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La France s’en prend aux bloggeurs qui doutent des bilans de ses banques

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Published : December 24th, 2013
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Plutôt que de s’en prendre aux mégabanques qui ont tant dévasté l’économie, les régulateurs Français s’en prennent aux bloggeurs qui tentent de les dénoncer. C’est bien plus pratique.

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a annoncé le 14 novembre que sa Commission des Sanctions a décidé d’émettre des sanctions contre deux bloggeurs, le Français Jean-Pierre Chevallier et l’Américain Mike ‘MishShedlock ‘pour avoir diffusé des informations erronées sur le niveau d’endettement’ de la mégabanque Société Générale.

La même banque est entrée dans les annales de la bêtise après avoir blâmé et poursuivi un petit trader du nom de Jérôme Keviel pour sa perte de 5 milliards d’euros lors de la crise financière, dans le même temps que les autres banques blâmaient leurs actifs toxiques.

Le communiqué de presse stipule qu’une enquête a été ouverte en août 2011 concernant des ‘rumeurs quant à l’endettement’ de SocGen. Le 14 août 2011, Chevallier a publié une analyse (en anglais) des bilans financiers de SocGen et est parvenu à la conclusion que le ratio de levier financier de la banque était bien supérieur à ce qu’elle déclarait – soit 50 :1 – et que son ratio de capital Tier 1 n’était pas de 9,3% mais de 2%, et qu’il lui restait donc très peu de capital.

L'AMF l'a accusé, en tant qu’ancien professeur de finances qui a enseigné l’analyse financière, d’avoir diffusé des informations qu’il savait inexactes au vu des règles comptables en vigueur et des principes du Traité de Bâle 2 qui gouverne la gestion de capital des banques. Il a été puni d’une amende de 10.000 euros pour avoir douté de la véracité sacrosainte des bilans financiers de SocGen.

Comme nous avons pu le voir d'innombrables fois, la vérité quant à la condition financière d’une banque fait toujours surface après qu’une banque se soit effondrée et que quelqu’un se penche sur les débris pour en récupérer ce qui reste. L’AMF ne le sait que trop bien. L’instabilité des banques Françaises n’est pas un secret : la mégabanque Franco-Belge Dexia s’est effondrée en octobre 2011 après avoir été l’objet d’un plan de sauvetage en 2008, et après avoir passé les tests de stress de l’Autorité Bancaire Européenne quelque mois plus tôt, qui l’avaient placée au rang de 12e banque la plus sûre sur 91 banques examinées ! Et les contribuables Français continuent d’en payer les frais.

Ironiquement, à la même période, le rapport de l’AMF pour 2010, qui présentait les résultats de l’enquête sur Dexia, était publié. Le rapport concluait que la banque était en si mauvais état qu’elle devrait être placée sous supervision spéciale par l’AMF. Et ensuite ? Rien. Le rapport a été enterré. Jusqu’à ce que Libération en obtienne une copie après l’effondrement de la banque. Il se trouve que les bilans de Dexia ne valaient même pas le papier sur lesquels ils étaient imprimés.

Douter de bilans financiers n’est donc pas un acte irraisonnable.

Fouiller dans des bilans financiers et en tirer des conclusions qui diffèrent de celles que publient les banques toutes puissantes est juste un signe de ne pas avoir encore absorbé assez de ce poison qu’elles nous servent.

La liberté de parole, bien sûr… Mais pas pour ce qui est des mégabanques ? Non. Personne n’a le droit de douter de quoi que ce soit. Sont-elles en mauvaise position au point de ne pas pouvoir supporter les doutes d’un bloggeur ?

Le 15 août 2011, Shedlock a contacté Chevallier par le biais de son article. Lui aussi a fait l’objet d’une enquête et puni d’une amende. Son crime ? Avoir cité un bloggeur qui a osé douter du caractère sacré des bilans d’une mégabanque Française. 8.000 euros. Parce qu’en tant que professionnel du milieu, il aurait dû noter les ‘incohérences des informations’.

Une première en France, selon l’AMF :

Par sa décision, la Commission des Sanctions a mis en avant son droit de juger la dissémination d’informations erronées concernant un instrument financier négocié sur les marchés Français, que ces informations soient disséminées en France ou non, et qu’elles aient été publiées par un Français ou un étranger. Pour la première fois, la Commission a appliqué l’article 632-1 des Régulations Générales de l’AMF sur les informations publiées sur internet par des bloggeurs financiers, et qui stipule qu’il est ‘interdit pour quiconque de publier ou de diffuer une information, peu importe le média utilisé, susceptible de fournir des indications inexactes au sujet d’instruments financiers, à l’inclusion de la diffusion de rumeurs ou d’informations trompeuses, si tant est que la personne sache ou soit en position de savoir que cette information est erronée ou trompeuse’.

Une tentative évidente d’étouffer les bloggeurs dans le doute. Cette débâcle a été portée à mon attention par un email d’Hilary Barnes accompagné d’un lien vers cet article dans lequel il discute la situation de Chevallier.

Chevallier a répondu sur son propre blog, en français : ‘Les dirigeants de nos banques n’aiment pas les gens qui les dérangent dans leurs magouilles. Ils préfèrent les veaux’. Il poursuit :

L’AMF en est venue à me sanctionner pour avoir publié des analyses qui dénoncent les manipulations des règles prudentielles auxquelles ces banksters se livrent, en se basant sur des éléments qui ne correspondent pas à la réalité et sur des raisonnements qu’eux seuls peuvent oser soutenir.

Les gens de l’AMF ont manifestement outrepassé leurs prérogatives en vue d’intimider toute personne, en France et ailleurs dans le monde (!) qui ose contester les déclarations et publications frauduleuses des banksters’.

Il prévoit de faire appel de cette décision. Et il a expliqué qu’il a publié cet article sur son blog hébergé en Suisse (www.Chevallier.biz) plutôt que son blog français (www.jpchevallier.com) parce qu’il n’a ‘aucune confiance’ en les institutions françaises.

Douter les finances des mégabanques françaises ne relève pas que des bloggeurs. Le Wall Street Journal a par exemple reporté le 23 septembre 2011 que le ratio de levier financier du Crédit Agricole était de 33, et que ceux de BNP Paribas et SocGen étaient quelque peu moins élevés avec 24 et 23 fois leurs actifs tangibles. Peut-être le WSJ recevra-t-il bientôt une amende…

Les absurdités derrière l’attaque de Mike ‘MishShedlock

L’aspect le plus bête et le plus outrageux de la tentative de la France de faire taire les doutes quant aux bilans des mégabanques est l’attaque directe de Mike ‘MishShedlock qui a osé citer Chevallier dans son article « BNP Paribas Leveraged 27:1; Société Générale Leveraged 50:1; Sorry State of Affairs of U.S. Banks; Global Financial System is Bankrupt ».

SocGen s'est plainte à la SEC. La SEC a contacté Shedlock. Dans son article d’aujourd’hui au sujet de cette affaire sordide, « Mish Fined 8,000 Euros for Quoting French Blog », il écrit ceci : ‘Mon contact de la SEC m’a expliqué être forcé par accord de me transmettre la plainte, et a ajouté que ‘les banques françaises sont connues pour lancer des poursuites frivoles’’.

‘L’idée que je ne puisse pas citer quelqu’un est incroyable’, a écrit Shedlock.

Comme Chevallier le souligne sur son blog, et comme Shedlock l’a lui-même soulevé, et comme quiconque qui dispose de sens commun s’en rend probablement compte, plutôt que de s’en prendre aux mégabanques qui ont causé tant de troubles, les régulateurs s’en prennent aux bloggeurs qui tentent de lever le voile sur ces affaires.

Comment Shedlock fait face à ce problème ? Avec sa bonne vieille ingénuité Américaine : ‘Je ne fais pas partie de la juridiction de l’AMF, et elle ne pourra rien venir me prendre. En tant que citoyen Américain établi aux Etats-Unis, je ne suis pas sujet aux absurdités des lois françaises ou des chasseurs de sorcières français. Tout ce qu’ils obtiendront de moi est une promesse de ne jamais aller en France’.

La France a déjà suffisamment de problèmes. L’euro, sa gestion catastrophique, les promesses de la BCE de faire tout son possible, les trillions d’euros utilisés pour soutenir banques et gouvernements – tous ces efforts qui visent à empêcher la zone Euro de voler en mille morceaux – ont affecté les pays de différentes manières. France et Allemagne incluses. Elles s’en prennent l’une à l’autre mais frappent la BCE. Voir cet article : France Clamors for Currency War, Bundesbank Warns Of Housing Bubble


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Le gouvernement devrait créer, émettre, et faire circuler toutes les devises et tous les crédits nécessaires pour satisfaire les dépenses du gouvernement et le pouvoir d’achat des consommateurs. En adoptant ces principes, les contribuables économiseraient d’immenses sommes d’argent en intérêts. Le privilège de créer et d’émettre de la monnaie n’est pas seulement la prérogative suprême du gouvernement, mais c’est aussi sa plus grande opportunité.
Abraham Lincoln, président des Etats-Unis, mort assassiné 1809-1865

Le problème récurrent au cours des siècles derniers et qui devra être réglé tôt ou tard est celui du conflit qui oppose le Peuple aux banques.
Lord Acton, Lord Chief Justice of England, 1875
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"conflit qui oppose le Peuple aux banques"
Jusqu'à quel point le peuple a-t-il besoin d'une banque ?
(si on le l'obligeait pas à toucher ses salaires sur un compte, évidemment)
Bonjour
et bien rien ne vous empèche de laisser juste l'argent nécessaire sur votre compte bancaire pour faire face a vos prélèvements et le reste vous le retirer en liquide et basta comme cela votre très cher banquier pourra s'assoir sur un compte vide ou presque
sorry pour les fautes
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On peut, mais ce n'est pas pratique. On vous impose de force un service, autant l'utiliser.
De plus, vu les réglementations pour décourager l'utilisation de cash et les limitations des transactions en liquide, il devient difficile de parler encore d'un tel droit.

Et franchement, le jour où les gens feront ça massivement, il sera interdit d'enlever son argent.

"On vous impose de force un service, autant l'utiliser"
On vous a connu plus inspiré, ph11...

... Et on voit que vous ne connaissez pas les maquignons de campagne.
Personnellement, j'en ai parmi mes amis et connaissances qui ont des billets de 50 euros par paquets de 10 dans chaque poche.
Croyez-moi, j'ai vu moult et moult situations où cela peut s'avérer très... pratique.
Quand tu veux négocier quelque chose et que tu en poses 20 sur la table, ça fait plus d'effet qu'une carte bancaire : pour sûr, mon gars !


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Beaucoup d'Allemands le font de manière réflexe ou habituelle. J'essaye depuis 2ans, je n'y suis pas encore pleinement arrivé mais "je me soigne".

Les Allemands, les Allemands...
Allez au fin fond de l'Auvergne, de la Savoie, de la Bretagne profonde ou du pays basque dans ce qu'il a de plus "identitaire" (ne parlons pas de la Corse !) et vous verrez que le bon-sens paysan est encore loin d'être gangréné par le système bancaire.

J'ai même connu des gens qui, ayant accumulé au guichet (patiemment, petit à petit) des centaines et des centaines de billets de 50 euros - car on vous donne rarement mieux, en coupures - aller ensuite à la banque de France pour échanger ces derniers contre des gros violets de 500 euros, qui tiennent moins de place - et plus faciles à énumérer, quand on doit se taper le décompte de grosses sommes.

Et le jaune, de 200 euros, qui l'a déjà vu ?
Idem, j'en connais qui en ont des piles sous le sucre, dans la boîte en fer ornée d'une image d'Epinal.

Par contre, le jour où vous allez faire vos courses à Carrouf avec ce genre de coupures, il arrive que les caissières vous fassent tartiner un petit moment, après moult vérifications que c'est bien un "vrai".
Franchement, faudrait être con pour contrefaire un billet de 200 ou de 500 euros !
Si il y en a un à "faux-monnayer", c'est bien le 50 euros : il passe partout sans la moindre vérif ' !

Ce qui est rare étant beau, moi je les trouve beaux les 100, 200 et 500 euros.
Et puis, quand vous avez ça dans la pogne, vous êtes en position de négocier les grosses affaires, genre achat d'une bagnole d'occase.
Le mec qui vous demande 1800 euros pour sa vieille diesel de 1999 à 190 000 km, vous lui sortez 3 billets violets et l'affaire est réglée, sans plus de discussions interminables sur la courroie de distribution refaite ou non.

C'est vrai que c'est au fond des campagnes qu'on voit encore ces pratiques...

Rien que pour ça (si on le peut), habiter à la campagne est un pur bonheur !




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Soulever le problème de la véracité des bilans d'une banque, c'est comme demander à un travailleur indépendant s'il fait du travail au noir....
En tout cas, ces 2 blogueurs sont courageux !
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L'exigence d'équilibrer leurs bilans est la seule contrainte qu'on ait mise à leur émission de monnaie.
Et encore, exigence devant leurs pairs!

Le jeu en vaut trop la chandelle.
souvenez-vous de cet article:

Déclaration universelle des droits de l'homme (ONU)
Article 19
"tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit."

en outre, 12 septembre 2011
ONU:
Pacte international relatif
aux droits civils et politiques

Comité des droits de l’homme
102e session
Genève, 11-29 juillet 2011
Observation générale no 34
Article 19: Liberté d’opinion et liberté d’expression

49. les lois qui criminalisent l’expression d’opinions concernant des faits historiques sont incompatibles avec les obligations que le Pacte impose aux États parties en ce qui concerne le respect de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression . Le Pacte ne permet pas les interdictions générales de l’expression d’une opinion erronée ou d’une interprétation incorrecte d’événements du passé. Des restrictions ne devraient jamais être imposées à la liberté d’opinion et, en ce qui concerne la liberté d’expression, les restrictions ne devraient pas aller au-delà de ce qui est permis par le paragraphe 3 ou exigé par l’article 20.

que je sache, la France fait partie de l'ONU...
à bon entendeur, salut!
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"la France fait partie de l'ONU"

Peut être. Mais les banques sont au dessus de tout.


A commencer par être au dessus des lois.

Mais ne soyons pas surpris !! Ca fait plus de 200ans que le vieux père Bouclierrouge l'a clairement dit et écrit.

"Ils ont des yeux et ne savent pas voir, des oreilles et ne savent pas entendre..."
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Beaucoup d'Allemands le font de manière réflexe ou habituelle. J'essaye depuis 2ans, je n'y suis pas encore pleinement arrivé mais "je me soigne". Read more
Rüss65 - 12/31/2013 at 4:35 PM GMT
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