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My coffee place is rich : morale et impôt sur les sociétés, 2ème partie

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Published : December 12th, 2012
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Dans un précédent article, nous expliquions comment les pouvoirs publics au Royaune-Uni en étaient venus à faire appel à la vindicte populaire afin de faire pression sur des multinationales qui ne paieraient pas assez d’impôts dans le pays où elles sont localisées.


Cette actualité soulève de bien grandes questions, telle que celle de la justification de l’impôt en général, voire du fondement de la moralité. Mais on se contentera de réfléchir ici au bien fondé de l’impôt sur les sociétés.


Pourquoi les entreprises devraient-elles payer des impôts ? Une première réponse consisterait à dire qu’il n’est pas juste qu’une multinationale telle que Starbucks ne reverse aucun pourcentage de ses profits à l’État, alors que n’importe quel café du coin le doit.


Cet argument n’est pas suffisant, cependant, d’un point de vue logique, car on pourrait tout aussi bien en déduire qu’aucune entreprise ne devrait payer d’impôts. Pour prendre une image, s’il se trouve que les membres d’une minorité sont injustement traités, on n’ira certainement pas dire qu’il n’est pas juste que certains d’entre eux parviennent à s’échapper de cette condition.


De même, prenant la population à témoin, les politiciens essaient de propager l’idée qu’il est injuste que des multinationales gagnant des millions ne paient pas d’impôts, alors que le reste de la population participe à l’effort d’austérité requis par la situation du pays.


Mais, outre le fait qu’il suppose que des hausses d’impôts soient utiles et nécessaires, cet argument relève en fait du sophisme, car les entreprises ne sont simplement pas des membres de la population. Leurs propriétaires en font bien partie, eux, et à ce titre ils doivent s’acquitter, comme les autres, de l’impôt sur les revenus qu’ils en reçoivent. Certes, les taux sont souvent moins élevés, mais la raison en est qu’il s’agit là de revenus du capital, c’est-à-dire de revenus générés par des sommes épargnées, lesquelles ont déjà été taxées lorsqu’elles ont été produites, à l’origine, par un travail. En outre, les revenus de l’investissement sont par essence incertains.


Dès lors, pourquoi taxer ces revenus lorsqu’ils sont générés par l’entreprise, alors qu’ils l’ont déjà été, et le seront à nouveau lorsqu’ils seront perçus par ses propriétaires sous la forme de dividendes et de gains de capital ?


Pourquoi les entreprises devraient-elles une part de leurs profits à l’État ? Généralement, on ne se pose même pas la question, se contentant de trouver normal que l’État taxe les entreprises, puisque celles-ci sont « riches, » ce qui s’apparente au bon mot attribué au célèbre gangster Willie Sutton. Lorsqu’un journaliste lui demanda pour quelle raison il braquait des banques, la légende dit qu’il aurait répondu : « parce que c’est là qu’est l’argent… »

Mais, s’il n’est pas d’autre justification à l’impôt sur les sociétés, alors celui-ci n’est ni plus ni moins qu’une exploitation en règle : L’État doit faire payer les entreprises parce qu’elles le peuvent, et qu’il le peut. Si tel est le cas, il n’y a évidemment rien d’immoral à s’y soustraire.


La science économique contient plusieurs théories prétendant justifier l’imposition des sociétés. La première insiste sur l’idée qu’il ne peut pas y avoir d’activité économique sans cadre institutionnel assurant, par exemple, la protection de la propriété privée et le respect des contrats, et donc sans un ensemble de services publics tels que ceux offerts par la police et le système judiciaire.


Le problème avec cet argument est que, s’il est fondé, il justifie bien la taxation des revenus perçus par les propriétaires des entreprises, mais absolument pas leur double taxation.

En outre, s’il légitime bien quelque imposition que ce soit, on voit mal comment la fourniture des services publics en question pourrait justifier la confiscation de plus d’un quart des profits d’une entreprise.


D’autres théories existent, mais toutes ont en commun d’insister sur des externalités positives, c’est-à-dire ici sur les conséquences d’interventions publiques dont les entreprises bénéficieraient gratuitement.


Par exemple, on pointera parfois que les entreprises jouissent gratuitement des infrastructures développées par les pouvoirs publics.


À chaque fois, cependant, on pourra faire la même objection : les prétextes en question ne justifient jamais la double taxation des profits des entreprises, non plus que les taux auxquels ceux-ci sont imposés.


Au fond, il ne s’agit d’ailleurs jamais de véritables arguments. Lorsqu’on les évoque, ce n’est pas pour essayer d’expliquer rationnellement l’imposition des sociétés, mais uniquement afin de trouver un moyen de déguiser l’arbitraire et l’absence totale de justification.


Ainsi, on entendra parfois que les entreprises bénéficient du système de l’éducation publique par laquelle l’État leur fournit une main d’œuvre qualifiée, alors qu’il est évident dans ce cas que les entreprises en paient le prix sous la forme de coûts du travail plus élevés.


De plus, en parlant d’externalités positives, il ne faudrait pas non plus oublier de compter celles que les entreprises produisent, lesquelles pourraient bien acquitter par elles seules la « dette » des propriétaires des entreprises à l’égard de l’État. 


Lorsqu’une personne épargne et confie une part de son revenu à une entreprise, plutôt que de le consommer, elle permet, en effet, à cette dernière d’investir et d’employer des individus, ce qui bénéficie à la société bien au-delà des revenus que cela pourra rapporter à la personne privée.


Ainsi, si Starbucks n’a payé que 10,5 millions d’euros d’impôts sur ses profits depuis que la firme s’est implantée au Royaume-Uni, elle y a investi plus de 245 millions d’euros, créé plus de 750 établissements, employé plus de 11 500 personnes, et versé près de 200 millions d’euros aux caisses de protection sociale du pays.


Pour finir, il faut également rappeler la vérité économique fondamentale selon laquelle « rien n’est gratuit. » Si Starbucks verse plus d’impôts à l’État britannique, quelqu’un, quelque part, devra payer pour cela.


Le marché financier global étant beaucoup plus concurrentiel que le marché du travail anglais, le risque est que ces nouveaux impôts pèsent sur les employés de la compagnie.


De fait, bien qu’elle prétende que les deux événements sont sans rapport, la firme a annoncé, en même temps qu’elle s’apprêtait à reverser une plus grande part de ses revenus aux autorités, qu’elle allait aussi prendre un ensemble de mesures internes diminuant les bénéfices de ses « baristas, » parmi lesquels la fin des dispositifs leur accordant une pause déjeuner quotidienne, et une journée personnelle annuelle, rémunérées.


Espérons,sans y croire,que ceux-ci recevront de l’État autant qu’il leur aura coûté…

 

 

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Jérémie Rostan enseigne la philosophie et l'économie à San Francisco. Il est l'auteur, en plus de nombreux articles pour mises.org et le quebecois libre, de guides de lecture aux travaux de Condillac et de Carl Menger, ainsi que d'un ouvrage , Le Capitalisme et sa Philosophie, et de la preface a la reedition de l'ethique de la liberte de Rothbard (Belles Lettres)
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Comme a dit je crois Ludwig von Mises, taxer les profits de l'entreprise revient à couper les bourgeons de l'arbre.

Bravo Jeremy
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Merci. Indeed, comme le dit maître Ludwig dans Planning for freedom,

"If the present tax rates had been in effect from the beginning of our century, many who are millionaires today would live under more modest circumstances. But all those new branches of industry which supply the masses with articles unheard of before would operate, if at all, on a much smaller scale, and their products would be beyond the reach of the common man."
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Merci. Indeed, comme le dit maître Ludwig dans Planning for freedom, "If the present tax rates had been in effect from the beginning of our century, many who are millionaires today would live under more modest circumstances. But all those new branches  Read more
jeremierostan - 12/13/2012 at 6:44 AM GMT
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