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Les
régimes de retraite obligatoires sont, en France, de deux grands types
:
- les régimes de base et
- les régimes complémentaires.
Beaucoup parlent des uns et des autres sans les distinguer bien qu’ils
ne se ressemblent pas hormis leur caractère obligatoire et leur refus
de l'économie de marché.
Les règlementations arbitraires qui leur donnent existence sont
très différentes les unes des autres.
Les régimes
de base sont du ressort de l’organisation
de la sécurité sociale obligatoire (OSSO) - et, en
particulier, pour les travailleurs
salariés de l’industrie et du commerce, de la Caisse
nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés
(CNAVTS) -.
Ils ne sont pas du ressort
de l’Etat, comme cela se fait, par exemple, à l’étranger
et comme certains le croient.
L'OSSO est, rappelons le, un véritable para Etat qui a
été organisé par la force et certains partis politiques à
partir de 1941-46 en marge de l’Etat.
Certes, aujourd'hui, l'Etat fait les "fins de mois" de
l'OSSO, mais c'est le marché financier - "ce
pelé, ce gâleux..." - qui fait les "fins de
mois" de l'Etat.
En conséquence, c'est le marché
financier qui fait les "fins de mois" de l'OSSO. Et s'il
devait être dans l'état où lui et l'OSSO se trouvaient en
1945-46 et où se trouve toujours l'OSSO, il y a longtemps que celle-ci
- et peut-être l'Etat de la France - aurait disparu.
Les régimes complémentaires ne sont pas du ressort de l'OSSO,
ni de l’Etat, comme certains pourraient le croire.
Ils sont du ressort d’organismes privés,
privilégiés désormais par le législateur, plus ou
moins sous tutelle de l’Etat, créés successivement
à partir de la fin de la décennie 1940 du fait des
décisions des syndicats dits "représentatifs",
« de cadres » ou « de non cadres », et de «
conventions ».
Les régimes de retraite complémentaire sont donc institutionnellement
indépendants des régimes de retraite de base de l'OSSO bien que
les "partenaires sociaux", sobriquet employé pour
désigner les syndicats privilégiés, aient reçu le
privilège d’un coup d’Etat de gérer les uns et les
autres.
I. Les
régimes de retraite complémentaire des salariés.
S’agissant des régimes de retraite complémentaire des
seuls travailleurs salariés de l’industrie et du commerce
assujettis au régime général de l'OSSO, les retraites
ARRCO (ARRCO pour "association des régimes de retraite complémentaire")
et les retraites AGIRC (AGIRC pour "association générale
des institutions des régimes des cadres") sont aujourd’hui
gérées par 29 caisses de retraite Arrco, 20 caisses de retraite
Agirc et leurs fédérations.
Les caisses Arrco et Agirc sont membres de groupes dits « paritaires
» de protection sociale (18 en métropole, 4 dans les
départements d’outre-mer) :
Ag2r-Isica • Agrica • Apicil • Aprionis • Arpbtpag
•Arpege • Audiens • B2v • Cgrr • Crc •
D&O • Ircem •Irp Auto • La Verriere • Lourmel
• Malakoff Mederic •Mornay • Novalis Taitbout •
Premalliance • Pro Btp •Reunica • Vauban Humanis
Trois autres grandes discriminations réglementaires, qui seront
souvent présentées comme techniques quoiqu’elles ne le
soient en rien, contribuent à distinguer les régimes
complémentaires des travailleurs salariés des régimes de
base de l'OSSO:
- la réglementation des régimes complémentaires
qu’est la répartition dite "par points" ;
- le statut de « cadre » ou de « non cadre » -
considération réglementaire que je ne développerai pas
et qui est spécifique au droit du travail en France - ;
- le montant du salaire dit « plafond », qui est fixé
périodiquement par les partenaires sociaux et qui n’est autre
que l’assiette de cotisation maximum au régime de base de l'OSSO
ou à la « tranche A » des régimes
complémentaires, cf. ci-dessous).
Tableau 1
Plafond de la
Sécurité sociale
2006-2010
Plafond Par
an Par
mois
2006
31 068 € 2 589 €
2007
32 184 € 2 682 €
2008
33 276 € 2 773 €
2009
34 308 € 2 859 €
2010
34 620 € 2 885 €
En vérité, pire que la réglementation qu’est la
répartition pratiquée par les régimes de retraite de
base de l'OSSO, il y a la réglementation qu’est la
répartition par points pratiquée par les régimes de retraite
complémentaire.
Il en est ainsi car, à l’ignorance ou aux mensonges, fonds de
commerce des régimes de base, qu’eux-mêmes cultivent, les
régimes complémentaires ajoutent ceux qui doivent amener
à penser que la répartition par points serait meilleure que la
répartition : on sait qu’au royaume des aveugles ….
Montrons, en quelques mots sur les assiettes et les taux de cotisations
obligatoires des régimes complémentaires des travailleurs
salariés, pourquoi il n’en est rien et pourquoi, en
conséquence, la réforme des régimes de base de
sécurité sociale dans le sens de la "répartition
par points" agitée aujourd’hui par certains ne doit pas
être conseillée.
II. Les cotisations
de la « répartition par points ».
Non cadre,
le travailleur salarié est obligé de cotiser à
l’Arrco sur la "tranche A" de son salaire.
Dès lors que son salaire est supérieur au plafond, il est
obligé de cotiser à l’Arrco sur la "tranche 2"
(qui va de un à trois plafonds)
Tableau 2
Taux de cotisation
obligatoire
ARRCO
Tranche
A
Tranche 2
(de 1 à trois plafonds)
Taux
Arrco
7,5
%
20 %
Taux AGFF*
2%
2,2%
* AGFF pour
"association pour la gestion du fonds de financement"
de l’Agirc et de l’Arrco. La cotisation sert à financer
les pensions des personnes parties en retraite avant 65 ans. Elle ne donne
pas de points supplémentaires au salarié...
Non cadre,
le travailleur salarié est aussi obligé de cotiser à
l'OSSO dans la mesure du plafond de sécurité sociale (cf.
tab.3).
Tableau 3
Taux de cotisation
retraite
non cadre obligatoire
Tranche A
Tranche 2
(de 1 à trois plafonds)
Taux OSSO
14,95
%
16,65 %
Taux
Arrco
7,5
%
20 %
Taux
AGFF
2%
2,2%
Taux
global
24,45%
38,85%
Au total, si on ajoute ce qu’il doit verser pour le régime de
base de l'OSSO, le non
cadre doit verser 24,45% du prix de son travail pour la tranche A
et 38,85% pour la tranche 2.
Qui le sait ? Qui y fait attention ? Qui en tient compte - au sens propre du
mot « compte » - ?
Cadre, le
travailleur salarié est obligé de cotiser à
l’Arrco sur la tranche A de son salaire et au-delà, de cotiser
à une institution de l’Agirc.
Il peut ainsi cotiser sur la tranche B (qui va de un à quatre
plafonds) et sur la tranche C (qui va de 4 à 8 plafonds).
Tableau 4
Taux de cotisation
obligatoire
AGIRC
Tranche A Tranche
B Tranche C
( de 1 à 4) (de 4 à 8)
Taux
20,30
% 20,30 %
CET*
0,35 % 0,35
% 0,35 %
Taux
AGFF
2,2%
* CET pour
"contribution exceptionnelle et temporaire". Elle ne
donne pas droit à des points supplémentaires...
Cadre, le travailleur salarié est donc obligé de cotiser
à l'OSSO dans la mesure du plafond de sécurité sociale
et à ces autres régimes (cf. tab.5).
Tableau 5
Taux de cotisation retraite
cadre obligatoire
Tranche A Tranche
B
Tranche C
( de 1 à
4)
(de 4 à 8)
Taux OSSO 14,95
% 16,65
%
16,65%
Taux Arrco 7,5 %
Taux
Agirc
20,30 %
20,30 %
Taux
APEC
0,06% 0%
Taux
AGFF
2,2%
0%
CET 0,35
%
0,35
%
0,35 %
Taux global
22,8%
39,5%
37,3%
Au total, si on ajoute ce qu’il doit verser pour le régime de
base de l'OSSO, le cadre doit verser 22,80% du prix de son travail pour la
tranche A, 39,5% pour la tranche B et 37,3% pour la tranche C.
Qui le sait ? Qui y fait attention ? Qui en tient compte au sens propre du
mot « compte » ?
III. Le "taux
d’appel" : l’artifice le plus pernicieux de la «
répartition par points ».
Originalité des régimes de retraite complémentaire, les
cotisations obligatoires versées par le salarié cadre ou non
cadre lui donnent droit à des « points de retraite
complémentaire ».
On s’attendrait à ce que le montant des cotisations
versées qui résultent des assiettes et des taux de cotisation
aux régimes complémentaires signalés
précédemment, ait comme contrepartie un nombre de points de
retraite complémentaire d’ « égale valeur ».
Mais il n’en est rien depuis un certain nombre d’années.
Une partie du montant des cotisations ne rentre pas en ligne de
"compte" dans le calcul. Tout se passe comme si une taxe ou un
impôt caché frappait le montant des cotisations versées.
Qui le sait ? Qui en parle ? C’est ce fait qui amène à
dire que la répartition par points est plus détestable encore
que la simple répartition.
Le taux d'appel est, toute proportion gardée, le pendant de l'"allongement
de la durée de cotisation" des régimes de base de
l'OSSO. Sur cet allongement, il y a débat, sur le taux d'appel,
c'est un silence tonitruant.
Taux de cotisation,
taux d’acquisition des points et taux d’appel.
Comme pour cacher la manipulation, et au lieu de faire intervenir
explicitement la soustraction, le « prélèvement »
subreptice effectué sur le montant des cotisations versées, les
gestionnaires des régimes complémentaires ont
créé une dénomination absconse, à savoir le
« taux d’appel ».
Ils ont aussi institutionnalisé un calcul fallacieux qui tient dans
l’expression algébrique suivante :
Taux de cotisation = taux d’acquisition d’un point x taux
d’appel
Aujourd’hui, le taux d’appel est égal à 125 %.
Comme les partisans aiment à le rappeler, son principe a
été introduit pour équilibrer les régimes de
retraite Arrco et Agirc.
Il s’ensuit qu'aujourd'hui, 80% du montant des cotisations
versées donnent lieu à points de retraite, 20% sont purement et
simplement perdus par le salariés. Tout se passe comme si une taxe ou
un impôt de 20 % frappait le montant des cotisations versées :
certains diront que 20% des cotisations versées ne sont pas
producteurs de points, générateurs de droits : «
merveilleux », n'est-ce pas ?
Qui le sait ? Qui en parle ?
L’expression même « taux d’appel » est
incompréhensible. Elle tend à cacher une réalité
: la réglementation en question est absurde. Elle contribue à
l’ignorance de chacun et aux mensonges.
Aujourd’hui, le « taux d’appel » est de 125 %. A
l’origine, il n’existait pas.
Dans la période 1983-86, le taux d’appel ARRCO était
égal à 115% ; en 1984, le taux d’appel AGIRC était
égal à 103% (cf. Babeau,
1985).
Et, demain, une décision des partenaires sociaux peut très bien
le faire passer à 130%, à 150%, voire à...
Le taux d'appel est en définitive un taux d'appauvrissement.
En d’autres termes, le salarié supporte une décote sur
laquelle personne n’insiste et qui atteste pourtant de
l’arbitraire et de l'absurdité de la réglementation en
question.
Aujourd’hui, le salarié non cadre verse donc des cotisations de
retraite complémentaire aux taux respectifs de 7,5% et 20% (cf. tab.
6) qui ne lui « rapportent en points » que 6% et 20% !
Tableau 6
Taux de
cotisation et taux d’acquisition des points
ARRCO
Taux de cotisation Taux
d'acquisition
des points
Tranche A 7,5
%
6 %
Tranche 2 20
%
16 %
De même, aujourd’hui, le salarié cadre verse des
cotisations aux taux respectifs de 7,5% (à l’ARRCO), 20,3% et
20,3% (à l'AGIRC) (cf. tab. 7) qui ne lui « rapportent en points
» que 6%, 16,24% et 16,24% !
Tableau 7
Taux
de cotisation et taux d’acquisition des points
AGIRC
Taux de cotisation Taux d'acquisition
des points
Tranche
B
20,30
%
16,24 %
Tranche
C
20,30 %
16,24 %
Valeur d’achat
en monnaie d’un point de retraite complémentaire
La valeur d’achat en monnaie d’un point de retraite
complémentaire ajoute à l’arbitraire
précédent.
Certains diront qu’elle évolue en fonction du salaire moyen des
cotisants des régimes Arrco et Agirc de l’année
précédente.
Soit dit en passant, la valeur d’achat d’un point de retraite est
aussi appelée salaire
de référence. Et on aime à rappeler que le
premier salaire de référence Agirc a correspondu tout simplement
au salaire horaire d’un ouvrier de la métallurgie.
Tableau 8
Salaire de
référence
Année
valeur ARRCO valeur
AGIRC
2006
13,0271
€
4,5444 €
2007
13,5091
€
4,7125 €
2008
13,9684
€
4,8727 €
2009
14,2198
€
4,9604 €
Mais, en fait, ce sont les partenaires sociaux, représentants des
organisations patronales et syndicales, gestionnaires des régimes de
retraite complémentaire, qui décident, chaque année, de
l’évolution.
Par exemple, pour l’Arrco, la valeur d’achat en monnaie
d’un point de retraite était de 14,2198 € pour 2009.
Pour l’Agirc, elle était de 4,9604 €.
Calcul du nombre de
points de retraite complémentaire
Etant donnée la décote ou la majoration – selon le sens
dans lequel on se place - qu’il supporte, le salarié
achète ou « acquiert » un nombre de points
inférieur à ce qu’il devrait être.
Le nombre des points de retraite complémentaire est calculé
à partir de la formule arithmétique qui suit :
assiette de cotisation x taux d'acquisition des points =
valeur d’un point x nombre de points
L’assiette de cotisation n’est autre, en général,
que le salaire brut.
Le nombre de points de retraite complémentaire achetés à
chaque versement de cotisations se calcule à partir de la formule
arithmétique qui suit :
Nombre de points =
salaire brut x taux d'acquisition des points / valeur d’un point
Compte retraite.
Les points de retraite complémentaire sont comptabilisés sur un
compte retraite ouvert au moment de la première inscription dans une
caisse de retraite.
Ils sont conservés quels que soient les changements que le
salarié peut rencontrer au cours de sa carrière.
IV. Remarques
finales.
Deux remarques pour conclure.
1) La valeur d’achat en monnaie du point de retraite n’est pas
égale à la valeur d’exercice en monnaie du point de
retraite, une fois la retraite prise.
Tableau 9
Valeur du point
Année
valeur ARRCO valeur
AGIRC
(au 1er avril)
2006
1,1287
€
0,4005 €
2007
1,1480
€
0,4073 €
2008
1,1648
€
0,4132 €
2009
1,1799
€
0,4186 €
La valeur du point est là encore fixée arbitrairement par les
partenaires sociaux (cf. tab.9).
En d'autres termes, en 2009, vous avez acheté un point Arrco €14,2198
et, une fois en compte, il vaut €1,1799.
Soit dit en passant, je laisse chacun comparer, sur la période
2006-2010, l’évolution du plafond (tab.1), celle de la valeur
d’achat en monnaie du point (tab.8) et celle du point en compte
(tab.9). Le comparaison est édifiante…
2) Avec la "répartition par points" et contrairement
à ce qui se passe pour la "répartition simple" de
l'OSSO, la « retraite en constitution » est « transportable
» par son titulaire, le travailleur salarié. Le salarié
peut passer d’une activité à une autre et sa retraite en
constitution le suit, ... « comme on dira ».
La « transportabilité » est le seul point positif de la
réglementation en question,
Ce point ne saurait à soi seul justifier une réforme des
régimes de retraite de base de la sécurité sociale en
France dans le sens d’une généralisation de la retraite
par répartition par points tant tous les inconvénients de la réglementation
en question qu’elle partage avec la répartition de l'OSSO et qui
ont été signalés ailleurs - http://blog.georgeslane.fr/category/Economie-...ecurite-sociale
- dominent ce piètre avantage.
Bref, la répartition, qu’elle soit par points ou par autre
chose, est une réglementation qui, dans le meilleur des cas, tend
à faire vivre le travailleur au jour le jour - dans le pire, elle a
tendu à détruire le temps -.
Il reste qu'elle détruit l’épargne et fait cheminer
l’économie sur la voie de l’artifice et de
l’arbitraire, une voie sans issue.
La seule voie à issue est celle de la target="_blank" capitalisation
qui tend à prendre en considération le temps, à
gérer l'avenir et apporte croissance et développement.
Georges
Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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