et la franchise sont devenues rares.

Renaissance de la «monnaie du citoyen»?

Les pays retourneront-ils au système classique de l’étalon-or? Même Ferdinand Lips ne pouvait pas le prédire. Il ne partageait pas l’avis selon lequel il n’y aurait aujourd’hui pas assez d’or pour couvrir le trafic des paiements et les besoins des affaires. Il a souligné que la masse n’était pas du tout décisive. Si l’or en circulation ne suffit pas, sa valeur augmente. La valeur de la monnaie étant liée à celle de l’or, le pouvoir d’achat de la monnaie progresse et les prix baissent d’autant.

Peut-être le système monétaire actuel et la possibilité qu’il donne d’émettre de la monnaie à volonté nécessiteront-ils un jour une réforme. A ce sujet, Lips décrit le comportement des grandes puissances. Il est frappant à cet égard que l’institut d’émission américain, la Fed, contrairement à la Banque nationale suisse et à d’autres banques centrales, ne vend pas un gramme d’or de ses immenses réserves. Les instituts d’émission de Chine et de Russie achètent de l’or. Lors d’une réforme du système monétaire, de tels pays joueraient un rôle majeur, car leurs réserves d’or ont une valeur réelle qui leur donnerait des atouts. Les pays qui vendent aujourd’hui leur or contre du papier-monnaie en subiraient les conséquences négatives.

Comment les citoyens se comporteront-ils? – Assistera-t-on à une renaissance de la «monnaie du citoyen», qui fonctionne également sans banque centrale et sans gouvernement? Il se peut que l’or soit de nouveau utilisé comme moyen de paiement dans certaines régions ou certaines branches. Il demeure monnaie de substitution à titre de conservateur de la valeur.

Ferdinand Lips a eu le mérite d’attirer l’attention de beaucoup de lecteurs d’Horizons et débats sur le problème de l’or. Il laissera un grand vide comme homme et comme penseur en matière économique. Ses idées perdurent. La fondation d’un institut Ferdinand Lips est en préparation. Ce sera un centre de ren-contres qui organisera des séances de formation et diffusera des informations sur l’histoire de l’or ainsi que sur les avantages économiques et sociaux du système de l’étalon-or.

1 Lips, Ferdinand, Die Gold-Verschwörung, Rottenburg 2003; en anglais: Gold Wars – The Battle Against Sound Money as Seen from a Swiss Perspective, New York 2002

2 Les régimes monétaires internationaux adoptés après la Première et la Seconde Guerres mondiales par les accords de Gêne, en 1922, et de Bretton Woods, en 1944, ont instauré un système de change-or, puis de dollar-or. Il ne faut pas les confondre avec le système classique de l’étalon-or qui régnait jusqu’en 1914. Si les nouveaux systèmes se fondaient sur des réserves d’or dans un système de banque centrale, ils admettaient simultanément l’émission de papier-monnaie non couvert. Le système classique de l’étalon-or ne comprend pas cette possibilité et fonctionne sans banques centrales ni gouvernements. C’est pourquoi cette monnaie-or est aussi appelée «monnaie du citoyen».

3 Greenspan, Alan: «Gold and Economic Freedom, Capitalism: The Unknown Ideal», New York 1967

(Horizons et débats, numéro 34, décembre 2005)

 

 

 

 

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Excellent article, énorme perte pour les citoyens que la disparition d'un tel personnage, comme d'habitude, l'histoire lui donnera raison mais trop tard...
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A titre personnel , ce n'est pas trop tard .
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