|
La toute
récente démission du Ministre des Finances portugais, Vitor Gaspar, est partout présentée comme
une énième preuve de l’échec des politiques
d’austérité. De fait, alors que le FMI prévoyait
un retour de la croissance début 2013, accompagné d’un
alignement du déficit public sur les critères européens,
la récession portugaise devrait empirer cette année, et avec
elle le déséquilibre du budget. Le problème est que
l’on prétend en conclure que la réduction des
dépenses publiques doit laisser place, en Europe, à des
« politiques de relance. » C’est-à-dire
que, faisant l’amalgame entre la discipline budgétaire et les
programmes d’austérité actuels, on exploite
l’échec des seconds pour repousser à jamais la
nécessaire réforme des États-Providences européens.
Or, depuis
2011 et le plan d’aide de la Troïka,
l’austérité portugaise a bien plus porté sur
l’augmentation des prélèvements que sur la
réduction des dépenses du gouvernement. Lors de la
présentation du projet de budget 2013, Vitor
Gaspar défendait ainsi d’ « énormes
hausses d’impôts » - représentant de fait 80% de
l’ajustement fiscal prévu. Les dépenses publiques, elles,
ont augmenté de 2 points de PIB par rapport à 2008.
Dans une large
mesure, ce sont pourtant ces dernières qui sont responsables de la
situation actuelle du Portugal. Celle-ci ne date ni de 2011, ni de 2008, mais
de plus de 10 ans. Sur cette période, le pays a été en quasi stagnation, croissant de 0,7% en moyenne, le taux
le plus faible des économies de la zone euro. Une des principales
raisons en est l’importance du coût du travail pour les
entreprises du pays, lequel grève l’emploi et la
compétitivité internationale. Le taux de chômage officiel
frôle aujourd’hui les 18% au Portugal, mais
s’élevait déjà à 8% deux ans avant la crise
financière ; et le pays se classe 49ème sur le plan
mondial en termes de compétitivité, handicapé dans son
classement par le fait que le gâchis de ressources par
l’État y est jugé le plus grave (133ème
sur 144).
Outre un
coût unitaire du travail excessif, le Portugal souffre donc
d’autres maux structurels, parmi lesquels un environnement peu propice
à l’entreprenariat (notamment en termes de fiscalité sur
les entreprises et d’entraves à la libre-concurrence dans les
secteurs protégés), un marché du travail
rigidifié par la protection avantageuse des « insiders », et un secteur public
surdimensionné. Au Portugal, plus de 12% de la population active
employée… l’est par l’État.
Le
gouvernement actuel a bien essayé de remédier à cette
partie du problème par une réforme du mode de financement de la
protection sociale, ainsi que par une baisse des salaires dans la fonction
publique. Mais, rejetée par l’opinion et annulée par la
Cour Constitutionnelle du pays, aucune des mesures n’ont
véritablement abouti.
L’histoire
économique récente du Portugal est représentative de ce
que l’on pourrait appeler la fatalité de
l’État-Providence : la croissance des dépenses de
l’État empêche celle de l’économie qui est
censée les financer. D’où la logique de surendettement
dont les effets sont les plus visibles dans ces pays de la zone euro
où, au sortir d’une dictature, la démocratie sociale a
voulu rattraper ses voisins sans en avoir les moyens productifs:
Grèce, Portugal, Espagne. Mais la France n’est pas à
l’abri, et à moindre échéance qu’on ne le
croit. C’est pour cela qu’il importe de ne pas se mentir et
prétendre que les réformes de la protection sociale et de la
fonction publique ne peuvent être que maléfiques. Si
l’austérité portugaise entraîne le pays (comme tous
ceux qui suivent la même voie, d’Athènes à Londres)
dans un cercle vicieux récessif, c’est avant tout les hausses
d’impôts qui sont en cause. Celles-ci sont rendues
nécessaires par le niveau des dépenses publiques et par la
grande difficulté à les limiter. Dans ce contexte, elles sont
aussi la seule alternative à une catastrophe financière dont
les conséquences ne seraient certainement pas plus désirables.
S’il est
un appel à lancer face à l’échec des politiques
d’austérité en Europe, l’urgence est donc, non pas
aux « politiques de relance, » mais au contraire
à la baisse des dépenses publiques, et plus profondément
à la refonte du système entier qui les sous-tend.
On irait jusqu’à évoquer une « nouvelle
révolution française. » Pour qui l’a
oublié, la première fut une révolte contre
l’impôt, la dictature réglementaire, et les
privilèges, dans un contexte de surendettement de
l’État…
|
|