Faire payer les riches ? Ca ne paie pas

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Published : June 03rd, 2010
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Que ce soit sur les forums, dans les interviews de certains politiciens, ou même dans les commentaires de ce blog, il y a des gens qui pensent dur comme fer qu'il "suffirait de faire payer les riches" pour, comme par magie, redresser les comptes de la nation, "sauver" les retraites, etc...

Cette affirmation ne résiste pas à un examen sommaire.

Les riches paient déjà !

L'INSEE livre dans cette étude (PDF) une étude statistique des plus hauts revenus en 2007. L'étude est difficilement exploitable seule, car elle moyenne les revenus par "unité de consommation(1)" selon la définition de l'INSEE, ce qui ne facilite pas les comparaisons, et non par personne dans le foyer, mais en la croisant avec les statistiques des déclarations de revenu de la même année, publiées par le ministère du budget, j'ai pu tirer le tableau suivant avec quelques arrondis grossiers, les pourcentages des colonnes en italique  sont à +/-10%  près (un pourcentage indiqué à 8% se situera entre 7,2 et 8,8).

 

%age de personnes les plus riches

Gagnent plus de...  (euros)* par UC

Gagnent en moyenne (Euros) par UC

Nombre de déclarants individuels
(milliers)**

Pourcentage du total des revenus déclarés à l'IRPP

Taux d'imposition moyen

Pourcentage total des impôts sur le revenu  payés.

10%***

36 000

48 000

4800

23%

10%

47%

1%

84 500

149 000

480

8,2%

20%

23%

0,1%

225 000

335 000

48

1,8%

25%

8,1%

0,01%

687 000

1 269 000

4.8

0,7%

25%

3,1%

* Tous revenus confondus, 2007
** Mon estimation du nombre de déclarants peut être faussée par des doubles comptes que je n'ai pas les moyens de détecter. Environ 48 millions de déclarants individuels, dont 25 millions déclarant en couple. Voir également note (1) en bas de page.
*** précaution de lecture: les moyennes d'une ligne "incluent" les gens des lignes situées en dessous.
Les lignes ne s'additionnent donc pas.

 

A noter: produit fiscal IRPP 2007 # 49 Mds€, total des revenus déclarés, environ 820 Mds€, mais il s'agit du revenu "fiscal de référence" - incluant certaines déductions- qui n'est pas le revenu exact (Source WP). Les chiffres sur le site de Bercy, qu'il faut additionner soi même à la main, donnent plutôt 870Mds.

 

Quelques remarques


Tout d'abord, savoir que le seuil pour appartenir aux 10% des meilleurs revenus est de 3 000 Euros par mois en dit long sur la nullité des salaires, et la platitude de leur échelle, dans ce pays. Et que le seuil des 1% se situe à  7000 Euros par mois prouve qu'à l'évidence, la France n'est pas un pays ou beaucoup peuvent s'enrichir. Et c'est très dommage, car les enrichis sont un bon indicateur du dynamisme de l'économie: des entrepreneurs et cadres supérieurs riches en grand nombre indiquent qu'il y a plus d'entreprises qui marchent, et donc plus de cadres moyens, plus d'employés très qualifiés, de commerciaux bien commissionnés, etc...

Ensuite, s'il est connu que seuls 50% des ménages (environ) paient la totalité l'impôt sur le revenu, le fait que les 10% les mieux dotés en paient à eux seuls 47% (soit 4,7 fois plus que leur part de la population adulte), ou que les 4800 super-riches paient 3,1% du total, soit 310 fois plus que leur part de la population, montre que l'impôt sur le revenu est extrêmement progressif. Et encore les chiffres ci dessus ne concernent que l'IRPP et donc n'incluent pas l'ISF.

Notez au passage que les "0,01%" (super-riches) réussissent à ne pas augmenter leur pression fiscale moyenne par rapport aux "0,1%" (très-riches): Les niches fiscales leur sont certainement très familières...

Un matraquage fiscal supplémentaire des "riches" ne rapporterait rien

Enfin, si on doublait l'imposition des 10% les plus riches (soit toute personne à plus de 36000 Euros/an... ce qui donne une définition particulièrement basse de la "richesse"), ce qui serait énorme, en supposant que miraculeusement, aucun d'entre eux ne partirait de France ou ne diminuerait son revenu malgré ce matraquage, le surcroît de produit fiscal serait de 23 milliards, soit à peine plus de 1,1% du PIB. Notre déficit 2010 devrait tourner autour de 150 (8%), et les prochaines années verront les déficits de l'assurance vieillesse exploser bien au delà de ce niveau si rien de significatif n'est entrepris pour arrêter l'hémorragie. On voit donc que même dans le cas "idéal" totalement utopique où l'augmentation de pression fiscale n'inciterait pas les plus aisés à échapper à tout prix au fisc, faire payer les riches ne ferait rentrer dans les caisses que 1/6 ème du déficit actuel de l'état, où même uniquement la moitié des déficits constatés avant la crise: "faire payer les riches" ne résout rien.

Mais surtout, l'effet "Laffer", déjà largement commenté dans ce blog, et empiriquement souvent vérifié (exemple) jouerait de façon négative dans ce cas. Même un chercheur peu suspect de sympathies libérales comme Thomas Piketty reconnait qu'une hausse des taux marginaux supérieure à 10% sur les très hauts revenus provoquerait un effet Laffer négatif (exode fiscal -également ici-, moindre appétence au travail rentable) tel que le surcroît de rentrées fiscales résultant serait au mieux très décevant, au pire... Négatif. Des recherches indépendantes ont montré que l'ISF coûte sans doute 4 à 8 fois plus que ce qu'il rapporte à cause de tous les impôts non perçus sur les revenus des capitaux délocalisés à l'étranger depuis son instauration.

Enfin, à long terme, des taux marginaux trop élevés tueraient tout espoir de croissance en décourageant l'investissement productif, l'esprit d'entreprise et la formation de capital. Il y aurait moins de très riches, mais aussi et surtout moins de"petits" riches, alors qu'une société fonctionnelle devrait au contraire donner au plus grand nombre la possibilité d'atteindre une certaine aisance matérielle. Et une société qui encourage l'égalité dans la médiocrité n'est en rien préférable à une société permettant un bon espoir d'élévation individuelle au fur et à mesure que la vie avance.

Notre classe politique doit cesser de considérer celui qui s'enrichit comme un accapareur à qui il faut faire rendre gorge, mais un symptôme de réussite dont la multiplication est non seulement un signe, mais une condition sine qua non de bonne santé économique et d'harmonie sociale. Punir le succès est le plus sûr chemin vers une société de la médiocrité.

Conclusion

"faire payer" les plus riches (2) plus qu'ils ne le font déjà ne permettra pas de résoudre nos déséquilibres budgétaires, et accentuera à long terme des effets tout à fait désastreux déjà observables pour l'économie de ce pays, à commencer par un exode massif des meilleurs diplômés, les plus mobiles, qui manqueront cruellement pour apporter au pays le sang neuf et les gains de productivité dont il a tant besoin.

----------

 

(1) Le "revenu par unité de consommation" est obtenu en divisant le revenu du foyer par le nombre d'UC du foyer, qui n'est pas égal au nombre de personnes. En effet, l'INSEE considère que la seconde personne consomme la même salle de bains, la même télé, etc... et donc elle pondère le second membre du couple à 0,5 UC, ainsi que les ados. Puis elle compte les enfants pour 0,3 UC. Le revenu par personne "non à charge" dans chaque foyer est donc différent du revenu par UC, mais on peut considérer que les ordres de grandeur sont assez proches. En effet, en auscultant les données du fisc, on peut approcher le nombre d'unités de consommation de la population française entre 46 et 47 millions, or,  le nombre de personnes déclarant un revenu est de l'ordre de 47 à 48 millions. Assimiler revenu moyen par UC et revenu moyen par personne déclarant un revenu est donc, faute d'accès à des données plus détaillées, une approximation acceptable, que par conséquent je m'autorise.

 

(2) Pour être clair, je précise que je ne fais pas partie du top 1%, de très loin. Je suis à des années lumières de l'ISF, et je ne défends donc pas ici ma situation personnelle.

 

Vincent Bénard

Objectif Liberte.fr

 

Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones dédiés à la diffusion de la pensée libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement, crise publique, remèdes privés", ouvrage publié fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de marché pour y remédier.

 

Il est l'auteur du blog "Objectif Liberté" www.objectifliberte.fr

 

Publications :

"Logement: crise publique, remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat

Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république, bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc française, avec Pierre de la Coste

 

 

 

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Changer de chef ? Non, le mal est plus profond, ce qu’il faut c’est changer de France
Un an après son accession au pouvoir, François Hollande est déjà rejeté.
La faute aussi à une société civile contradictoire, qui refuse de prendre ses responsabilités, dans l'attente d'un homme providentiel, et en ne voulant surtout rien changer de ses acquis

Bertez
La France n'étendra pas pour l'instant la taxe d'aviation civile et la taxe de solidarité ELLE est partout !!! et a bon dos .
aux vols du secteur suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse.

L'intention de l'Etat français de soumettre le secteur helvétique de l'EuroAirport aux deux taxes de passagers dès le 1er juillet avait entraîné les protestations des autorités de Bâle-Ville et du conseil d'administration de l'aéroport.

L'annonce par la DGAC que les vols au départ de la zone douanière suisse seraient désormais soumis aux taxes françaises «n'était pas la bonne méthode», a commenté Jean-Marie Bockel. «Nous nous sommes mobilisés pour éviter ce qui aurait pu être une faute diplomatique»,

Le Conseil fédéral, le canton de Bâle-Ville et les responsables politiques alsaciens avaient fait part de leur incompréhension, voire de leur colère face à une décision qu'ils avaient qualifiée d'«unilatérale» et d'«inamicale».

Selon lui, la décision française viole l'accord entre la Suisse et la France sur le statut binational de l'aéroport situé sur territoire français.
La taxe d'aviation civile et la taxe de solidarité pourraient coûter jusqu'à 14 millions de francs aux compagnies installées dans le secteur suisse de l'aéroport, selon le conseil d'administration de l'aéroport. Ce dernier craint que des compagnies réduisent leur offre et que Bâle-Mulhouse perde plusieurs centaines de milliers de passagers.

Une telle évolution mettrait en danger des emplois et nuirait au développement économique de la région, déplore le conseil d'administration. La décision avait également été critiquée par le compagnie Easyjet qui représente à elle seule 51% du trafic à Bâle-Mulhouse.
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