L’interview la plus incendiaire de Julian Assange II : « Hillary est le rouage central de l’établissement »

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Published : November 08th, 2016
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« Clinton a été engloutie par son ambition »

 

JA: Je me sens assez désolé pour Hillary Clinton en tant que personne, parce que je vois en elle quelqu’un qui s’est laissé submerger par ses ambitions, quelqu’un de tourmenté au point d’en être devenu malade et de s’évanouir en raison de ses ambitions. Elle représente tout un réseau de personnes et de relations avec des Etats particuliers. La question est de savoir où se place Hillary Clinton dans ce réseau. Elle en est le rouage central. Et elle a de nombreux engrenages parmi les grosses banques, avec notamment Goldman Sachs et les éléments majeurs de Wall Street, mais aussi parmi les services secrets, le Département d’Etat et les Saoudiens.

 

Elle est le rouage central qui connecte tous ces engrenages. Elle est au centre de tout cela, et « tout cela » est plus ou moins ce qui est au pouvoir aujourd’hui aux Etats-Unis. C’est ce que nous appelons l’établissement ou le consensus de DC. L’un des emails les plus significatifs de Podesta concerne la manière dont a été formé le cabinet d’Obama et comment il a été composé par un représentant de Citibank. C’est assez stupéfiant.

 

JP: Citibank n’a-t-elle pas fourni de liste ?

 

JA: C’est ça.

 

JP: Qui s’est trouvée mentionner une majorité des membres du cabinet d’Obama.

 

JA: Oui.

 

JP: Wall Street a donc établi le cabinet du Président des Etats-Unis.

 

JA: Si vous aviez suivi de près la campagne d’Obama à l’époque, vous auriez pu voir qu’elle s’était beaucoup rapprochée des intérêts bancaires. Il est probablement impossible de bien comprendre les politiques étrangères d’Hillary sans comprendre la question de l’Arabie Saoudite. Les connexions avec l’Arabie Saoudite sont très intimes.

 

* * *

« La Libye est la guerre d’Hillary Clinton »

 

JP: Pourquoi était-elle si enthousiaste quant à la destruction de la Lybie ? Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que les emails nous ont appris quant à ce qui est arrivé dans le pays ? La Lybie est une source importante du chaos qui se joue aujourd’hui en Syrie : ISIS, le djihadisme, et ainsi de suite. C’était l’invasion d’Hillary Clinton. Que nous en disent les emails ?

 

JA: La Lybie, plus que n’importe quelle autre guerre, est la guerre d’Hillary. Barack Obama s’y est initialement opposé. Qui était en faveur d’un conflit ? Hillary Clinton. C’est une position documentée par ses emails. Elle a à l’époque demandé à son agent, Sidney Blumenthal, de se charger de la proposition d’intervention. Plus de 1.700 des 33.000 emails que nous avons publiés concernent uniquement la Lybie. Ce n’est pas que la Lybie ait d’importantes réserves de pétrole peu cher. Hillary espérait simplement voir renversés Kadhafi et l’Etat libyen pour pouvoir en faire un argument de campagne.

 

A la fin de l’année 2011, un document interne intitulé Lybia Tick Tock  a été publié, qui présente une description chronologique du rôle central joué par Hillary dans la destruction de l’Etat libyen, une destruction qui a fait plus de 40.000 morts dans le pays. Les djihadistes s’y sont ensuite installés, puis ISIS, c’est pourquoi nous avons aujourd’hui une crise des réfugiés et des migrants en Europe.

 

Il y a non seulement eu des masses de gens qui ont fui la Lybie et la Syrie, et des pays africains déstabilisés en conséquence du trafic d’armements, mais l’Etat libyen n’est aussi plus en mesure de contrôler les flux migratoires qui passent au travers de son territoire. La Lybie est située en bordure de la Méditerranée et est en quelque sorte le bouchon de la bouteille du continent africain. Jusqu’alors, les gens qui fuyaient les problèmes économiques et les conflits du continent ne traversaient pas la Méditerranée parce que la Lybie les en empêchait. C’est quelque chose qui a à l’époque été présenté explicitement par Kadhafi: ‘Mais qu’est-ce que ces Européens croient qu’ils font à tenter de bombarder et de détruire l’Etat libyen ? Des marées de migrants vont chercher à fuir l’Afrique et des djihadistes pourront se frayer un chemin jusqu’en Europe !’ Et c’est exactement ce qui s’est passé.

 

* * *

 

« Trump ne sera pas autorisé à gagner »

 

JP: Certains se plaignent et disent ‘Mais que font-ils chez Wikileaks ? Cherchent-ils à mettre Trump à la Maison blanche ?’

 

JA: Ma réponse est que Trump ne sera pas autorisé à gagner. Pourquoi dis-je cela ? Parce qu’il n’a aucun établissement en poche, à l’exception peut-être des Evangéliques, si on peut les qualifier d’établissement. Les banques, les agences de services secrets, les compagnies d’armement… les gros investisseurs étrangers… tous soutiennent Hillary Clinton. C’est aussi le cas des médias et même des journalistes.

 

JP: Il y a aussi une accusation selon laquelle Wikileaks collaborerait avec la Russie. Certains se disent ‘Mais alors pourquoi Wikileaks ne publie rien concernant la Russie ?’

 

JA: Nous avons publié plus de 800.000 documents de toutes sortes qui concernent la Russie. Une majorité d’entre eux sont critiques, et de nombreux livres ont été publiés à leur sujet. Nos documents relatifs à la Russie ont aussi été utilisés dans le cadre de nombreuses affaires judiciaires, et notamment des affaires concernant des réfugiés qui ont fui des persécutions politiques en Russie.

 

JP: Avez-vous une opinion personnelle des élections qui se jouent aux Etats-Unis ? Avez-vous une préférence pour Hillary ou pour Trump ?

 

JA: Parlons un peu de Donald Trump. Que représente-t-il dans l’esprit américain et dans l’esprit européen ? Il représente la white trash américaine, qu’Hillary a qualifiée de « déplorable et irrémédiable ». Du point de vue de l’établissement et des cosmopolites instruits, ces gens sont des rustres avec lesquels il vaut mieux ne jamais traiter. Comme nous pouvons le voir au travers de ses actions et du genre de personnes qui se présentent à ses rassemblements, Trump ne représente pas le peuple du milieu, ni celui du haut, et beaucoup ont peur d’être associés avec ces gens de quelque manière que ce soit. Il y a une véritable peur de voir abaissé le statut social de quiconque se trouverait accusé de soutenir Trump. Et si vous regardez la manière dont la classe moyenne obtient son pouvoir économique et social, c’est parfaitement sensé.

 

* * *

« Les Etats-Unis essaient d’étouffer Wikileaks au travers de mon statut de réfugié »

 

JP: J’aimerais parler de l’Equateur, ce petit pays qui vous a offert l’asile politique dans son ambassade de Londres. L’Equateur a maintenant coupé l’accès à internet depuis l’endroit où nous tenons cette interview, pour la raison évidente que le pays ne souhaite pas paraître comme intervenant dans les campagnes électorales aux Etats-Unis. Pouvez-vous expliquer pourquoi il a pris une telle mesure, et ce que vous pensez personnellement du soutien dont a fait part l’Equateur envers vous ?

 

JA: Revenons quatre ans en arrière. J’ai fait une demande d’asile auprès de l’Equateur depuis cette ambassade en réponse à la demande d’extradition des Etats-Unis, et après un mois, mon application a été acceptée. L’ambassade a depuis été bouclée par la police, une opération coûteuse pour laquelle le gouvernement britannique a avoué avoir dépensé plus de 12,6 millions de livres. Et c’était il y a un an. Aujourd’hui, il y a aussi des policiers en civil et des caméras de surveillance de toutes sortes – un conflit sérieux a lieu à cet instant même au cœur de Londres entre l’Equateur, un pays de seize millions d’habitants, le Royaume-Uni et les Américains. C’est quelque chose de très courageux de la part de l’Equateur. Nous approchons maintenant des élections aux Etats-Unis, les élections équatoriennes auront lieu en février de l’année prochaine, et la Maison blanche subit les retombées politiques des informations que nous avons publiées.

 

Wikileaks ne publie pas depuis la juridiction équatorienne, depuis cette ambassade ou depuis le territoire de l’Equateur. Nous publions depuis la France, nous publions depuis l’Allemagne, depuis les Pays-Bas, et depuis un certain nombre d’autres pays. Les tentatives d’étouffer Wikileaks se font au travers de mon statut de réfugié, ce qui est vraiment intolérable. Ils essaient de s’en prendre à une organisation de publication, ils essaient de l’empêcher de publier des informations véridiques qui sont d’un intérêt vital pour les Américains, et de l’empêcher de publier quoi que ce soit concernant les élections.

 

JP: Dîtes-nous ce qui vous arriverait si vous quittiez cette ambassade.

 

JA: Je serais immédiatement arrêté par la police britannique et serais ensuite extradé soit directement vers les Etats-Unis soit vers la Suède. En Suède, il n’y a plus aucune charge contre moi, j’ai déjà été acquitté par la procureure de Stockholm, Eva Finne. Nous n’étions pas certains de ce qui se passerait là-bas, mais nous savons maintenant que le gouvernement suédois a refusé de promettre qu’il ne me livrerait pas aux Etats-Unis, et nous savons aussi qu’il a extradé 100% des individus demandés par les Etats-Unis depuis au moins 2000. Au cours de ces quinze dernières années, tous ceux que les Etats-Unis ont demandé à voir extradés depuis la Suède ont été extradés. Et la Suède refuse aujourd’hui de promettre que la même chose ne m’arrivera pas.

 

JP: Les gens me demandent souvent comment vous faites face à ce qui vous arrive.

 

JA: L’un des plus grands attributs de l’être humain est d’être adaptable. L’un de ses pires attributs est aussi d’être adaptable. Nous nous adaptons et commençons à tolérer les abus, et nous nous adaptons pour devenir nous-même impliqués dans des abus. Nous nous adaptons à l’adversité et continuons d’avancer. Pour ce qui est de ma situation, très franchement, je suis un peu comme institutionnalisé – cette ambassade est mon monde… visuellement, pour moi, elle est le monde entier.

 

JP: C’est un monde sans soleil, n’êtes-vous pas d’accord ?

 

JA: C’est ça. C’est un monde sans soleil, mais je n’ai pas vu la lumière du jour depuis si longtemps, je ne m’en souviens même pas de ce à quoi elle ressemble.

 

JP: Oui.

 

JA: Alors oui, vous vous adaptez. Ce qui m’irrite le plus, c’est que mes jeunes enfants – ils doivent s’adapter eux aussi. Ils s’adaptent à vivre sans leur père. C’est une adaptation très difficile qu’ils n’ont jamais demandée.

 

JP: Vous vous faites des soucis pour eux ?

 

JA: Oui, je m’inquiète pour eux ; je me fais des soucis pour leur mère.

 

* * *

« Je suis innocent et en détention arbitraire »

 

JP: Certaines personnes pourraient se demander ‘Pourquoi n’y mettez-vous pas fin en prenant simplement la porte et en acceptant d’être extradé vers la Suède ?’

 

JA: Le Groupe de travail des Nations-Unies chargé de la question de détention arbitraire s’est penché sur la situation. Il a passé dix-huit mois à lancer des procédures judiciaires formelles. C’est les Nations-Unies et moi-même contre la Suède et le Royaume-Uni. Qui a raison ? Les Nations-Unis en sont venus à la conclusion que je suis victime de détention arbitraire illégale, qu’on m’a privé de ma liberté et que ce qui m’est arrivé n’est pas conformes aux lois auxquelles le Royaume-Uni et la Suède sont tenus d’obéir. Il s’agit d’un abus illégal. Les Nations-Unies ont demandé formellement ce qui se passait, quelles en étaient les explications légales et pourquoi mon asile n’était pas reconnu. Et la Suède a répondu aux Nations-Unies qu’elle n’était pas prête à reconnaître leur décision et que sa capacité d’extradition restait ouverte.

 

Je trouve simplement fou que les détails de cette affaire n’aient pas été mentionnés publiquement par la presse, simplement parce qu’ils ne satisfont pas la rhétorique de l’établissement occidental – oui, l’Occident a des prisonniers politiques, c’est une réalité, et il n’y a pas que moi, il y en a aussi d’autres. L’Occident a des prisonniers politiques. Bien évidemment, aucun Etat n’accepte de qualifier ceux qu’il détient ou emprisonne pour des raisons politiques de prisonniers politiques. La Chine ne les appelle pas des prisonniers politiques, ni même l’Azerbaïdjan. C’est pareil aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Suède. Il est absolument intolérable d’avoir une telle perception de soi.

Pour ce qui me concerne, il y a une affaire judiciaire suédoise, dans le cadre de laquelle je n’ai jamais été déclaré coupable de crime. J’ai été acquitté par la procureure de Stockholm et jugé innocent, et la femme impliquée a elle-même avoué que la police avait monté toute l’histoire. Les Nations-Unies ont qualifié ce qui m’arrive d’illégal ; l’Equateur a aussi mené l’enquête pour en venir à la conclusion que le droit d’asile devrait m’être accordé. Ce sont des faits, mais quelle est la rhétorique employée ?

 

JP: Oui, c’est différent.

 

JA: La rhétorique prétend constamment que j’ai été jugé coupable de crime, et n’explique jamais que j’aie déjà été disculpé, et que la femme impliquée a avoué que la police avait tout inventé.

 

[La rhétorique] cherche à ignorer la vérité selon laquelle les Nations-Unies ont formellement déclaré l’affaire d’illégale, et ne mentionne jamais que l’Equateur a établi une enquête formelle quant à ma situation pour en venir à la conclusion que, oui, je suis victime de la persécution des Etats-Unis.

 

 

 

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