La retraite en France sur le sentier de "la retraite de Russie"…

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Published : January 20th, 2010
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Category : Fundamental

 

 

 

 

1. Les dés ont été jetés.

Il y a soixante ans, c’est-à-dire au départ de l’organisation de la sécurité sociale obligatoire que nous connaissons encore aujourd’hui en France, la «cotisations vieillesse de base» n'était pas individualisée.
Le salarié qui travaillait dans une firme du secteur économique dit « de l’industrie et du commerce » et avait ainsi l'obligation d'appartenir au « régime général » de l'OSSO versait une cotisation globale - dite alors d' «assurances sociales», en mémoire de la décennie 1930 - , dont le taux était :

16% du salaire brut sous "plafond",

la notion de "plafond" étant un autre souvenir de la décennie 1930 : elle désignait le revenu en deçà duquel l'employé avait l'obligation de souscrire une assurance maladie et une assurance vieillesse. Au delà, il gardait sa liberté.

Ce taux de 16% est le résultat de l'addition du taux de la cotisation «employé» et de celui de la cotisation «employeur».
Rien ne justifie cette distinction ni par conséquent de ne pas les additionner.  En effet, ces taux donnent lieu à des montants de monnaie qui sont déduits du vrai prix en monnaie du travail du salarié - son salaire complet - que paie en définitive le client en achetant les produits fabriqués par la firme.


De plus, le législateur avait décidé que, pour pouvoir espérer obtenir une retraite « à taux plein » - soit, au maximum, 50% du plafond de salaire brut -, il devrait cotiser un certain temps, exactement :

                                    30 années.


2. Les cartes ont été biseautées
.

Il y a quarante ans, à partir de 1967/68, le législateur a individualisé la cotisation vieillesse de base de sorte que le salarié d’une firme du secteur de l’industrie et du commerce a versé à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés– créée pour l’occasion, CNAVTS– une cotisation dont le taux affiché était de :

                          8,5% du salaire brut sous plafond.

Soit dit en passant, si le législateur a pris cette décision, c'est que l'OSSO  allait mal et démontrait son absurdité.

Dans la foulée, début de la décennie 1970, le législateur a décidé que pour pouvoir espérer obtenir une retraite « à taux plein », ce n’était plus trente ans qu’il devrait cotiser, mais désormais :

                                    37,5 années.


3. La « rue de la Paix » a été retirée du jeu
.

Aujourd'hui, en 2010, le salarié d’une firme du secteur de l’industrie et du commerce - voire d'autres dont le secteur économique a rejoint le "régime général", de gré ou de force - verse périodiquement :

* une cotisation sous plafond dont le taux est :

                                 14,95%

* et une autre "hors plafond" - notion originale introduite entre temps (i.e. si le salaire brut est supérieur au plafond) - dont le taux est :

                                   1,7%

S’il a un salaire brut supérieur au plafond, son taux de cotisation est donc :

                                16,65%

Tout cela pour ne pas parler du taux de la CRDS - "contribution" introduite elle aussi entre temps, en relation, en partie seulement, avec des déficits des "régimes de retraite de base" (cf. ci-dessous) passés que tout salarié doit payer -, à savoir :

                          0,5% sur son salaire
               ou sur le revenu de son épargne investie.


Autre réforme encore entre temps, celle de la durée de cotisation pour espérer une retraite "à taux plein" : le législateur l’a fait passer de 37,5 années à :

                             40 années
puis
                             41 années.

En d’autres termes, aujourd’hui, pour la seule "sécurité sociale vieillesse de base", le salarié d’une firme du secteur de l’industrie et du commerce (ou désormais de certains autres secteurs) - dont le salaire brut est supérieur au plafond de salaire brut - verse une cotisation vieillesse obligatoire dont le taux est supérieur au taux de la cotisation globale qui était payé à l’origine de l'OSSO:

                           16,65% contre 16%.

Par rapport à la fin de la décennie 1960, le législateur a tout simplement doublé le taux de cotisation vieillesse de base que doit payer le même salarié :

                           16,65% contre 8,5%.

tandis qu’il a augmenté d’un tiers la durée de cotisation obligatoire que ce dernier devrait avoir pour bénéficier d’une retraite "à taux plein", elle est passée :

                            de 30 ans à 41 ans.

Quiconque vivant en France aujourd'hui devrait connaître ces chiffres avant de dire quoi que ce soit à propos d'une nouvelle réforme des retraites.


4. A quel jeu joue-t-on ?

L'évolution que fixent les chiffres n’est-elle pas effarante ?
Laissons de côté ceux qui répondront « non » et y verront la permanence d’un acquis social.

Quant à toutes les conséquences économiques qu'ils peuvent faire valoir, je les renvoie au livre cité précédemment mais aussi à ces trois livres pour les connaître :

Futur des retraites et retraites du futur. I. Le futur de la répartition.



Futur des retraites et retraites du futur II. Les retraites du futur : la capitalisation


 


Futur des retraites et retraites du futur. III. La transition.





Ils sauront tout sur la question.

L’évolution signalée est d’autant plus effarante qu’il ne faut pas croire qu’entre la fin de la décennie 1940 et la fin de la décennie 2000 où nous nous trouvons, le plafond du salaire brut n’a pas augmenté.

Non seulement le législateur l'a augmenté périodiquement, mais encore il l’a accru dans une mesure en moyenne supérieure à l’augmentation du niveau des prix (cf. livres cités).

En d’autres termes, le plafond de salaire brut, en termes de pouvoir d’achat, a été lui aussi augmenté.

En conséquence, cette augmentation accroît encore l’augmentation de taux signalée ci-dessus.

Jusqu’où une telle "spoliation" - il n'y a pas d'autre terme raisonnable - peut-elle aller ?

Frédéric Bastiat, en 1850, signalait que :

" Cependant, à la longue (ainsi le veut la nature progressive de l'homme), la Spoliation développe, dans le milieu même où elle s'exerce,
- des résistances qui paralysent sa force et
- des lumières qui dévoilent ses impostures."

Y serions-nous ?

Et Vilfredo Pareto soulignait cinquante ans plus tard :

"Ce qui limite la spoliation, c'est rarement la résistance des spoliés ; c'est plutôt les pertes qu'elle inflige à tout le pays et qui retombent sur les spoliateurs.
Ceux-ci peuvent, de la sorte, finir par perdre plus qu'ils ne gagnent à l'opération.
Alors ils s'en abstiennent s'ils sont assez intelligents pour se rendre compte des conséquences qu'elle aurait.
Mais si ce bon sens leur manque, le pays marche de plus en plus à sa ruine, comme cela s'est observé pour certaines républiques de l'Amérique du Sud, le Portugal, la Grèce moderne, etc." (Pareto, 1896/7, §1049).

Y serions-nous ?


5. Le jeu n’est plus jouable.

Le président de la République a annoncé vendredi 15 janvier 2010 la tenue d'une "réunion d'agenda social" le 15 février pour définir un calendrier des mesures à prendre en 2010, notamment en matière de retraites, lors de ses voeux aux partenaires sociaux.

"Les Français, qui sont sages, ne s'y trompent pas : près de trois quarts d'entre eux se disent inquiets pour leur retraite, et s'ils sont inquiets on doit s'en occuper", a estimé Nicolas Sarkozy.

Soit dit en passant, j'ai préféré le mot "spoliation" au mot "inquiétude", mais je ne suis pas non plus président de la République.

Nicolas Sarkozy a cité l'adaptation de la protection sociale au défi du vieillissement - défi d'autant plus grand que la crise a mis à mal les finances sociales de la France, a souligné le chef de l'Etat.
"Ça fait cinquante ans que nous gagnons un trimestre d'espérance de vie par an", a-t-il dit. "Mais cette 'bonne nouvelle' doit conduire à se pencher sur le système de retraite".
"Les Français ne s'y trompent pas: plus des trois quarts d'entre eux se disent inquiets pour leurs retraites", a ajouté le chef de l'Etat. "Il serait irresponsable de ne pas leur apporter de réponse."

Il a rappelé qu'il s'était engagé en juin, devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, à organiser un rendez-vous sur les retraites en 2010, qui inclura la question de la pénibilité du travail.
"Nous en arrêterons ensemble le calendrier et les modalités à l'occasion de notre réunion d'agenda social", a-t-il précisé.

Pour sa part, le Conseil d’orientation des retraites (COR) va se réunir le 20 janvier 2010 pour examiner la "première partie du rapport" qu’il doit publier prochainement

A sa dernière réunion du 16 décembre 2009 préparatrice du rapport de janvier 2010, il s'était penché sur "la faisabilité technique et juridique du passage éventuel à un régime en points ou en comptes notionnels".

Sa réflexion avait reposé sur un certain nombre de documents dont ceux-ci :

* Préparation du rapport sur les modalités techniques d'un passage éventuel à un régime en points ou en comptes notionnels : problématiques techniques et de gestion ;

* Questionnaire sur la faisabilité technique et les problématiques de gestion d'un passage éventuel à un régime en points ou en comptes notionnels, envoyé aux régimes de base

* Préparation du rapport sur les modalités techniques d'un passage éventuel à un régime en points ou en comptes notionnels : problématiques juridiques ;

* Transition vers un système en comptes notionnels : quelques scénarios exploratoires portant sur le cœur du système (Didier Blanchet INSEE ) ;

* Pilotage de systèmes de retraite en annuités, en points ou en comptes notionnels : comparaisons à partir d'une maquette stylisée du système de retraite.


6. Quelques chiffres officiels donnés actuellement par la CNAVTS en guise de conclusion de ce billet.

En 2008, derniers chiffres officiels donnés par la CNAVTS sur son site, il y avait :

17,2 millions de cotisants à la CNAVTS, soit 71,26 % des actifs (soit 24,1 millions d’actifs pour une population totale de l'ordre de 63 millions de personnes), pour

12,1 millions de retraités ;

soit
                       1 retraité à couvrir par 1,4 cotisant.

Convenons que, si ce rapport peut inquiéter, il ne veut pas dire grand chose…, ce sont les montants en monnaie des cotisations et des retraites – prestations de retraite – versées qui importent.


Soit dit en passant, en France, deux grandes catégories de régimes de retraite obligatoires de base autre que le "régime général" existent :

* les régimes spéciaux des salariés du secteur public (État, collectivités locales, entreprises publiques) qui représentent 19,03 % des actifs, soit 4,6 millions de personnes ;

* les régimes des non-salariés (artisans, commerçants, professions libérales et agriculteurs) qui concernent 9,71 % des actifs, soit 2,3 millions de personnes.

Et tout cela pour ne pas parler des régimes de retraite obligatoires complémentaires
- à qui le salarié doit verser des cotisations "complémentaires",
- qui versent des prestations de retraite "complémentaires" (je vous renvoie aux livres cités) et
- qui sont mis en difficulté chaque fois que l'exécutif élève le plafond de salaire brut et dès lors que les salaires brut s'accroissent moins que l'augmentation.


Il reste que la CNAVTS informe qu’elle a versé en 2008, en 
prestations de retraite de base :

                                  € 86,9 milliards. 

Ce qui fait ressortir une "retraite de base moyenne par retraité" de :

                                  € 7182 par an,
soit
                                 € 598 par mois.

Ce chiffre calculé est pour le moins étrange car il est de l’ordre de celui du "minimum vieillesse", pour ne pas dire inférieur.

"Y a comme un défaut" aurait dit un humoriste du XXème siècle.  A propos de ce défaut et pour tenter de le comprendre, on pourra se reporter à ce texte ou à celui-ci.

Reste que le maximum de la "prestation de retraite de base", égal à 50% du plafond de salaire mensuel depuis l'origine, soit € 2773 par mois, est donc :

                                     € 1387.

Mais qui le touche ? A défaut qu'il y ait un défaut, il n'y a aucune information sur le sujet, un sujet oh combien important.

 

Georges Lane

Principes de science économique

  

 

Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.

 

Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur

 

 

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