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"Ce
que Jupiter veut perdre, il les rend fous" a chanté le
poète. Nous y sommes en matière de "sécurité
sociale maladie". Le train de l'organisation s'est emballé depuis longtemps…
Le sens des mots la concernant en arrive aujourd'hui à s'en trouver,
plus que jamais peut-être, dévoyé.
Ce n'est plus un "plan" de plus que le nouveau gouvernement FILLON
sous présidence SARKOZY va édicter en la matière, - le
mot "plan" est banni du discours politico-technocratique -, c'est
la "franchise".
Qu'il n'y ait pas d'erreur de compréhension, il ne s'agit pas de la
franchise à quoi on pense instinctivement, à la bonne franchise
qui consiste à appeler un chat un chat, mais d'une franchise …
mensongère, nouvel oxymoron implicite, dans le domaine de l'assurance.
La franchise – la franche - est celle dont conviennent
contractuellement, dans un monde de liberté, l'assureur et
l'assuré, étant donné un risque de perte de patrimoine
de l'assuré bien défini et évalué par l'assureur à
partir de son expérience, des lois statistiques et de l'organisation
des marchés de l'assurance maladie et de la réassurance
maladie.
La franchise que le gouvernement semble vouloir édicter pour 2008
n'est qu'une nouvelle réduction ciblée – à quatre
cibles - des "RIRES maladie" ("RIRES" pour
réparations, indemnisations, remboursements, expédients sociaux
fournis par le régime général de l'organisation de
sécurité sociale obligatoire maladie - en abrégé,
OSSO maladie -). Elle est donc mensongère.
Elle est mensongère à plusieurs titres et, en particulier,
car nous ne sommes pas dans un monde de liberté de refuser
d'être immatriculés à l'OSSO et affiliés à
un régime d'OSSO, car l'OSSO maladie n'a rien à voir avec une
assurance maladie – qu'on dénomme aussi "assurance
santé" ailleurs qu'en France -, car le principe de l'OSSO est
très exactement de ne pas chercher à définir et à
évaluer les risques de perte de patrimoine de chaque personne couverte
"car ce serait entré dans son intimité et cela est
contraire aux 'droits de l'homme'" affirmait-on, toute honte bue, en
1945-46.
1. Franchise
mensongère et dernière - en date - procédure d'alerte.
Cette "franchise mensongère" fait suite à une
"procédure d'alerte sur les dépenses maladie",
nouvelle appellation sobriquet pour désigner l'action d'un
"comité d'alerte sur l'évolution des dépenses
d'assurance maladie", comité Théodule instauré par
la loi du 13 août 2004 du gouvernement RAFFARIN sous présidence CHIRAC.
Placé auprès de la "Commission des comptes de la
sécurité sociale" (cf. ci-dessous), le comité
d'alerte est composé de trois personnes: le secrétaire
général de cette commission ( aujourd'hui François
Monier), le directeur général de l'Insee (aujourd'hui
Jean-Michel Charpin), et une personnalité qualifiée
désignée par le président du Conseil économique
et social (CES) (aujourd'hui Michel Didier, directeur général
de l'institut Coe-Rexecode). Sa mission porte uniquement sur le volet RIRES
de l'OSSO maladie.
Selon la procédure fixée par la loi, le comité d'alerte
"notifie au Parlement, au gouvernement et aux caisses nationales
d''assurance maladie'" le risque encouru. Suite à cela, les
caisses "proposent des mesures de redressement" financier, sur
lesquelles "le comité rend un avis", ainsi que sur
"celles que l'Etat entend prendre pour sa part". En d'autres
termes, le gouvernement doit trouver des moyens de réduire les RIRES
maladie. Le gouvernement dispose d'un mois pour faire ses propositions
à partir de la notification de la procédure d'alerte.
Or le 6 avril 2007, le comité d'alerte a indiqué que les
évolutions des dépenses constatée en 2006 et
début 2007 "rendront très difficile le respect de
l'objectif fixé par le Parlement" pour 2007, soit un montant de
dépenses de 144,8 milliards d'euros. Il a aussi estimé que le
franchissement du seuil fatidique de 0,75% au-dessus de l'Ondam pourrait
être empêché "que si les économies
prévues lors de la construction de l'Ondam 2007 sont
intégralement réalisées".
Et BACHELOT, ministre de la Santé en exercice, a reconnu le 27 mai
suivant que le dépassement de l'Ondam 2007 s'élevait à
environ 2 milliards d'euros.
Les RIRES en matière de "soins de ville" étant
ciblés, il faut rappeler que le gouvernement s'attendait à une
augmentation de 1,1% en rythme annuel. Après un léger mieux en
mars, les RIRES en matière de "soins de ville" ont
néanmoins augmenté de 5,5% en avril. Bref, sur les quatre
premiers mois de l'année, la hausse est de 5%. On est loin des
anticipations officielles.
Pour sa part, l'OSSO maladie a ciblé deux autres types de RIRES non
satisfaisant, les RIRES en matière d'"actes techniques des
médecins spécialistes" et ceux en matière de
"transports sanitaires".
2. Une
procédure d'alerte d'une autre nature est en cours depuis longtemps.
Cette franchise mensongère fait surtout suite à une
série de dégâts sans précédent,
prévisibles - sauf apparemment par les hommes de l'Etat -, qui ne font
que s'amonceler et que ces derniers ont prétendu balayer
périodiquement. L'ensemble définit en
vérité une procédure d'alerte en cours depuis des
années dont les hommes de l'Etat ne veulent pas voir la nature.
Il y a dix ans, 1997
:
première année d'entrée en vigueur de la réforme
de l'organisation de la sécurité sociale maladie
décidée par le gouvernement JUPPE sous présidence CHIRAC
(1995-96) : tout devait être résolu.
L'OSSO maladie était en partie étatisée, il y avait en
particulier liquidation de la dette sociale - une bonne fois pour toutes -
avec la création de la contribution au remboursement de la dette
sociale (CRDS) – et celle de la Caisse d'amortissement de la dette
sociale (CADES) -, l'augmentation du taux de la CSG, l'instauration de la loi
de financement de la sécurité sociale votée annuellement
par le Parlement, l'ONDAM (pour objectif national de dépenses
d'"assurance maladie") les création d'agences,
d'autorités – plus ou moins "hautes", etc.
Certes, les partisans de la réforme diront que la situation serait
pire si la réforme n'avait pas été mise en oeuvre.
Il y a vingt ans,
1987 :
sous la houlette de SEGUIN, ministre des affaires sociales –
aujourd'hui président de la Cour des Comptes - dans un gouvernement
CHIRAC sous présidence MITTERRAND, c'était le "dix
septième plan santé" depuis la première convention
nationale maladie (1971) pour freiner la dérive des RIRES maladie. La
création de la "Commission des comptes de la
sécurité sociale" par le gouvernement BARRE à la
fin de la décennie 1970 n'y avait en définitive rien fait.
Il y a quarante ans,
1967 :
dans un gouvernement POMPIDOU sous présidence de DE GAULLE,
c'était la grande réforme du régime
général de l'OSSO. A l'occasion de cette réforme, l'OSSO
était subdivisée en quatre branches au nombre desquelles la
branche "OSSO maladie". But de la réforme : mettre un peu de
clarté dans le "machin" et faire un sort à la
dérive des RIRES maladie.
Entre autres, désormais, à chaque branche est versée une
cotisation obligatoire et chaque branche devrait être en
équilibre financier - la Cour des Comptes y veillerait -. Cette
réforme faisait suite à la création d'un "Centre
d'études supérieures de sécurité sociale"
formant les directeurs gérant l'organisation hiérarchique
pyramidale qu'était le régime général de l'OSSO.
Il y a soixante ans,
1947 :
dans un période politique pour le moins troublée,
c'était, en France, le lancement effectif du régime
général de l'OSSO. Le régime commençait à
recevoir des cotisations des employés de l'industrie et du commerce
qu'il dépensait immédiatement et intégralement pour leur
fournir des RIRES au cas où et pour se servir au passage –
toute peine mérite salaire -.
Mais cinq ans plus tard, en 1952, dans un rapport passé
inaperçu ou presque, la Cour des comptes s'émeuvait de
l'augmentation des RIRES maladie.
3. La
procédure d'alerte 1947-2007 :
1947-2007, ce sont donc 60 années d'augmentation des RIRES
maladie, dans quoi certains autoproclamés omniscients voient une
"dérive" depuis 1952 !
Ce sont aussi 60 années d'augmentation des cotisations obligatoires
(en assiette et en taux), 60 années de coercition croissante de vous
et moi par les hommes de l'OSSO seuls, puis par les hommes de l'OSSO maladie
et ceux de l'Etat (et de tous ses satellites, de création ancienne ou
récente), au prétexte de la "dérive" des RIRES
maladie, au prétexte de ne pas abandonner l'OSSO, maladie ou autre, au
prétexte de ne pas abroger l'obligation d'OSSO maladie faite à
vous et moi.
Ce sont surtout 60 années de coercition croissante des thérapeutes, de mise de ces derniers sous la cloche de
bureaucrates qui ont la double prétention de faire coïncider
RIRES maladie et cotisations maladie obligatoires au niveau qu'ils jugent
bon, et d'assujettir, en conséquence, l'offre des thérapeutes
et la demande de vous et moi, en passant outre le "colloque singulier" séculier.
La franchise mensongère "quadricible" ourdie aujourd'hui par
le gouvernement, si elle doit voir le jour, ne rendra peut-être pas
encore fatale la prétention des hommes de l'Etat, mais elle y
contribuera à coup sûr, et peut-être une bonne fois pour
toutes !
Georges
Lane
Principes de science économique
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publiés par Georges Lane
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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