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La fascination keynésienne ou splendeur et misère de l’exception culturelle française

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Published : November 30th, 2012
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Il est tout simplement stupéfiant de voir combien la pensée keynésienne exerce toujours une fascination auprès de nos experts et de nos dirigeants qui confine à l’aveuglement voire à l’hypnose.


Pourtant, Keynes a écrit, dans les années, 30 à une époque où l’économie mondiale était fractionnée en espaces nationaux qui se repliaient sur eux-mêmes, alimentant une guerre économique qui dégénéra inévitablement en conflit armé généralisé. Hitler lui-même s’est servi de la Théorie Générale de Keynes pour mener à bien son entreprise de reconstruction et de relance de l’économie allemande qu’il avait pris soin de mettre alors en autarcie. D’ailleurs, Keynes écrit en 1936, dans la préface de l’édition allemande de sa Théorie Générale : « Il va sans dire que la théorie de la production dans son ensemble, que ce livre cherche à présenter, s’adapte beaucoup mieux aux conditions d’un Etat totalitaire, que ne le fait la théorie de la production et de la répartition d’une production donnée, avec en plus une large dose de laissez-faire » [1]. Il va sans dire… mais cela va mieux en le disant franchement ! D’ailleurs, dans un élan aristocratique, Keynes méprisait la démocratie. Dans sa correspondance avec Hayek, il écrira à propos de la liberté : « Je pense que la bonne solution viendra d’éléments intellectuels et scientifiques qui doivent être au-dessus des têtes de la grande masse d’électeurs plus ou moins illettrés ».


Comme si cela ne suffisait pas à discréditer la théorie keynésienne, il faut ajouter que celle-ci n’est valide que sous certaines hypothèses aussi précises que restrictives. Keynes ne se préoccupait que du court-terme, se focalisant sur la relance de la consommation parce qu’il considérait que l’offre était donnée (ce qui est normal à court-terme) et sous-employée. Keynes raisonnait aussi en économie fermée, ce qui était la réalité de son époque. Enfin, Keynes n’a pas pris en compte le changement technologique puisque les technologies sont considérées comme figées à court-terme.


Evidemment, aujourd’hui - mais c’est vrai depuis 1945 avec la mise en place du GATT et du FMI et il faut être aveugle pour ne pas le voir - l’économie est ouverte, et le changement technologique est incessant. De plus, l’addition des court-termes ne fait pas du long-terme. Alors pour bien comprendre le moteur de la croissance durable à long-terme, il faut avoir une optique différente du schéma keynésien et qui est celle qui a été privilégiée par la macro-dynamique, dont les bases essentielles ont été posées et exposées par Robert Solow dans les années 60 [2]. Pourtant, Solow lui-même n’échappait pas au conditionnement keynésien qui était dominant dans le monde académique de l’époque. Et il faudra attendre Milton Friedman, et l’école de Chicago, pour mieux comprendre toutes les implications de la théorie dynamique de la croissance, notamment en termes de politiques structurelles de croissance.


Mais nous sommes carrément passés à côté de cette révolution intellectuelle majeure qui a porté au pouvoir Reagan aux Etats-Unis et Thatcher en Grande-Bretagne dans les années 80. Il faut se souvenir de la situation des USA dans les années 70 (on glosait en Europe sur le déclin américain) et aussi de la Grande-Bretagne convoquée devant le FMI pour constater la cessation de paiement de l’Etat britannique.

Chez nous, les socialistes s’installaient aux commandes avec le projet de « rompre avec le capitalisme » avec les conseils avisés d’un certain Attali, chantre des nationalisations, récemment remis en place par Nicolas Sarkozy.

Il faut dire que, dans les années 60, tous nos économistes – et l’université en général qui forme les chercheurs – étaient marxistes pendant que les universités américaines posaient les fondements des théories de la croissance. Et Milton Friedman - et ses « Chicago Boys » comme ils furent vulgairement moqués par nos intellectuels forcément supérieurs - c’était le diable ultralibéral en personne vu de l’hexagone rose et rouge. Alors, pas question de l’enseigner dans nos universités.


Lionel Jospin, qui fut notre premier ministre, a signé en 1974 un opuscule à l’usage des jeunes militants du PS dans lequel il est recommandé de lire expressément Marx, Engels, Gramsci, Rosa Luxembourg, Lénine et Mao… Que de grands économistes qui ont apporté prospérité et rayonnement à leur peuple !


Bien-sûr, avec l’effondrement de l’U.R.S.S., quand il s’est avéré que l’expérience communiste était un désastre non seulement économique, mais aussi social et humain, nos penseurs officiels et nos experts en économie, à peine gênés, sont donc devenus keynésiens. Mais Keynes était déjà depuis longtemps dépassé et ils étaient en retard d’une révolution majeure. Sans doute attendent-ils aujourd’hui la faillite (proche) de l’Etat-providence pour se convertir au libéralisme. Il ne faut pas rêver car ils iront plutôt attribuer la catastrophe annoncée aux ravages de la mondialisation libérale.


Dans l’histoire des idées, les grands penseurs, souvent bien seuls, ouvrent toujours la voie tandis que les autres, beaucoup plus nombreux, courent désespérément après des évènements qu’ils sont incapables de comprendre. Bien-sûr, pour ces derniers, ce n’est pas leur théorie qui est fausse, c’est le monde qui est fou et donc incompréhensible.



[1] Gérard Marie Henry [1997], Keynes, Edition Armand Colin, Paris, page 7.


[2] Robert Solow est professeur d’économie au M.I.T. et a reçu en 1987 le prix Nobel d’économie pour ses travaux académiques sur la croissance. C’est le cours principal que j’enseigne à mes étudiants depuis près de 20 ans.

 

 

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Docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée et Maître de conférences – HDR - à l'IAE de l'université de Perpignan. Médaille du Bibliographical Institute of Cambridge (London, 2012), il est spécialiste de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et consultant pour l’Organisation Mondiale du Tourisme (Nations-Unies). Il signe des chroniques économiques dans la presse nationale (Les Echos, Le Monde, le Figaro, Economie-Matin) et internationale (l’AGEFI le quotidien suisse des finances, le Boston de Providence aux USA, le Québécois Libre à Montréal). Il anime enfin, depuis plus de 15 ans, un blog à vocation pédagogique, Chroniques en liberté, à l'attention de ses étudiants et du grand public. Ouvrages [1] Les défis économiques de l'information, la numérisation, L'Harmattan, Paris 1996. [2] L’innovation dans l’industrie du tourisme - Enjeux et stratégies. En co-écriture avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris, 2001 [3] L’épopée de l’innovation – Innovation technologique et évolution économique, L’Harmattan, Paris, 2005. [4] L’innovation dans l’industrie du tourisme. Enjeux et stratégie, avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris 2006. [5] Fondements d’économie du tourisme. Acteurs, marchés, stratégies. De Boeck Université, Bruxelles 2007. [6] Le modèle français dans l’impasse, Tatamis Editions, Paris 2013. [7] Histoire thématique et contemporaine des faits économiques, Ellipses, Paris 2015. [8] Analyse de la finance internationale : le grand naufrage, en co-écriture avec Faouzzi Souissi (Trader),The Book Edition, Paris 2019.
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Comment accepter que l’Etat dépense 56,60 % de la richesse créée par l’ensemble des Français (1 130 milliards en 2011) et nous ait conduits dans la situation d’endettement pharaonique de 1845 milliards, pour rien, puisque cet endettement a servi majoritairement à assurer des dépenses de fonctionnement (source : Total des dépenses + 434 %, avant remboursement de la dette entre 1980 à 2011: dépenses de fonctionnement +357 %; prestations acoiales + 516 %) et non d’investissement productif (les dépenses d’investissement, Etat et collectivités territoirales, ne sont que de 6 % des dépenses de l’Etat, soit 61 milliards annuels ou 3 % du PIB !!!).
Nous assistions aujourd’hui à une répression fiscale, à une répression financière (voir travaux de Carmen Reinhardt) auxquelles il convient d’ajouter une répression d’expression, de circulation, de mœurs … qui augurent d’un avenir dont je ne vois pas le « cap »…ou le redoute.
Je crains en effet que travailler et être sanctionné pour cause de redistribution soit le nouvel esclavage du XXIe siècle (six mois 26 jours pour l'Etat, la libération arrive le 27 juillet, attendons 2013 pour connaître notre jour de libération ...annuelle.
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J’ai plaisir à rejoindre votre billet et vous propose de partager ce qui suit : notre histoire économique est dominée par la pensée du partage provenant des francs-maçons, surtout. On note cette fâcheuse idée dominante que l'Etat doit redistribuer ce que gagne l'un par son travail à l'autre qui ne la pas gagné. Toujours plus d'interventionnisme de l'Etat, qui doit proliférer pour faire face à cette demande en employant des fonctionnaires en nombre croissant, puisque que l’Etat le peut et que la satisfaction d’une masse d’électeurs le demande. Sauf qu’à accroître la masse d’une part des fonctionnaires-redistributeurs et de satisfaire cette demande toujours plus forte de couches successives de d’électeurs, appauvrit la société toute entière. La répression fiscale en cours en est l’illustration parfaite. Pour ne prendre qu’un seul exemple l’imposition des revenus de l’épargne au barème progressif de l’impôt sur le revenu puisque l’épargnant dispose préalablement d’un revenu soit issu de son travail soit de ses pensions, il se trouve donc déjà à un certain niveau du barème progressif (puisqu’il est devenu courant d’exposer les 10 % des revenus les plus élevés soit 38 000 euros, ceux-ci étant dans la tranche d’imposition de 26 421 à 70 830 au taux de 30 %, les revenus de l’épargne s’additionnent aux revenus d’activité ou de remplacement et sont imposés à partir de cette tranche, le seuil d’imposition ne débute pas à zéro (tranche jusqu’à 5 963 et ainsi de suite…) Il conviendra de ne pas omettre les prélèvements sociaux à hauteur de 15,50 %. Or cette épargne provient d’un revenu initialement exposé à l’impôt sur le revenu et ainsi de suite donc nous ne sommes déjà plus dans une imposition progressive arithmétique mais dans un système d’imposition géométrique, ce que s’est bien gardé d’exposer le législateur. Ce qui n’était donc pas dit dans cette affaire de redistribution, c’est la spoliation organisée de l’épargne avec sa destruction imminente. Il arrivera donc rapidement que l’assiette se raréfiant, les demandes étant au moins à niveau constant voire progressives, un détournement régulier et non moins géométrique de la capacité de création de richesses sans trouvera obérée et réduite. Il est bien question de la disparition de l’Etat-providence avec les conséquences sociales incalculables qu’elle va engendrer.
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Comment accepter que l’Etat dépense 56,60 % de la richesse créée par l’ensemble des Français (1 130 milliards en 2011) et nous ait conduits dans la situation d’endettement pharaonique de 1845 milliards, pour rien, puisque cet endettement a servi majorita  Read more
CLAUDE F. - 12/2/2012 at 10:36 AM GMT
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