Bienvenue dans le monde des cygnes noirs

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Published : July 08th, 2015
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Category : Today's Editorial

Bien que tous ces gens trop occupés à peupler la salle d’attente des salons de tatouage ne s’en soient certes pas rendu compte, le monde qui nous entoure n’est aujourd’hui plus sans rappeler la grande guerre. Exception faite que le conflit international qui a lieu actuellement n’est pas mené à coups de troupes et de chars, mais de taux d’intérêt et d’échéanciers de remboursement. L’Allemagne lambine en réponse au gant jeté dimanche par le « Non » grec. La stratégie immédiate de l’Allemagne est, semble-t-il, de mettre en place une bonne vieille todesfurcht teutonique – laisser les Grecs mijoter dans leur jus pendant quelques jours, le temps que les déposants retirent leur argent des banques et que les étalages des magasins de quartier se vident. Et puis quoi ?

Personne ne le sait. Et tout pourra arriver.

Il est une chose que nous devrions savoir : les deux camps se battent contre la réalité. Les Allemands continuent sottement d’insister pour que les Grecs respectent leurs engagements. Dans ce cas précis, les Allemands pissent contre le vent, une entreprise quelque peu dangereuse pour une nation de buveurs de bière. Les Grecs s’entêtent à vivre une vie industrielle luxueuse digne du XXe siècle, et à disposer d’un accès quotidien à l’électricité, à des produits alimentaires abordables, des emplois de bureaux bien rémunérés, une retraite précoce et beaucoup d’argent de poche. En matière de confort, ils auront de la chance s’ils parviennent à ne retomber que jusqu’aux années 1800.

Les Grecs ne s’en rendent peut-être pas compte, mais ils sont en proue d’un mouvement qui déchire les nations techno-industrielles et les portera vers des arrangements plus anciens, plus locaux et bien plus simples. L’euro représente au contraire une tendance déjà terminée : centralisation et grandeur. Les questions à se poser aujourd’hui sont de savoir si la centralisation aura encore assez de force pour supporter la phase de transition à venir, combien de temps elle prendra, et le degré de chaos qui en naîtra.

Les affaires internationales souffrent de complexité excessive terminale. Pour compliquer davantage la situation, cette complexité tardive opère au service des fraudes comptables, de quelque sorte qu’elles soient. Le système bancaire mondial est englué dans le monde irréel des engagements intenables, des bilans trop cuisinés, des routines de bonneteau, des manipulations de taux d’intérêt, des arbitrages secrets et des traficotages des marchés monétaires, truffé de diverses arnaques et escroqueries, au point que tous les auditeurs du monde ne pourraient jamais déterminer avec cohérence ce qui a décimé notre univers (et nos univers parallèles). Vous souvenez-vous de la gestion de capital sur le long terme ? C’est exactement là ce qu’est devenu notre monde.

En cas de complexité insoutenable, les évènements tendent à se succéder rapidement, et avec fureur. C’est exactement la raison pour laquelle avalanches et tremblements de terre se produisent souvent simultanément et ne s’étendent pas sur une période de six semaines. La scène financière globale n’est pas si différente. Elle n’est qu’une matrice de relations mutuelles susceptibles d’imploser si quelques membres se trouvent affaiblis.

S’il est une question à laquelle il est bon de réfléchir, c’est de savoir si l’implosion n’a pas déjà lieu dans l’économie réelle, et si tout ne nous apparaît encore intact qu’en raison du voile d’illusion qui recouvre la surface. C’est très certainement ce qui semble être le cas aux Etats-Unis, où l’économie s’est déjà écroulée et n’est plus aujourd’hui qu’un tas de gravats d’emplois à temps partiel, de défauts de prêts étudiants, de prêts immobiliers en péril et de fonds de pension gémissants – sans oublier une motorisation de masse inutile et incessante.

Même en Euroland, le « Non » grec implique que toutes les autres nations souveraines qui nagent actuellement dans la vase financière demanderont elles aussi une réduction du poids de leur dette (et une douche désinfectante). L’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, et même la France, ne pourront jamais rembourser leur dette. Leurs citoyens sont eux-aussi menacés de contrôles monétaires, et ont le potentiel d’agir à la manière des Grecs. Notez que nous n’avons pas entendu grand-chose de la bouche de leurs dirigeants et ministres des finances ces dernières semaines. Ils se tiennent tous sur le banc de touche, trop occupés à regarder les Grecs passer à l’essoreuse – mais soyez certains qu’ils établissent aussi leurs propres plans.

L’échec de l’expérience européenne s’avérera extrêmement démoralisante pour les citoyens optimistes de ce continent, qui ont émergé du bain de sang du début du XXe siècle pour faire de l’Europe le parc d’attraction touristique le plus paisible au monde. Je ne dis pas qu’ils devront de nouveau s’opposer les uns aux autres sur des champs de bataille armés jusqu’aux dents d’objets capables de faire exploser et de détruire la chair humaine, mais ils devront sans doute, s’ils cherchent à demeurer civilisés, décentraliser et remodeler un mode de vie plus simple et sur une échelle plus locale.

La même chose aura lieu partout. Les Japonais seront les prochains, cela va sans dire, mais ils pourraient aussi être les plus chanceux, puisqu’ils ont pour beaucoup encore en mémoire ce à quoi pourrait ressembler ce mode de vie : le shogunat de Tokugawa (période Edo, 1600-1853), économie préindustrielle et culture susceptible d’avoir persisté indéfiniment si le commodore Perry n’était pas venu frapper à leur porte, pour ainsi dire, avec ses « navires noirs ».

L’Ukraine a déjà parcouru la moitié de son chemin de retour vers l’ère médiévale, et devrait aller plus loin encore. Les P(F)IIGS ne disposent pas des ressources énergétiques nécessaires à la poursuite de la modernité, et ne pourraient pas s’en sortir même si le système bancaire était encore en état ; sans oublier qu’ils font face au problème ethno-démographique qu’est la « musulmanisation » - et les flottilles de clandestins désespérés qui arrivent chaque jour par la mer. 

Amérique, estimes-toi heureuse. Les tatouages, l’obésité, la drogue et la fainéantise ne sont que des choix comportementaux. Nul besoin d’un ministre des finances ou d’un banquier central pour y répondre.

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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"A qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines". Dixit Léon XIII dans sa "RERUM NOVARUM.
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On peut le subir à chaud, la chose cuit et commence à brûler...

Très bien, j'ai mis 5/5 à votre très bonne vue !

http://www.radio-silence.org
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