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Le patronat est-il vraiment assisté ?

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Published : April 01st, 2014
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Le mardi 18 mars, Thierry Lepaon, numéro un de la CGT, affirmait qu’on «parle beaucoup des salariés qui seraient assistés, des chômeurs qui seraient assistés. Aujourd'hui, pour nous, c'est le patronat qui est assisté par ce gouvernement […] 200 milliards d'euros d'aides versées tous les ans au patronat […] dix fois le déficit des caisses de retraite».  Ce chiffre semble exagéré puisque un rapport de la mission gouvernementale pour la modernisation de l’action publique (p. 16) évalue le montant total des aides à 110 milliards d’euros, soit 5,41% du PIB français de 2012 (Source : INSEE). Reparties entre des milliers de dispositifs différents, le chiffre reste néanmoins important. Les entreprises françaises seraient-elles donc à ce point assistées ? Essayons d’y voir plus clair.


Tout d’abord, les aides aux entreprises se présentent sous différentes formes selon le dispositif analysé. La plus grosse partie des aides, soit 88,8 milliards d’euros,  consiste en des allègements fiscaux et sociaux. On y trouve les allègements « Fillon » pour les bas salaires, le Crédit d’impôt recherche (CIR), le Crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), les niveaux de TVA à taux réduits, et quelques autres aides d’État, régionales, départementales et municipales. Des aides de ce type financent aussi la formation professionnelle, le logement et les services à la personne des employés.


Or ce type d’aides aux entreprises ne correspond pas à de l’assistanat. La notion d’assistanat implique, en effet, des aides sans contrepartie. Or, les entreprises souscrivant à un dispositif d’aide sont toujours assujetties à des contreparties spécifiques aux types d’aide souscrits. Elles peuvent concerner l’installation, l’embauche et la formation des demandeurs d’emploi dans une zone sensible. C’est le cas des aides à l’installation et à l’embauche dans les Zones Franches urbaines (ZFU). Un autre type de contrepartie est l’embauche et la formation de catégories spécifiques de travailleurs ou de demandeurs d’emploi. Ceci concerne notamment le CIR, l’aide à l’embauche pour un contrat d’apprentissage et le contrat de génération. D’autres contreparties visent les installations matérielles coûteuses d’une entreprise (aides pour l’environnement) ou les activités spécifiques d’une entreprise, comme les centaines d’aides à la culture et aux artistes.


En aucun cas, les entreprises ne reçoivent de fonds sans une obligation quelconque en matière d’investissement ou d’embauche. Ensuite, si certaines aides sont  données sur simple déclaration, comme dans le cas du CIR, dans la grande majorité des cas, la mise en place des contreparties ne garantit pas automatiquement l’accès aux aides qui ne sont souvent libérées qu’après vérification de dossier. Cela représente un coût administratif important pour les entreprises. Elles doivent faire les investissements avant d’avoir confirmation des aides, ce qui représente un coût significatif en termes de compétitivité[1].


Autre point important ; les aides aux entreprises ont généralement un caractère fiscal. Elles allègent le fardeau qui pèse sur les entreprises. Il ne s’agit donc pas des privilèges et encore moins d’assistanat. Les aides aux entreprises impliquent de fait rarement des subventions liées au développement de produits spécifiques (exception faite des aides liées à la Politique agricole commune – PAC – et des aides à l’industrie militaire). Autrement dit, les aides publiques aux entreprises ne sont pas des subventions des coûts de production. Elles sont des aides qui soulagent les entreprises d’un fardeau fiscal et social devenu trop lourd.


Le caractère fiscal des aides aux entreprises permet d’expliquer en partie le bilan mitigé qu’elles présentent en matière de développement économique en France. Prenons le cas des ZFU. La loi favorisant l’installation des entreprises en ZFU date de 1997. Elle a été modifiée en 2004. Si le dispositif est une réussite à ses débuts, on constate dès 2001 un essoufflement qui ne sera pas atténué après la réforme de 2004, comme l’indique cette étude de l’INSEE. Deux raisons expliquent cette stagnation. Tout d’abord, les entreprises ont du mal à satisfaire les exigences en matière d’embauche dans les ZFU, zones où la main d’œuvre n’est pas suffisamment spécialisée. Ensuite, bon nombre d’établissements à s’être installés dans ces zones, l’étaient déjà ailleurs. Ils n’étaient pas des créations d’entreprise.  Autrement dit, l’objectif pour ces entités était surtout d’alléger leurs charges fiscales et sociales. Mentionnons aussi une autre raison qui si elle n’est pas mentionnée dans l’étude de l’INSEE, n’en est pas moins importante. Il s’agit du caractère limité dans le temps  des allègements et des exonérations fiscales et sociales. Ils s’éteignent au bout de 8 ans. En outre, ces aides sont limitées à l’embauche de 50 salariés tout au plus.


La deuxième vague des ZFU a quant à elle été impactée par une mesure beaucoup plus attractive pour les entreprises, à savoir la mise en place des allègements « Fillon » pour les bas salaires en 2003, accessibles  à toutes les entreprises, grandes et petites.


Le CIR est un bon exemple de ce que les « aides » sont devenues essentielles au « bon » fonctionnement des entreprises dans une France surchargée fiscalement.  Très critiqué parce que les montants en hausse année après année ne sont pas accompagnés par des augmentations de l’embauche dans la recherche privée (voir ici et ici), ce dispositif reste essentiel pour les entreprises. À tel point d’ailleurs que les gouvernements qui se succèdent le voient comme un acquis pour celles-ci. Les entreprises menacent souvent de délocaliser leur recherche si le dispositif était supprimé. Le fait est que le CIR subventionne les charges fiscales et sociales liées à des projets de recherche et  pas uniquement les embauches de scientifiques.


Ainsi, face à l’ampleur du fardeau fiscale et social en France, les aides publiques sont devenues nécessaires à l’existence même de plusieurs secteurs d’activité de l’économie. C’est ainsi que les entreprises éligibles y ont recours massivement. Tant que les gouvernements ne sauront pas reformer la structure fiscale et sociale en France, ces aides seront effectivement une nécessité. En effet, nous pourrions dire que ces aides aux entreprises représentent plutôt une aide indirecte aux travailleurs soutenus par M. Lepaon, car les postes de travail créés par ces aides n’existeraient pas si celles-ci venaient à disparaître sans un allégement du fardeau fiscal et social français.


Ces dispositifs comportent néanmoins un élément discriminatoire qui favorise les entreprises bien pourvues en capital au détriment des entreprises plus modestes. Le coût d’accès aux dispositifs en question et les critères d’éligibilité rendent ces dispositifs hors de portée de la plupart des TPEs et PMEs qui sont pourtant créatrices de plus de 50% des emplois en France.


 

 



[1] Ce court rapport de l’Assemblée Nationale indique la pléthore d’interlocuteurs bureaucratiques auxquels les entreprises, surtout les créateurs, doivent faire face pour obtenir des aides, renseignements et respecter leurs formalités administratives auprès de l’Etat.

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Gabriel A. Giménez-Roche est professeur et responsable du département économie du Groupe ESC Troyes et maître de conférences à Sciences Po Paris. Son domaine de recherche est l'analyse économique de l'entrepreneuriat et son contexte socio-institutionnel. Il est également chercheur associé de l’Institut économique Molinari.
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Lisez donc ceci :
http://www.bastamag.net/Crise-financiere-comment-des-fonds "Crise financière : comment des « fonds vautours » commencent à attaquer l’Europe"...
Édifiant.
Quant à la méfiance réciproque, elle est hélas justifiée.
110 milliards d’euros repartis entre des milliers de dispositifs différents qui se sucrent au passage d'environ la moitié pour partie pour leurs enveloppes aux "bonnes œuvres" : la dilution de ces aides est une gabegie sans nom !
c'est une goutte d'eau restituée , par rapport a l'océan qu'on leur a volé avant . le paon essaie de justifier sa paie qu'il vole pour emmerder les patrons .
ce genre d'individu participe a la ruine du pays.
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"Ainsi, face à l’ampleur du fardeau fiscale et social en France, les aides publiques sont devenues nécessaires à l’existence même de plusieurs secteurs d’activité de l’économie." Bon ! On ne va pas faire un dessin ! Il y a des types qui pondent une foultitude de réglementations, des "partenaires sociaux" (hein M. Lepaon !) avec leurs exigences...surtout si elles ne sont pas applicables dans les TPE et PME... Mais c'est vrai que c'est difficile d'encarter un ou 2 salariés chez un artisan !
Et à la sortie, "on" réfléchit en haut lieu comment ne pas laisser crever les entreprises assujetties à tout cet immense imbroglio, alors on subventione ou on allège pour compenser la pression et ce que l'on accordé aux uns et aux autres.
Tout ça porte un nom : comment faire compliqué quand on peut faire simple.
D'autant plus que tout ce bastringue est effectivement parfaitement discriminatoire. Ayant vécu l'artisanat, je puis affirmer que ma liberté pour faire mes 60h hebdomadaires m'a coûté une petite fortune et ya intérêt à raser les murs ! Et franchement si je n'ai jamais embauché c'est bien pour protéger mon outil de travail du poids des réglementations et des contraintes du code du travail.
Vu pas plus tard que la semaine dernière un collègue qui a une entreprise de charpente métallique. Ils ont dû démonter un hangar existant pour remonter la nouvelle structure. Le démontage de la couverture posait problème car posée il y a fort longtemps, plaques avec peut-être de l'amiante...on rentre dans des législations insensées même pour 2 ou 3 jours de travail. Ils sont allés faire le boulot de démontage qqs matins de 6h à 8h !!! Comme il m'a dit :"maintenant en France pour travailler faut se cacher !"
Cherchez l'erreur : 63000 entreprises (et certainement pas les plus grosses !) qui ont mis la clé sous la porte en 2013.
Bah ! Avec le nouveau premier ministre ça va barder : la France part au combat ! Hollande en chef de guerre, le sourire béat et la main dans la braguette !
Pincez moi, je rêve !







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Pourquoi en Allemagne et au Japon, les classes sociales collaborent-elles dans un jeu gagnant-gagnant alors qu'en France et dans de nombreux pays, les classes sociales sont dans un état de guerre larvée? Avez-vous remarqué à quel point en France les employés se méfient des employeurs (souvent à juste titre) et vice versa? Visiblement la confiance règne... Et on dirait qu'ils nourissent une antipathie réciproque.

Constatons que la France n'est pas un pays éthniquement homogène, et pas depuis 50 ans, mais depuis toujours. Les Gaulois déjà, se faisaient la guerre sans arrêt. Constatons que l'Allemagne et le Japon sont éthniquement (relativement) homogènes. Constatons, et c'est sans doute la clé de l'énigme, que chez les insectes sociaux, tous les individus d'une même colonie sont des clones. Tout ceci ne s'expliquerait-t-il pas par la simple logique de la sélection naturelle darwinienne? Poser la question en ces termes, c'est déjà y répondre à moitié.
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@caldera
Les employés se méfient des employeurs (souvent à juste titre) et vice versa, souvent à juste titre aussi, faut bien dire ce qu'il en est. Je pense qu'il n'y a ni vanité ni honte à être employeur ou employé. Ce qui importe c'est que chacun soit à sa juste place et que chacun également respecte l'autre. L'homme est ainsi fait que l'exercice du pouvoir conduit certains à abuser des autres et que parfois ceux qui sont en dessous jalousent ceux qui ont "mieux réussi", sans d'ailleurs oser se poser les bonnes questions sur la réussite des autres ou la limite de leurs capacités personnelles.
On peut bien gonfler encore le code du travail qui comporte actuellement plus de 2000 pages, ça ne changera rien. Les syndicats n'ont jamais apporté une réponse aux problèmes conflictuels dans le monde du travail, ils roulent pour eux et leurs privilèges. Mais ce qu'il y a de sûr depuis déjà de nombreuses années c'est qu'ils ont réussi un sacré travail de sape en diabolisant les "patrons". Le polytechnicien à la tête d'un grand groupe ou le petit artisan, tout le monde dans le même sac.
Ce travail d'usure a pourri le monde du travail en France. J'admets sans conteste que certains employeurs ne sont pas des gens intéressants, mais la mentalité de beaucoup de salariés n'incite pas à embaucher. Comme m'a dit un jour une amie avocat indépendant :" N'embauchez jamais ! En France la législation du travail n'est pas une législation de défense du salarié, c'est une législation contre les employeurs !"
On est pas sortis de l'auberge !



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Oui mais alors, pourquoi ce qui marche en Allemagne ne fonctionne-t-il pas en France? Je pense que l'explication biologique avancée par Caldera tient la route. Il y a plusieurs peuples en France. C'est la guerre des fourmilières. Quant à la jalousie de certains, soyons clairs : la jalousie est un sentiment abjecte et le mieux serait d'euthanasier les porteurs de ce gène monstrueux. Evidemment, je n'y vais pas avec le dos de la cuiller. Mais comme disait Napoléon, on ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs.
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Oui mais alors, pourquoi ce qui marche en Allemagne ne fonctionne-t-il pas en France? Je pense que l'explication biologique avancée par Caldera tient la route. Il y a plusieurs peuples en France. C'est la guerre des fourmilières. Quant à la jalousie de c  Read more
CALEFACTOR. - 4/2/2014 at 5:35 PM GMT
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