In the same category

Le lait est sur le feu

IMG Auteur
 
Published : April 19th, 2012
1348 words - Reading time : 3 - 5 minutes
( 13 votes, 4.5/5 )
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
0
comment
Our Newsletter...
Category : Editorials

 

 

 

 

Sale tuile pour les Espagnols ! Jean-Claude Juncker, le chef de file de l’Eurogroupe, a déclaré hier que le pays « n’avait pas besoin d’aide extérieure » et a invité les marchés à être « plus rationnels » ! Vítor Constâncio, le vice-président de la BCE, a été dans son sens en estimant qu’ils avaient « sur-réagi » en imposant des taux obligataires élevés lors des adjudications d’hier mardi.


Au vu des précédents, ce genre d’affirmation est toujours annonciateur d’une catastrophe imminente. Les jours et les semaines qui viennent leur donneront ou non raison, mais comment en attendant ignorer que le compte à rebours est engagé ? Et se demander quel évènement serait encore susceptible de l’arrêter ?


Des mécanismes sont enclenchés. La hausse des taux obligataires n’aura certes qu’une incidence immédiate limitée sur la charge de la dette (le poids de ses intérêts), ne jouant encore que sur une faible partie de celle-ci. Plus préoccupantes en sont les conséquences pour les banques, qui devraient enregistrer des pertes, si elles le font, car la valeur de marché des obligations achetées avec les prêts de la BCE a diminué avec la hausse de leur taux. Le gouvernement est quant à lui placé devant un mur sans savoir quelle hauteur il va devoir prochainement franchir, ne pouvant plus bénéficier des achats obligataires des banques du pays qui stabilisaient les taux en achetant sa dette, les fonds de la BCE étant épuisés.


Vu son état, le système bancaire espagnol n’est plus à ces pertes près, il est vrai. Elles viennent s’ajouter à celles du secteur immobilier, qui tous les jours augmentent, aux effets de la récession économique, et pour faire bonne mesure à celles qui pourraient provenir du Portugal voisin, où les engagements espagnols sont estimés à 50 milliards d’euros. Son renflouement est indispensable, mais la formule est un bricolage de circonstance, car il n’est pas question d’accroître le déficit public pour y parvenir. D’où va venir l’argent ? La crainte étant que, si le FESF (fonds européen de stabilité financière) devait intervenir, car sa mission le lui permet désormais, un très mauvais signal serait par là même adressé aux marchés. Ce qui risquerait d’impliquer sans tarder un sauvetage en bonne et due forme.


La Banque d’Espagne vient de valider un plan d’assainissement du secteur bancaire gouvernemental. En plus des 9,2 milliards d’euros déjà dégagés en 2011, celui-ci va devoir trouver dans l’année qui vient, ou les deux prochaines années (pour celles qui participeront à la restructuration du réseau des Cajas en pleine déconfiture), 44,6 milliards d’euros. Soit en les prélevant sur leurs profits, ou bien en émettant des actions, soit en dernière instance en faisant appel au Frob, le fonds public d’aide. La vraisemblance du plan est faible, n’anticipant pas toutes les occasions à venir que les banques vont avoir d’accroitre leurs pertes.


Telle est la dynamique dans laquelle l’Espagne se trouve placée, avec comme seule alternative d’imposer aux régions des coupes claires dans les budgets de la santé publique et de l’enseignement pour regagner la confiance des marchés. Le gouvernement croit en avoir trouvé le moyen en s’engageant à payer les factures en souffrance des régions contre l’élaboration d’un plan d’économies. Prises à la gorge, quatorze régions sur dix-sept ont répondu présent et ont remis près de 4 millions de factures impayées pour un montant de plus de 17 milliards d’euros. Les plans remis d’ici fin avril et acceptés, les fournisseurs seront payés en mai, est-il promis.


L’objectif est de crédibiliser la participation des régions à la réduction du déficit, mais que craignent en réalité les investisseurs ? Que l’Espagne atteigne ses objectifs de déficit ou bien le contraire, inquiets qu’ils sont d’une récession qui ne peut ainsi que s’accentuer ? La stratégie poursuivie envers et contre tout procède d’un total contresens.


On peut faire confiance aux dirigeants européens : ils n’interviendront en Espagne que quand ils ne pourront plus faire autrement, n’étant capables de lever la casserole de dessus le feu que pour l’y reposer ensuite. La guerre des nerfs a donc repris.


Tous les regards se tournent vers Washington et la réunion du FMI. Le gouvernement allemand a fait savoir qu’il attendait qu’un signal y soit donné, afin que « les Européens ne soient pas livrés à eux-mêmes ». Quelle reconnaissance de l’impasse ! Pour que la BCE ne soit pas dans l’obligation d’intervenir à nouveau, sous une forme ou sous une autre, la seule issue est en effet que des ressources financières soient dégagées via le FMI pour secourir par ses prêts les pays européens qui devront à leur tour sortir d’un marché devenu infréquentable vu ses prix.


Chaque chose à sa place : à la BCE, le sauvetage des banques, aux États celui des États, c’est ainsi que peut être résumé le plan dont le second volet doit encore être concrétisé. Mais la question du risque pris par le FMI, et donc par ses membres, n’est pas négligeable, impliquant des contreparties. Les éléments d’un accord global sont connus, tout du moins pour les pays émergents, mais son adoption n’est rien moins que certaine. Car il représenterait un pas en avant vers une réforme du système monétaire international, et celle-ci ne pourra intervenir qu’à chaud, là encore quand il ne sera plus possible de faire autrement. En niant dans la presse brésilienne toute responsabilité à la baisse entretenue du dollar par la Fed dans le surenchérissement du réal, épousant la thèse américaine, Christine Lagarde vient de montrer non seulement quelles sont ses marges de manœuvre, mais également que les Américains ne veulent rien céder, craignant de ne pas pouvoir contrôler la suite.


Dans l’immédiat, le gouvernement japonais a demandé en contrepartie des 60 milliards de dollars qu’il va apporter que les Européens accroissent de leur côté le montant des engagements du Mécanisme européen de stabilité (MES).


Christine Lagarde espère atteindre au bout du compte ce qu’elle a déjà qualifié de « masse critique » en additionnant pour les besoins de la cause les fonds dont le FMI dispose déjà pour prêter aux pays à revenu moyen et élevé – 382 milliards de dollars – à ceux qu’elle récolte petit à petit comme s’il s’agissait de promesses de dons. On a déjà vu cela quelque part. Un montant équivalent est à l’arrivée espéré. Telle est la grande victoire qui s’apprête à être célébrée à Washington, au nom du refinancement planétaire de la dette des pays européens de la zone des tempêtes, à moins qu’un montage financier n’en répartisse autrement le risque.


Justifiant l’espoir d’être remboursé, le même FMI vient d’annoncer que le « pic » de la dette publique était « à portée de vue », prévoyant que « le ratio de la dette sera stabilisé ou aura commencé à baisser » dès 2015 dans une soixantaine de pays, à l’exception toutefois des États-Unis et du Japon. À condition, est-il ensuite reconnu en plus petits caractères, que se maintienne « un différentiel entre taux d’intérêt et de croissance très favorable ». D’autant que la persistance de taux d’intérêt historiquement bas n’est pas garanti », et que, « pour beaucoup d’économies avancées, y compris la France, l’Italie et le Royaume-Uni, il suffirait de petits chocs (…) pour empêcher la stabilisation de la dette à moyen terme », est-il conclu.


Une proposition de dernière minute de Christine Lagarde est par contre susceptible de semer un certain trouble, si ce n’est même un grand froid. Tirant sans doute les leçons des dernières prévisions semestrielles du FMI, selon lesquelles les banques de la zone euro devraient réduire la taille de leurs bilans de 2.600 milliards de dollars dans les deux ans à venir, augurant d’un fort resserrement du crédit, elle a proposé la création d’une nouvelle entité européenne. Elle aurait pour mission de recapitaliser les banques en prenant des participations directes dans celles-ci, afin de briser « le cercle vicieux entre États et banques ». Sans plus d’explication sur son financement et les circonstances de son intervention.


Décidément, la crise de la dette publique cède ces temps derniers le pas devant celle de la dette privée…




Billet rédigé par François Leclerc


 

 

Data and Statistics for these countries : France | Portugal | All
Gold and Silver Prices for these countries : France | Portugal | All
<< Previous article
Rate : Average note :4.5 (13 votes)
>> Next article
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Comments closed
Latest comment posted for this article
Be the first to comment
Add your comment
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS