C’est du capitalisme et non de la démocratie, que les pays arabes ont le plus besoin

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Published : June 24th, 2014
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Pour quelles raisons les entrepreneurs arabes ne parviennent-ils pas à exploiter pleinement leur potentiel afin d’amener la prospérité, tant pour eux-mêmes que pour leurs pays ? Pourquoi l'économie tunisienne est-elle en panne alors que le pays dispose d'une richesse considérable en ressources humaines et entrepreneuriales ? L’économiste péruvien Hernando de Soto prétend que l'Occident a fondamentalement mal interprété le printemps arabe déclenché dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid après le suicide du jeune Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010. Selon lui, Bouazizi et ceux qui se sont immolés après lui, protestaient au nom des 380 millions d'Arabes qui sont privés de toute protection juridique de leur propriété et du droit élémentaire de travailler, de vendre et d’acheter.

 

En 2013, une étude sur l'état de l'économie tunisienne a été menée conjointement par l’Institut pour la liberté et la démocratie (ILD), que préside l’économiste Hernando de Soto, et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA). Les travaux de l’Institut pour la liberté et la démocratie (ILD), portent sur le rôle de l'accès aux droits de propriété dans l'émancipation et l'enrichissement des populations défavorisées. L’étude menée en Tunisie a été fondée sur des observations quotidiennes, l’écoute des plaintes d’entrepreneurs de la région et s’est appuyée sur une conviction commune : au cours des deux derniers siècles, l’histoire a démontré que l’entreprenariat créait de la richesse et que le monde arabe – et en particulier la Tunisie – regorgeait d’entrepreneurs ambitieux et talentueux.

 

Le résultat de cette étude est un livre « L´économie informelle : comment y remédier ? » publié à Tunis en français par Cérès Editions. Ce livre apporte un début de réponse : ce qui bride l'entreprenariat tunisien est un excès d'activités commerciales menées extra-légalement, à savoir en marge de la règle de droit. Car le problème est que sans droits de propriété privée universels, bien protégés, clairs et transférables, il ne peut y avoir d’économie de marché. Or le constat est que 92 % des tunisiens possèdent leurs biens immobiliers sous une forme extralégale et que 85% des entreprises tunisiennes opèrent, également, de manière illégale. Même constat de l'Institut, pour des pays comme l'Égypte et la Libye où 90 % des gens ne détiennent pas légalement leurs biens immobiliers. 

 

C’est ce qu’on appelle l'économie informelle ou extralégale. Elle est définie comme étant la partie d’une économie qui n’est pas soumise aux taxes et qui n’est pas contrôlée par les institutions étatiques ou incluse dans le calcul du PIB. En effet, lorsqu'une activité ne dispose pas de documents officiels, elle ne peut faire appel ni aux crédits, ni au capital. Un phénomène qu’Hernando de Soto a déjà pu étudier au Pérou et dans toute l’Amérique latine[1].

 

L'ILD et son équipe de chercheurs a noté que dans les 60 jours qui ont suivi l'immolation de Bouazizi, quelque 60 personnes ont suivi son exemple dans les pays arabes dont 5 en Egypte.

 

Une exigence de liberté économique

 

Le livre montre que ce qu’on a appelé « le printemps arabe » fut moins une revendication de démocratie politique qu’une protestation pour obtenir la liberté fondamentale de travailler et d’échanger, dans une région où plus de 90% de la population vit et travaille en dehors de la loi.

 

Le cas de Mohammed Bouazizi, à l’origine du mouvement de protestation est exemplaire. Bouazizi s'est tué après que la police lui avait confisqué tous ses fruits et une balance électronique bricolée. C'était tout ce qu'il avait. C’était un petit commerçant doué, qui espérait économiser assez d'argent pour s’acheter une voiture et développer son entreprise. Comme l’atteste sa famille, il n'avait aucun engagement politique. La liberté qu'il réclamait, était celle d'acheter et de vendre, et de construire son entreprise sans avoir à payer des pots de vin à la police, sans craindre d'avoir ses biens confisqués de façon arbitraire. S'il fut un martyr, ce fut un martyr du capitalisme et non de la démocratie.

 

Dans le monde arabe, en effet, il faut en moyenne présenter quatre douzaines de documents et supporter deux ans de tracasseries administratives pour devenir le propriétaire légal de sa terre ou de son entreprise. Si vous n'avez pas le temps ou l'argent pour cela, vous êtes condamné à vie au marché noir. Peu importe si vous êtes bon, vous n’aurez jamais les moyens de sortir de la pauvreté.

 

Dans la plupart des pays en développement, ce droit de travailler n'existe pas. En théorie, tout le monde est protégé par la loi. Mais dans la pratique, le processus d'acquisition d'une licence légale est tellement freiné par la corruption et la bureaucratie que seule une petite minorité peut se permettre d’y arriver.

 

De Soto nous montre cependant que cette économie informelle n’est pas seulement un problème, c’est aussi la solution qui peut contribuer à la croissance et à la stabilité de la région. Il plaide pour une reconnaissance légale de l'économie informelle, en instaurant un système qui permette d'abaisser le « coût du droit ». Il s’agit de rendre la création d'une entreprise, moins coûteuse par un raccourcissement des délais, un allégement des documents officiels requis et l'instauration d'une fiscalité adaptée. Cette stratégie pourrait devenir la stratégie anti-pauvreté la plus efficace jamais conçue.

 

 

 



[1] Voir son livre Le Mystère du capital. Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs, réédité en poche chez Flammarion en 2010.

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Damien Theillier est professeur de philosophie en terminale et en classes préparatoires à Paris. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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Y a-t-il nécessairement opposition entre capitalisme et démocratie ? Il me semble que notre site contrarien nous a souvent prouvé le contraire. Tout dépend en fait de la définition des termes. Il y a en effet de nombreuses formes de démocraties autant que de capitalismes. J'aimerais beaucoup qu'on définisse les termes avant d'en discuter. Cela simplifierait nettement la discussion.
Ainsi, comme le dit bien Ralph, la démocratie à l'américaine n'est qu'un leurre profitable à la cause impérialiste de cet empire. Elle n'existe même pas chez eux sinon sous une façade délabrée. L'exportation de ce faux modèle ne sert que les intérêts de leurs promoteurs et ne cause que la ruine de leurs cibles. Dans certains pays divisés par des rivalités tribales ou religieuses, seule une dictature plus ou moins éclairée s'avère être le moindre mal. L'exemple de l'Iraq est désormais édifiant à ce propos. Comme le dit la sagesse populaire : " Entre deux maux, il faut choisir le moindre ".

Le titre de cet article, outrageusement et outrancièrement partisan,
donne la réponse à votre première question, tant il est abusif
(à en être plus que suspect, en termes de crédibilité).
Tellement abusif que, par réflexe intellectuel,
il faudrait en chercher immédiatement l'antithèse.

Et, en plus, ce n'est pas "QUE les pays arabes ont besoin",
mais "DONT les pays arabes ont besoin".

... Et ça se dit "professeur de philosophie" !

Theillier, bouffon poseur, l'index sur l'oreille !
(à s'écouter parler par le petit doigt ?)

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'C’est du capitalisme et non de la démocratie, que les pays arabes ont le plus besoin '
Eh oui, nous avons les deux et c'est vrai que notre société se porte très, très bien.
Il faut arrêter d'essayer d'exporter nos modes de vie dans des pays qui n'en n'ont pas besoin.
N'oublions pas que l'islam a donné aux commerçant arabes un élan extraordinaire avant que le capitalisme européen ne dévore tout sur son passage.
D Theillier est certes prof de philo (de quelle philosophie parle-t-on?) mais visiblement pas à la Sorbonne. Et pas prêt de l'être.
Notre exemple n'est pas à suivre, c'est même le plus bel exemple de la négation de l’être humain et de sa soumission aux biens matériels. beurk
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Je partage totalement votre avis.

L'empire américain se créé un "lebensraum" (allusion volontaire au vocabulaire utilisé par un certain Adolf) en exportant ses valeurs, tout en sachant très bien qu'elles ne sont pas compatibles avec les traditions et mentalités des pays visés..... tout ce qui compte c'est d'en asservir les peuples pour exploiter les ressources naturelles.

Mais le voilà pris à son propre jeu : quand un dictateur ne lui convient plus, il le dégage par des révolutions manipulées et armées par ses soins... mais quand une idéologie extrêmement néfaste s'infiltre dans ces révolutions et profite des armes, on se retrouve dans une situation de "peste ou choléra".
La question de savoir si Bachar El Assad ne serait pas le moindre mal, tout compte fait, a déjà été posée. (Mais il a sciemment épargné l'EIIL, sachant qu'il pourrait profiter de la situation pour se maintenir au pouvoir).

La partie sera bientôt finie...
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Je découvre... c'est vrai qu'en réfléchissant on sait que le "droit de propriété" selon le droit Romain pour l'Europe, le "droit anglo-saxon" pour d'autres ne s'étend pas à toute la planète où les styles de vie des humains diffèrent selon les lieux... il serait intéressant de connaître ces différences et de lutter contre les abus, notamment en Afrique où certaines populations sont "déménagées" selon le bon vouloir du plus fort, idem en Amérique latine où les autochtones sont souvent méprisés dans leurs droits. Malheureusement cette situation arrange certains "puissants" qui ne sont guère altruistes !!
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Par définition, un "puissant" ne peut guère être "altruiste".
C'est même carrément un oxymore.
Donc bon...

Très intéressant et parfaitement bien analysé. On ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec ce qui se passe chez nous....
Si on considère sur une droite comme point zéro la création de l'entreprise, dans les pays arabes on place à gauche, c'est à dire en amont du passage à l'acte toutes les tracasseries administratives et les "pourboires". Dans un pays comme la France, on peut placer à droite, c'est à dire en aval de la création de l'entreprise les mêmes tracasseries administratives et il n'en manque pas et le racket de la sécu.
Alors, propriétaire ou pas, beaucoup de monde est démotivé et le marché parallèle a encore de beaux jours. Avec chez nous en plus la possible confiscation de vos biens au cas où...
Quelque soit le cas de figure, ça rame. Nous sommes certainement mieux lotis que le tunisien qui en veut, mais à la vitesse où nos PME et TPE disparaissent, on peut se poser des questions.
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Léopold II - 6/24/2014 at 9:58 PM GMT
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