Quel est le dénominateur
commun entre les dictateurs toutes doctrines confondues (extrémistes
droite-gauche, juntes militaires, extrémistes religieux,…)? L’espionnage des
citoyens….
Qui n’a pas entendu parler de
système totalitaire qui met les populations sous surveillance généralisée
dans le but de préserver les acquis d’une minorité au pouvoir? La terre
pullule de ce genre d’individus qui veulent dominer et gouverner quitte à
supprimer les libertés individuelles dont la plus importante est celle
d’avoir droit à la vie privée…
Surveillance permanente. Fut
un temps où les pays qui ont connu le totalitarisme se dotaient de mouchards.
Généralement, ceux-ci étaient des êtres humains qui ne vous voulaient pas du
bien. C’était le voisin, le collègue, un coreligionnaire, un chauffeur de
taxi, un collègue,etc.
Aujourd’hui la technologie
a non seulement remplacé tous ces traîtres devenus inutiles, mais en
plus la surveillance peut se faire 24heures sur 24, 7 jours sur 7. Les
mouchards sont devenus technologiques cachés dans les appareils utilisés au
quotidien. Tout appareil connecté au web va devenir le traître potentiel.
Quelque part sur la planète, des personnes peuvent lire et stocker vos
données. Votre vie privée est devenue d’un coup publique.
Sous un régime d’Etat de
droit, cette chose qui transforme une vie privée en base de données publiques
est interdite et serait passible de sanctions pénales. La Constitution suisse
par exemple impose son article 13 intitulé Protection
de la sphère privée qui dit ceci:
1 Toute personne a droit au respect
de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des
relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications.
2 Toute personne a le droit d’être
protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent.
Toute une série d’autres
articles concernant des libertés accompagnent cet article 13. Nous trouvons
ainsi
2 Toute personne a le droit de former,
d’exprimer et de répandre librement son opinion.
3 Toute personne a le droit de
recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources
généralement accessibles et de les diffuser.
1 La liberté de la presse, de la
radio et de la télévision, ainsi que des autres formes de diffusion de
productions et d’informations ressortissant aux télécommunications publiques
est garantie.
2 La censure est interdite.
3 Le secret de rédaction est
garanti.
Eh bien, tout ceci est en
grand danger dans les Etats dits de droit! Une surveillance généralisée est
d’ores et déjà opérationnelle et prête à être légalisée.
Un système totalitaire aux
allures démocratiques est en train de s’abattre sur l’Europe grâce à des
personnes élues sur la base d’un système de droit…
Comme l’enrobage de tout ceci
se fait sous des impératifs de sécurité et de paix, et que la surveillance ne
peut être mise en place en dehors de la justice, voici la preuve que la
surveillance généralisée est un dispositif banal voulu par les firmes
transnationales en général et celles du web en particulier.
La surveillance de
masse en Allemagne
Profitons d’un évènement qui
s’est déroulé en Allemagne pour poser la problématique de la surveillance de
masse. Un rapport publié en 2015 faisait état d’une visite de membres
de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) allemande dans la
station d’écoutes Bad Aibling. Cette visite s’était déroulée
conjointement par l’agence
allemande du renseignement, la Bundesnachrichtendienst (BND), ET par la
National Security Agency (NSA) américaine.
Le rapporteur relève 18
manquement graves. Selon Le journaliste G
Champeaud, « L’institution reproche
au BND d’avoir créé sept bases de données rassemblant des informations
personnelles sur des suspects ou simples citoyens lambda, sans aucun mandat
législatif pour ce faire, et de les avoir utilisées depuis plusieurs années
au mépris total des principes de légalité. Le commissaire a exigé que
ces bases de données soient détruites et rendues inutilisables.«
Selon le journaliste,
une base est assise sur le programme de la NSA qui collecte les données sur
le web aussi bien visibles (publiques) que par interception…
Et voilà que d’importantes
données de citoyens au-dessus de tout soupçon sont massivement collectées et
renvoyées aux Etats-Unis! Dans ces données figurent de manière parfaitement
illégales celles de citoyens allemands…
Plus loin, le rapport révèle
que »la Cnil allemande a découvert une base
de données plus intrusive encore, baptisée VERAS 6, où c’est l’ensemble de
toutes les métadonnées de tous les internautes qui sont interceptées et
stockées pendant 3 mois« .
Mais voilà que les problèmes
soulevés dans ce rapport pourraient disparaître grâce à une légalisation de la chose.
Il suffit , en effet, qu’un texte de loi soit voté pour que ce qui était
illégal devienne légal.
Ce texte de loi pourrait
parfaitement être l’équivalent de la Loi sur le Renseignement qui est fort
heureusement soumise à référendum.
Loi suisse de
surveillance de masse soumise à référendum
Une loi sur le renseignement
est soumise à référendum ce mois-ci. Des dirigeants démocratiquement élus
trouvent justes de mettre les électeurs qui leur font confiance en situation
de perte de leur droit à une vie privée. C’est un grand moment de la
démocratie helvétique!
Cette loi sera sans aucun
doute votée. Elle est créditée de près de 60% de voix.
Ce qui explique ce succès
garanti selon les sondages est double. Le terrorisme de Daëch d’une part et
la conviction que cela concernera une vingtaine de cas par année avec au
centre de toute procédure la justice usuelle balisent le succès de
l’opération.
Prévenir le terrorisme est
bien sûr légitime et indispensable dans un Etat de droit. Pourtant, un pays
comme la France qui a connu plusieurs attentats sanglants est doté d’une loi
sur le renseignement équivalente à celle mise en place par Berne. Les drames
de Paris et de Nice ont eu lieu quand même.
Par ailleurs, la Suisse est
déjà dotée d’un dispositif pour parer à ce genre de situations sans soumettre
à surveillance l’ensemble de sa population.
Le deuxième point qui dit que
le juge sera obligatoirement saisi avant toute intervention est simplement
faux.
Le site de la Confédération
dit en effet:
« La LRens reformule le mandat d’analyse
globale de la situation par le Service de renseignement de la Confédération
(SRC) à l’intention des bénéficiaires de ses prestations. Cette loi apporte
au SRC des moyens de détection précoce permettant de protéger le pays et sa
population. Les
nouvelles possibilités de recherche d’informations prévues dans la LRens sont
soumises à autorisation et doivent être approuvées par trois instances : le Tribunal administratif fédéral,
la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité et le chef du DDPS. »
Cette
assertion est partielle et pourrait induire en erreur les votants! Si l‘article 5 de la loi confirme que des
mesures de recherches doivent être soumises à autorisation, il ajoute que
d’autres ne le sont pas. Voici des extraits de l’article:
Art.5Principes
applicables à la recherche d’informations
1Pour
accomplir ses tâches, le SRC recherche des informations à partir de sources
accessibles
au public et
de sources non accessibles au public.
2Il met en œuvre à cet effet des mesures
de recherche non soumises à autorisation et des mesures de recherche soumises à
autorisation.
4 Il a le droit de collecter des données
personnelles à l’insu des personnes concernées
Il existe bel et bien
une collecte potentielle de données à l’insu de la personne concernée non soumise
à autorisation.
Il existe dans
cette loi sur le Renseignement une partie de 3 pages qui traite de la
collecte non soumise à autorisation! Il s’agit du »Chapitre 3 Recherche d’informations et
la Section 1 Mesures de recherche non soumises à autorisation »
La nature des données non
soumises à autorisation sont celles qui sont de nature publique ou visible.
L’article 13 l’explicite. En effet, une information publique sur une personne
donnée n’est pas très relevante de ce qu’elle est. Mais qu’en est-il de la
collecte et du traitement de milliers de données publiques (y c facebook,
relations personnelles et professionnelles, habitudes d’achats, lieux de
loisirs, etc). On peut imaginer que des gestionnaires de big data et leurs
clients marketeurs soient hautement motivés de les avoir ces données
publiques compilées!
Art.13
Sources d’informations publiques
Par
sources d’informations publiques, on entend notamment:
a.les
médias accessibles au public;
b.les
registres des autorités de la Confédération et des cantons qui sont
accessibles au public;
c.les
recueils de données que des particuliers rendent accessibles au public;
d.les
déclarations faites en public.
Quant à
l’usage d’aéronefs et de satellites, on voit mal pourquoi on fat usage de ce
genre d’outillage SANS autorisation de l’instance judiciaire!
Art.14
Observations dans des lieux publics et dans des lieux librement accessibles
1Le SRC
peut observer des événements et des installations dans des lieux publics ou
dans des lieux librement accessibles et y effectuer des enregistrements
visuels et sonores. Il
peut utiliser à cet effet des aéronefs et des satellites.
2Il a
l’interdiction d’observer et d’effectuer des enregistrements visuels et
sonores d’événements et d’installations relevant de la sphère privée
protégée. Les
enregistrements visuels et sonores relevant de la sphère privée protégée
qu’il est techniquement impossible d’éviter doivent être immédiatement
détruits.
Et là d’un coup nous repensons
au cas des citoyens allemands. Quid dans le cas de la Suisse des personnes
concernées par cette collecte des données publiques non soumise à
autorisation? Si la personne est dangereuse, pourquoi ne pas se cantonner à
la procédure sous autorisation histoire de rester dans un environnement de
droit?
Mais ce n’est pas tout. Nombre
de personnes ont relevé la particularité de l’article 39.1 qui dit ceci:
Art.39
Obligation d’obtenir une autorisation 1
Les
mandats d’exploration du réseau câblé sont soumis à autorisation.
« L’exploration du
réseau câblé prévue par la
nouvelle loi sur le renseignement (LRens) permettrait au Service de
renseignement de la Confédération d’enregistrer tous les flux de données et
de les filtrer au moyen de mots-clés. Ce service aurait ainsi accès aux
e-mails, aux recherches via Internet ou aux conversations téléphoniques via
Skype. Toutes les personnes se trouvant en Suisse seraient touchées par cette
mesure.
Les métadonnées (qui,
quand, où et avec qui on communique) de toutes les personnes en Suisse sont
déjà conservées pendant six mois. Aux termes de la LRens, les services
secrets auraient accès à ces données, même si aucun soupçon d’infraction ne
pèse sur l’individu concerné. »
Un organe de contrôle
indépendant
Et voilà que dans ce texte dense
et technique, nous voyons apparaître qu’un organe indépendant -à l’image
d’une Finma- est chargé de vérifier la légalité de l’exploration radio (WIFI,
GSM, Téléphonie,…).
Aucun organe ne peut être
totalement indépendant, autonome et détaché de toute structure. C’est
simplement impossible. Finma et dotée d’un conseil d’administration dont les
membres sont issus du secteur privé. Nous avons aussi vu que la direction du
contrôle des finances fédérales, organe indépendant était audité par le
responsable de la Cour des comptes allemande. Alors?
Qui auditera cet organe qui
peut faire à tout suisse son droit à la vie privée? Nous n’en savons rien!
Art.75
Organe de contrôle indépendant pour l’exploration radio
1Le
Conseil fédéral institue un organe de contrôle indépendant, chargé de vérifier la légalité de
l’exploration radio. Cet organe accomplit ses tâches de contrôle sans recevoir d’instructions. Il veille à assurer la protection des
informations
qu’il obtient lors de ses contrôles.
Il y a quelque chose d’inquiétant
dans cette loi qui s’amplifie lorsqu’on la met bout -à-bout avec l’Ordonnance
sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (si vous êtes
collaborateur dans un département fédéral ou cantonal, cette loi pourrait
vous intéresser) entrée en vigueur en 2011 et la Loi sur la surveillance de
la Correspondance, Poste et Télécommunications, LSCPT dont l’article 3 dit:
Art. 3 Service de
surveillance (LSCPT)
1 La Confédération exploite UN service chargé de la surveillance de la
correspondance par poste et télécommunication, au sens de l’art. 269 du code
de procédure pénale (CPP)6 (service).
2 Le service exécute ses tâches de
manière autonome.
Il n’est
pas assujetti à des instructions et n’est rattaché au Département fédéral de
justice et police (DFJP) QUE
sur le
plan administratif.
3 Les autorités concédantes,
les autorités de surveillance compétentes en matière de services postaux et
de télécommunication, les
autorités de poursuite pénale et le SERVICE collaborent dans l’exécution des tâches de ce dernier
La Loi sur le renseignement
couplée à la LSCPT mettront en danger certainement le travail des
journalistes d’enquête, les métiers soumis au secret professionnel (avocats),
soumettront tôt ou tard les entreprises, principalement les PME à de
potentielles situations de concurrence déloyale, de mise en danger de leurs
secrets de fabrication,..
Au vu de l’extraterritorialité
du droit américain, la reddition économique et financière de la Suisse (déjà
faite grâce à la politique fédérale des finances menée entre 2008 et 2014),
comme celle de l’Allemagne ou de la France se fera par ce biais…
Voici quelques extraits de
cette loi assez inquiétante qui devraient amener le citoyen à s’interroger
sur les potentielles dérives qui dépassent et de loin le simple référendum de
septembre.
A côté de ces interrogations
qui s’imposent sur l’avenir des libertés fondamentales offertes par les
gouvernants fédéraux se pose la question de la destination finale de ces
données. rappelons qu’en avril 2015, la Berne fédérale souhaitait centraliser
toutes ses données dans un cloud bien à elle, bien sécurisé. Les mandats ont été confiés à Hewlett
Packard et Teradata, deux entreprises américaines.
Cela fait penser à la
surprenante inspection de l’armée suisse effectuée récemment par des
inspecteurs américains…
Il faut reconnaître que nous
vivons une période curieuse où certains pays acceptent de se soumettre à
d’autres dans le but de favoriser la « coopération »… Pourquoi pas
après tout si tout le monde y trouve son compte…
Liliane Held-Khawam
Extraits utiles de la LRENS
a.l’activité
du Service de renseignement de la Confédération (SRC);
b.la
collaboration du SRC avec d’autres autorités de la Confédération, avec les
cantons,
avec l’étranger et avec
les particuliers;
c.le
pilotage politique du SRC, ainsi que le contrôle et la surveillance des
activités de renseignement.
Art.4
Autorités et personnes concernées
La
présente loi s’applique aux autorités et personnes suivantes:
a.autorités
de la Confédération et des cantons chargées de l’exécution d’activités de
renseignement;
b.autorités
de la Confédération et des cantons ainsi qu’organisations et personnes de droit
public ou privé
qui disposent d’informations pertinentes pour les activités de renseignement;
c.particuliers auxquels la présente loi fait
obligation de transmettre des informations pertinentes pour les activités de
renseignement.
La nouvelle loi sur le
renseignement (LRens) marque un tournant fondamental dans la surveillance de
la population suisse. Désormais, ce ne seront plus des individus spécifiques
mais bien tout le monde qui sera surveillé, en détail et sans soupçon
concret. Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) aura ainsi les
moyens de surveiller Internet de manière généralisée et indépendamment de
toute suspicion. Il pourra aussi mener des perquisitions en secret et
s’introduire dans des ordinateurs en Suisse et à l’étranger.
Cet argumentaire présente les
points les plus critiques de cette loi controversée et démontre la nécessité
de s’en défendre par référendum.
La LRens est inutile – le
Service de renseignement n’a pas besoin de compétences supplémentaires
La Suisse dispose déjà
aujourd’hui des outils légaux nécessaires à la répression d’actes ou de
projets liés au terrorisme, au crime organisé, à la prolifération d’armes ou
à des services secrets interdits. Ces outils sont aux mains du Ministère
public de la Confédération et des polices cantonales. Un service de
renseignement qui agit en secret, sur la base de vagues suspicions et en parallèle
aux organes judiciaires légitimes mène à une confusion des compétences et à
un manque de transparence nuisant à l’État de droit. Le SRC doit se
concentrer sur ses missions et se restreindre à communiquer immédiatement les
cas suspects au Ministère public.
Une surveillance de masse
sans motif ni soupçon
La Haute-Commissaire des
Nations Unies aux droits de l’homme s’est exprimée de manière très critique
en 2014 : «L’enregistrement des données de communication constitue une
immixtion dans la vie privée, que ces données soient consultées par la suite
ou non. Cette ingérence dans la sphère privée a des conséquences négatives
sur les droits fondamentaux tels que la liberté d’opinion ou de réunion».
En Europe, la rétention des
données de communication a été déclarée caduque par la Cour de justice de
l’Union européenne. Les juges ont considéré cette pratique comme
disproportionnée et en tout point incompatible avec la Charte des droits
fondamentaux de l’UE.
La surveillance
commence déjà au stade de la saisie et de l’enregistrement d’informations.
Nous serons tous surveillés, pas seulement quelques suspects.
L’exploration du réseau câblé
: un quadrillage systématique d’Internet
L’exploration du réseau câblé
doit permettre au service de renseignement «d’enregistrer les signaux
transmis par réseau filaire qui traversent la Suisse». Mais, de par la nature
même de ces systèmes, une bonne part de nos communications passe par
l’étranger. Qui plus est, les serveurs sont répartis dans le monde entier.
Ainsi, c’est la communication de tous ceux qui résident en Suisse qui est
concernée.
Par ce procédé, le service de
renseignement veut s’assurer un accès aux communications électroniques telles
que les e-mails, les requêtes sur des moteurs de recherche, la téléphonie via
Internet et les données conservées sur les services de cloud computing.
Chercher une aiguille dans une botte de foin qui ne cesse de grossir ne fera
qu’accroître le nombre de faux résultats, et créer ainsi toujours plus de
suspicions inutiles à l’encontre de personnes innocentes.
Les libertés publiques
garanties par la Constitution sont en danger
L’exploration du réseau câblé
et la rétention des données ne sont pas compatibles avec notre Constitution,
ni avec les droits fondamentaux. La liberté de réunion, la protection de la
vie privée et la libre opinion seront restreintes durablement par la LRens.
Ce alors que ces principes sont ancrés aussi bien dans la Constitution
fédérale que dans le Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Au
lieu de s’engager activement pour des droits de l’homme élémentaires, la
Suisse développe une surveillance à échelle industrielle, sans justification
ni preuve d’efficacité.
Nos droits fondamentaux sont
en danger. Ce référendum fournira une bonne occasion de lancer un débat sur
notre rapport à ces droits. Une discussion publique sur la surveillance de
masse et ses conséquences sur la société est nécessaire.
Les chevaux de Troie, ou
comment l’argent public finance des logiciels néfastes
La LRens autorisera le service
de renseignement à pénétrer dans les ordinateurs et smartphones de tiers et y
installer des logiciels de surveillance (chevaux de Troie). Ces logiciels lui
donneront le contrôle sur l’appareil photo, le microphone, le GPS et la
mémoire interne. Cette perquisition
clandestine basée sur quelque soupçon incertain est une
atteinte sérieuse à la vie privée. Ce n’est pas pour rien que les
perquisitions conventionnelles requièrent que la personne concernée soit
présente, ou au moins informée après coup.
Cette façon d’obtenir des
informations nécessite que le service de renseignement recoure aux offres de
firmes douteuses qui développent des logiciels malfaisants. Ces mêmes firmes
ont pour clients réguliers des régimes totalitaires comme Oman, le Turkménistan,
le Soudan ou la Syrie. Le service de renseignement va donc exploiter des
failles de sécurité au lieu d’aider à y pallier. Nos propres systèmes
demeureront défectueux et sans protection. Le service de renseignement va
ainsi contribuer à mettre des infrastructures critiques en danger.
Attaques à l’étranger
Le service de renseignement
pourra mener des opérations de sabotage hors frontières «lorsque des systèmes
et réseaux informatiques qui se trouvent à l’étranger sont utilisés pour
attaquer des infrastructures critiques en Suisse». Chacune des ces
«représailles» sera politiquement très risquée et causera des dommages
collatéraux. Le service de renseignement pourrait ainsi agir d’une manière
qui serait à la fois impensable dans le cas d’opérations militaires
«classiques» et incompatible avec la neutralité suisse.
La LRens est hostile à
l’économie et menace notre avantage compétitif
Dès que le scandale de la NSA
a éclaté, de nombreuses firmes actives dans les TIC ont déplacé leurs sièges
en Suisse. Elles y ont trouvé une situation politique stable, des lois sur la
protection des données et un service de renseignement bien encadré. La LRens
va nuire à ces atouts.
À l’avenir, les entreprises
seront contraintes d’exclure des dispositifs de sécurité pour permettre la
surveillance. Des firmes innovatrices perdront en crédibilité si l’État vient
saper les efforts qu’elles déploient pour plus de sécurité.
Qui plus est,
l’affaiblissement volontaire des standards de sécurité aura pour conséquence
une perte généralisée en sûreté des systèmes, car il n’y pas que l’État qui
puisse exploiter des failles, «pour la bonne cause». Des criminels peuvent
aussi en profiter.
La LRens provoquera la
disparition de l’avantage compétitif que nous procure la protection des
données.
Une collaboration
internationale à nos dépens
Le Service de renseignement de
la Confédération sera amené à réaliser des missions inconciliables entre
elles.
D’un côté, il sera en charge
du contre-espionnage, ce qui signifie qu’il devra protéger les personnes, les
entreprises et les organisations établies en Suisse contre l’espionnage
d’autres services de renseignement. D’un autre côté, il sera un partenaire de
services étrangers (comme ceux des USA) intéressés par les données suisses et
par l’espionnage en Suisse.
En outre, il deviendra un
acteur dans le commerce international de données issues de l’espionnage. En
espionnant les communication à l’étranger, il pourra proposer des
informations à échanger contre d’autres, de services étrangers, obtenues par
des opérations d’espionnage de la population suisse qu’il n’a pas le droit en
théorie de réaliser lui-même.
Citation de Markus Seiler,
directeur du SRC : «Le renseignement est un donnant-donnant constant. La
Suisse dispose d’une service de renseignement petit mais efficace. Nous avons
assurément des choses à offrir à nos partenaires à l’étranger.»
Ce jeu d’échange montre que
tout le monde peut être surveillé ainsi – même les concitoyens. En admettant
que chaque service de renseignement n’espionne «que» les communications de
l’étranger mais les partage ensuite avec ses partenaires, cela revient au
même: on se fait surveiller par son «propre» service.
En résumé
La liberté d’opinion et
d’information est un droit de l’homme garanti constitutionnellement et un
élément central du contrôle démocratique. Si l’on nous enlève la possibilité
de nous exprimer librement et sans se faire épier, nous perdons tout – comme
individus et comme société. Une lettre ouverte commune d’Amnesty
International, de la Fondation suisse des consommateurs SKS, de Société
Numérique et d’autres organisations mettant expressément en garde à ce sujet
n’a pas été prise en compte par le Parlement.
La nouvelle loi sur le
renseignement est une attaque frontale contre nos droits constitutionnels,
contre la démocratie et contre l’État de droit. La fausse promesse
sécuritaire semble avoir à ce point ébloui les politiciens que tous les
moyens leur paraissent légitimes. Pourtant, l’élargissement des compétences
qu’offre la nouvelle loi n’amènera pas plus de sécurité. Au lieu de cela, les
instances qui luttent déjà aujourd’hui contre la criminalité et le terrorisme
se voient privées de ressources précieuses pour leur travail.
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