L’incapacité organisée !

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Published : December 12th, 2012
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Mes chères contrariées, mes chers contrariens !


Il y a un gros mot qui ne doit pas être prononcé ces dernières années, car si vous en parlez, vous serez presque immédiatement taxé d’extrémiste en général de la droite. Il s’agit d’une valeur totalement dénigrée un peu comme le protectionnisme sauf qu’il s’agit de la souveraineté.


Le Larousse définit la souveraineté de la façon suivante : c’est le « pouvoir suprême reconnu à l'État, qui implique l'exclusivité de sa compétence sur le territoire national (souveraineté interne) et son indépendance absolue dans l'ordre international où il n'est limité que par ses propres engagements (souveraineté externe). (L'article 3 de la Constitution française de 1958 dispose que "la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum".) »


Lorsque l’on y pense, la démocratie ne peut s’épanouir que dans le cadre d’une souveraineté. Peu importe d’ailleurs en terme théorique qu’elle soit nationale ou européenne, mais il doit y avoir expression du peuple souverain à travers ses représentants ainsi que des possibilités de contrôle et toutes les séparations des pouvoirs qui font d’un état une démocratie qui, je vous le rappelle, est le plus mauvais des systèmes… à l’exception de tous les autres.


Bref. Une fois posé ce petit postulat sur l’idée de souveraineté, je souhaitais revenir à l’idée de « redressement productif ». Je m’en moque souvent de cette idée. Je vous rassure, je ne fais pas du tout une fixation sur notre commissaire Montebourg. Non. Au contraire, j’adore cette histoire de redressement productif. Je pense même que c’est un sujet d’une extrême importance pour l’avenir de notre pays.


Il ne faut pas être naïf, nous avons organisé notre incapacité


Depuis que je suis en âge de comprendre ou en tout cas « de mémoriser » ce qu’il se passe, je constate que nous avons organisé, consciemment, consciencieusement, notre incapacité politique d’une part et en ce qui nous concerne, surtout au Contrarien Matin, notre incapacité économique.


Il y a quelques jours, l’Europe annonçait la fin du régime spécial de protection pour l’industrie européenne du briquet jetable. Du briquet Bic en clair, qui va désormais subir de plein fouet la concurrence de produits chinois à très bas prix.


Or que constate-t-on ? D’une part, rien ne nous oblige à nous laisser envahir par le briquet chinois ce qui a comme conséquence directe de stopper les investissements dans les usines Bic, donc de pénaliser notre emploi et notre production industrielle que nous voulons, je vous le rappelle, « redresser ».

D’autre part, on se rend compte que les millions de briquets jetables importés de Chine ne respectent tout simplement pas les normes de sécurité françaises et européennes. Faites tomber un briquet Bic d’une hauteur d’homme, il ne se passera rien. Faites la même chose avec les briquets chinois et un sur deux « explosera » au sol. Dramatique et pourtant nous ne faisons rien.


Tous les ans, les scandales sanitaires se développent avec une fréquence accrue autour de tous ces produits importés qui ne respectent même pas le simple bon sens sans plus même oser parler de normes.

Lait pour bébé tout simplement empoisonné, jouets pour enfants tout simplement toxiques, médicaments avariés ou sans principes actifs… C’est une liste à la Prévert, jusqu’à la contrefaçon de pièces détachées de voitures ou d’avions mettant en jeux la sécurité des gens. Ni plus ni moins que la vie des gens pour un peu plus d’argent.

Dramatique et pourtant nous ne faisons rien.


Le premier protectionnisme est le respect des normes


Nous avons organisé notre incapacité en supprimant volontairement nos frontières, nos douaniers, nos contrôleurs et nos vérificateurs.


Nous pouvons supprimer les frontières au sens légal. Nous pouvons autoriser la libre circulation des biens, des marchandises et des hommes, sans pour autant supprimer systématiquement tout contrôle ou toute vérification.


La première étape de notre redressement productif, en plus d’une vision de ce qu’il doit être, c’est la mise en place d’un maillage de contrôle serré. Plus aucune marchandise « hors normes » ne doit rentrer sur le territoire français. Peu importe son origine, ce n’est bien sûr pas pour viser la Chine. Nous devons avoir une tolérance « zéro » sur les produits présentant une dangerosité quelconque ou un non-respect flagrant des normes établies notamment par l’Europe et nos fameux « NF » que tout le monde appose sans en respecter ni la « lettre, ni l’idée ».


Nous avons des millions de chômeurs que nous indemnisons. Recrutons 500 000 douaniers en CDD de 4 ans. Vérifions pendant 4 ans chaque container, chaque colis, chaque paquet. Nous pourrions vite, très vite nous rendre compte que plus rien ne passe les contrôles de normes. Dans ce cas, je vous laisse imaginer le redressement productif de l’industrie française et européenne…


Simple n’est-ce pas… Et pourtant nous ne faisons rien car nous avons organisé notre incapacité.


Mettre au pas le « monde de la finance »


Un autre exemple que je ne résiste pas à développer est bien sûr celui des banques « too big to fail », les désormais célèbres « trop grosses pour faire faillite ».

Nous les avons laissées se développer. Les autorités politiques et les autorités de tutelles ou de contrôle prudentielles ont tout accepté. Tout. Progressivement, elles ont tout laissé faire.


Nous avons organisé notre incapacité. Aujourd’hui, nous sommes dans une impasse totale avec d’un côté des banques effectivement trop grosses pour faire faillite, mais également trop grosses pour être sauvées.

Or nous continuons à ne rien faire. Nous en sommes incapables.


Nous devrions nationaliser l’ensemble des banques. Couper les activités en deux. Séparer les activités de banques de détails, qui sont indispensables à l’économie réelle, et les activités dites de marché qui restent essentiellement de la spéculation sans intérêt économique autre que de la création d’argent à partir d’argent, et interdire le trading haute fréquence qui n’a, quant à lui, strictement aucune justification économique.


L’Europe, le sommet de l’incapacité


Tout au bout de la chaîne, nous avons créé l’Europe. Encore une fois, l’Europe est une belle et noble idée désormais totalement perdue et dévoyée.


L’Europe, c’est le « machin » absolu de l’incapacité la plus parfaite.


Impossible de réaliser une politique cohérente à 27 pays différents.

Impossible de bâtir des protections efficaces à 27 pays différents.

Impossible de réaliser une convergence rapide d’économies hétérogènes à 27 pays différents.

Impossible de mettre en place des mesures fortes et énergiques à 27 pays différents.


Avec l’Europe, ou plus précisément avec cette Europe-là, nous avons organisé notre incapacité totale.


Comment sortir de la crise ? Que faire ?


Voici deux questions récurrentes que les gens me posent souvent. Comment sortir de cette crise, que pouvons-nous faire ?

À part acheter de l’or et une maison de campagne avec potager et poulailler, nous ne pourrons rien faire. Nous ne pourrons rien faire car, vous l’aurez compris, nous avons décidé ces 20 dernières années d’organiser notre incapacité totale à agir et à maîtriser notre destin collectif.


Nos hommes politiques ont depuis bien longtemps abdiqué le pouvoir au profit d’intérêts privés et corporatistes. La marche arrière est devenue très difficile pour ne pas dire impossible, nous condamnant de facto tôt ou tard à l’effondrement socio-politico-économique avec tout son cortège de conséquences humaines dramatiques.


Reprendre notre souveraineté économique


La sortie de l’euro préconisée par un certain nombre de gens n’est pas une panacée. Loin de là. Elle ne serait (la sortie de l’euro) ni une solution miracle, ni un cataclysme. Nos problèmes ne disparaîtront pas avec un retour au franc. Néanmoins, une sortie de l’euro serait très certainement le premier pas vers une souveraineté retrouvée dans un cadre national.

À votre avis, que se passe-t-il en Angleterre avec leur débat sur la poursuite ou non de l’adhésion à l’Europe ?

C’est en réalité ce débat sur cet indispensable retour à la souveraineté qui est un élément indispensable pour commencer à pouvoir envisager une sortie éventuelle de cette crise.


Or, nous nous arc-boutons sur la monnaie unique et sur l’Europe comme s’il en allait de notre existence même. Vous savez, c’est l’idée que dans notre siècle des grands ensembles économiques un petit pays ne peut plus peser.

Si vous regardez attentivement la carte du monde, les petits pays indépendants s’en sortent objectivement beaucoup mieux et depuis beaucoup plus longtemps que les pays qui ont décidé de rejoindre des superstructures comme l’Europe.


Pas si loin de chez nous, l’Islande est en train de revivre. Il faut dire que les pêcheurs islandais ont su exprimer leur souveraineté et dire aux banques… qu’ils ne paieraient pas pour leurs errements et leurs erreurs.


Or pourtant nous ne ferons rien de tout ça car nous avons organisé notre incapacité. C’est cela qui nous condamne. C’est bien triste car nous pourrions sans doute encore sauver beaucoup de choses. Mais rassurez-vous, nous n’en ferons rien.



Charles SANNAT

Directeur des Études Économiques Aucoffre.com

 

 

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Je trouve,une fois de plus,excellent l'édito de MR Sannat.Je me souviens qu'au milieu des années 70,mes parents évoquaient avec émotion le Général de Gaulle et exprimaient de la défiance envers le nouveau "chef" des gaullistes, Jacques Chirac,un moment Premier Ministre du Président Giscard d'Estaing.

Marie-France Garaud qui était,il me semble conseillère du Président Pompidou,avait exprimé sa défiance à l'encontre du "chef" des gaullistes par une comparaison assassine.Elle disait que celui-ci était en faïence dont on fait les b***ts.Alors que les hommes d'Etat était,selon elle,d'une matière autrement plus noble.Il me semble qu'elle parlait de marbre.Je n'en suis pas sûr.

Ce Chirac,malgré le peu d'estime de Marie-France Garaud,pourtant avait parfoisdes accents gaulliens notament au moment de créer le RPR en 1976.Il était sévère à l'encontre des représentants du parti de l'étranger.Le président Giscard d'Estaing et le Premier Ministre Raymond Barre étaient les chefs de file de ce parti de l'étranger et en prenait pour leur grade.

A la tête du RPR,il exhortait les Français à "ne pas écouter la voie rassurante du parti de l'étranger pour empêcher la France d'être vassale dans un empire de marchands!".

En 979, à l'occasion des élections européennes,la liste du RPR était menée par le Docteur Pons et était intitulée:D.I.F.E..Ce sigle était l'abréviation de DEFENSE des INTERETS de la FRANCE en EUROPE.

De reniements en trahisons,le RPR s'est transformé en courroie de transmission au service de la machinerie bruxelloise.Ce qui en a suivi ne vaut guerre mieux.Mais que ceux qui lisent l'éditorial de MR Sannat n'oublient pas,le moment venu,d'imputer une terrible responsabilité aux gens du RPR et de l'UMP qui auront été les fossoyeurs de intérêts de la France en Europe.Les socialistes sont aussi responsables,mais eux ont été cohérents.

Les foucades de MR Montebourg sont assez grotesques.

Salutations cordiales à tous.
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Le 14 décembre 1965, lors d'un entretien avec Michel Droit, entre les deux tours de l'élection présidentielle, le général de Gaulle déclare :

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : "l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !" mais cela n'aboutit à rien, et cela ne signifie rien."
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15 mai 1962 :

Charles de Gaulle déclare :

"il ne peut pas y avoir d’autre Europe que celle des Etats, en dehors naturellement des mythes, des fictions, des parades."

(Charles de Gaulle, Discours et messages, tome 3, Plon, page 407)
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En démocratie c'est le peuple qui est souverain....le peuple gère, le peuple décide, le peuple fait......
30 ans que je suis dans une démocratie, dans un pays pas très grand, pourtant j'ai du mal à voir la volonté du peuple s'exprimer (à part lors des sondages, car les élections sont quasi toujours tournées en ridicule par des jeux de chaises musicales ou de dominos)..
La seule chose que le peuple souverain fait, dans notre système, c'est payer les pots cassés.
Et le peuple souverain il commence à en avoir marre.... lorsque la masse ronflante voudra bien lever la tête de son dernier smartphone et des résultats du foot, je crois que ça va exploser.
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"une démocratie qui, je vous le rappelle, est le plus mauvais des systèmes… à l’exception de tous les autres".

Charles, relis les philosophes grecs et arrete Churchill : la démocratie arrive dans les bas du classement parmi les autres systemes de gouvernance de la Grece antique.

Un manque de culture surprenant venant de toi.
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Je trouve,une fois de plus,excellent l'édito de MR Sannat.Je me souviens qu'au milieu des années 70,mes parents évoquaient avec émotion le Général de Gaulle et exprimaient de la défiance envers le nouveau "chef" des gaullistes, Jacques Chirac,un moment P  Read more
goldy - 12/12/2012 at 11:00 AM GMT
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