Le seul débat politique : (ultra)libéral ou (infra)déterministe

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Published : May 01st, 2006
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Category : Fundamental

 

 

 

 

Il est à la mode en France, chez les politiques, tous partis confondus, et les médiatiques de tous bords, bref dans la classe médiatico-politique, de stigmatiser les "ultralibéraux", l'"ultralibéralisme", le "libéralisme sauvage" contre quoi ils se battent. Soit.

Mais que proposent-ils donc tous ces Don Quichotte ? Que sont-ils, eux-mêmes ? Appelons un chat un chat : ce sont des "infradéterministes", comme on va le montrer.

 


Aux yeux de la classe médiatico-politique, est ultralibéral quiconque raisonne à partir de l'être humain qu'il est, de vous et moi, et non pas à partir du concept flou de "société".

Est ultralibéral quiconque avance que l'être humain, simple citoyen, politique ou médiatique, agit dans son intérêt personnel et non pas dans un prétendu intérêt général – dénommé le cas échéant utilité publique ou collective, solidarité ou justice sociale – qui serait celui de la fameuse "société".

Est ultralibéral quiconque affirme que les intérêts personnels poursuivis par les êtres humains dans le respect des lois naturelles de la propriété et de la responsabilité de chacun, sont harmonieux et que leur ensemble constitue justement l'intérêt général réel de la société, i.e. de l'état fluctuant résultat de l'association des êtres humains.

L'"ultralibéralime" ou le "libéralisme sauvage", c'est "le renard - libre - dans le poulailler - libre-" (pour une réfutation, cf. François Guillaumat)

Le point de départ de cette stigmatisation dérisoire qui est caché ou oublié aujourd'hui, n'est jamais que le libre arbitre de l'être humain, ce libre arbitre qui opposait au Vè siècle Augustin, le futur Saint, aux Donatistes et autres Pélagiens, comme le rappelle Elaine Pagels (1988) dans Adam, Eve and the Serpent (1), citée par François Lurçat (2003) dans De la science à l'ignorance (2).

Le refus ou la condamnation du libre arbitre de l'être humain se ramène tout simplement à l'affirmation d'un déterminisme universel. Et l'un ou l'autre a pris diverses formes au cours des âges.

En particulier, il a donné au déterminisme scientifique des oripeaux quand il a pris la forme de la mécanique classique aux XVIIè-XVIIIè siècles.
Il a permis à Pierre-Simon Laplace d'affirmer à la fin du XVIIIè siècle, du haut de son déterminisme absolu, que le hasard est l'expression de l'ignorance de l'être humain.
Mais il s'est surtout heurté à deux obstacles de taille au XIXè siècle, à savoir deux mathématiciens: d'abord James Clerk Maxwell (1831-1879), puis Henri Poincaré (1854-1912).

Qu'à cela ne tienne, au XXè siècle, ses thuriféraires sont parvenus à faire faire silence dans les rangs, certes au prix de la distinction toute nouvelle entre déterminisme physique et déterminisme mathématique, mais aidés aussi par les totalitaires de tout poil, philosophique, politique, économique, biologique …

Comme le libre arbitre de l'être humain le laissait prévoir, la situation leur est devenue intenable un beau jour, très précisément dans la décennie 1960, quand Edward Lorenz, grand météorologue, a proposé des travaux qui ont redécouvert les résultats de Poincaré sur l'existence des solutions instables pour des systèmes d'équations d'intérêt physique. L'émergence de la théorie mathématique dite "du chaos" venait d'avoir raison de leur totalitarisme.

Ils ont trouvé néanmoins une position de repli en acceptant bon gré, mal gré que désormais le principe du déterminisme mathématique ne soit plus universel, mais une propriété mathématique qu'ils ont dénommée "théorème d'existence et d'unicité". Et, soit dit en passant, cette expression n'est pas tombée dans l'oreille de sourds économistes: la théorie de l'équilibre économique général a été réactivée et couverte du bonnet de la "justice sociale".

Dans ces conditions, l'"ultralibéral" se doit de rappeler sans arrêt qu'il n'y a plus de déterminisme universel défendable, et qu'à l'extrême, pour les plus convaincus de ses derniers défenseurs, il y aurait seulement des déterminismes ponctuels, locaux, appropriés...

Les défenseurs du déterminisme ne sont donc plus que des "infradéterministes" qui, si on les resitue dans les couleurs politiques des deux premiers tiers du XXè siècle à quoi avait donné lieu le déterminisme, sont aussi qualifiables d'"infrarouges".

"Ultralibéral" contre "infradéterministe", voilà le vrai débat politique de France à instaurer à l'orée de la campagne pour les élections présidentielles de 2007. Peu importent les "altermondialistes" et autres "socialo-communistes" repeints en vert, jaune, les démocrates sociaux ou les sociaux démocrates, etc.

L'enjeu du débat politique est la reconnaissance ou non, une fois pour toutes, du libre arbitre de vous et moi.
C'est par suite l'acceptation ou non par le politique de sa conséquence immédiate, à savoir le refus par le citoyen de l'esclavage que lui inflige en France, de façon croissante, la classe médiatico-politique depuis, en particulier, le coup d'état de la création de l'organisation de la sécurité sociale en 1945.
Un esclavage en partie mental à propos de quoi Frédéric Bastiat n'a pas eu de mots assez durs :

" Si la spoliation arme la Force contre la Faiblesse, elle ne tourne pas moins l'Intelligence contre la Crédulité. Quelles sont sur la terre les populations travailleuses qui aient échappé à l'exploitation des théocraties sacerdotales, prêtres égyptiens, oracles grecs, augures romains, druides gaulois, bramines indiens, muphtis, ulémas, bonzes, moines, ministres, jongleurs, sorciers, devins, spoliateurs de tous costumes et de toutes dénominations?
Sous cette forme, le génie de la spoliation place son point d'appui dans le ciel, et se prévaut de la sacrilège complicité de Dieu! Il n'enchaîne pas seulement le bras, mais aussi les esprits. Il sait imprimer le fer de la servitude aussi bien sur la conscience de Séide que sur le front de Spartacus, réalisant ce qui semble irréalisable: l'Esclavage Mental.
Esclavage Mental! quelle effrayante association de mots! — Ô liberté! On t'a vue traquée de contrée en contrée, écrasée par la conquête, agonisant sous l'esclavage, insultée dans les cours, chassée dans les écoles, raillée dans les salons, méconnue dans les ateliers, anathématisée dans les temples. Il semblait que tu devais trouver dans la pensée un refuge inviolable. Mais si tu succombes dans ce dernier asile, que devient l'espoir des siècles et la valeur de la nature humaine?
(Bastiat, 1850, conclusion de Harmonies économiques, tome 1)

Et, quoique classées sous la rubrique "justice sociale", les formes récentes nouvelles, multiples de cet esclavage sont à dénoncer: elles vont de la "loi Gayssot" qui réglemente la liberté d'expression à la loi sur l'inclusion dans la Constitution du prétendu principe de précaution, défendue, entre autres, par la députée, Nathalie Kosciusko Morizet et à la "loi sur l'égalité des chances" que le présent texte a pour fond.

Quant à sa forme, le texte ci-dessous insiste sur six points, six facettes de l'infradéterminisme, qui sont les suivants:
A. L'égalité des chances : un "droit des droits à... égaux" ?
B. "Faites ce qu'on vous dit, ne dites pas ce qu'on fait".
C. Quand les infradéterministes se battent entre eux.
D. Le CPE : le dernier combat en date des infradéterministes.
E. (Ultra)libéraux, ne soyez jamais dupes des (infra)déterministes.
F. L'état de France est pris en sandwich.


A. Egalité des chances : un "droit des droits à... égaux"?

Un Projet de loi pour l'"égalité des chances", n° 2787, a été déposé le 11 janvier 2006 sur le bureau de l'Assemblée Nationale et renvoyé à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce projet complète la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 et le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes en débat au Parlement qui sont jugés concourir à la reconnaissance effective du droit à l'égalité des chances.
La Commission saisie au fond a nommé M. Laurent Hénart rapporteur le 17 janvier 2006. Son Rapport n° 2825 a été déposé le 25 janvier 2006. Et le projet amendé a été voté mi-mars 2006.

Au milieu d'un fatras de considérations hétéroclites, fondamentalement non juridiques, il est donc question en particulier dans le projet de loi de:

Articles 16, 17 et 18
Création et mode de fonctionnement de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Articles 19 et 20
Extension des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

Article 21
Possibilité d’avoir recours au « testing » pour prouver un acte de discrimination en matière pénale.

Et les pouvoirs concédés par le projet de loi à la HALDE ne peuvent que faire frémir. Toutes proportions gardées, ils rappellent ceux concédés en 1945 à l'organisation de la sécurité sociale.

Il n'empêche qu'il ne faut pas perdre de vue le fond de la démarche qui est l'acclimatation progressive à la France d'un certain "infradéterminisme réglementaire".

Après le prétendu "principe de précaution", voici donc l'"égalité des chances" sur quoi végète la loi, en attendant, selon toute vraisemblance, un projet de loi sur la "discrimination positive" à grande échelle.

«100% des gagnants du loto avaient acheté au moins un billet». Slogan bien connu, pub du Loto, mais aussi façon d'introduire l'expression pernicieuse française d’"égalité des chances" car la chance est-elle en relation avec le gain (toucher le gros lot) ou avec la démarche (avoir la capacité d'acheter le billet) ? Egalité des chances : chacun peut toucher le gros lot ou chacun peut acheter le billet ?

Tout cela n'a rien d'original. Il convient en effet de souligner qu'une législation de même esprit avait été mise en place en 1975 au Canada et à partir de 1963 aux Etats-Unis (3) pour ne pas parler de ce qui s'est passé en République Fédérale Allemande.


a) Aux Etats-Unis, au Canada et en République Fédérale Allemande.

Il y a vingt cinq ans, aux Etats-Unis ou au Canada anglophone, on parlait de "equal opportunity" (et on faisait ainsi référence à la démarche), il n'y avait pas d'ambiguïté. Et cette notion allait de pair avec l'"affirmative action" (ce qu'on dénomme en France aujourd'hui "discrimination positive"). Mais on n'avait pas mis le doigt sur le prétendu principe de précaution, invention infradéterministe française.

Le débat au Canada.
Pour illustrer le débat aux Canada, je rappellerai ces quelques lignes de Madison, G.B. (1983), "The Role of the Academic Community in Communicating the Ideas of a Free Society", in Challenging Complacency, The Fraser Institute (coll.
Focus), Vancouver, pp.59-92, pp.70-72)

"A positive defense of the ideas of a free society.
A positive defense of the ideas of a free society is the most vital of all. For notwithstanding the magnitude of the external threat to our free way of life, the greatest danger comes from within. It is not merely the military forces of the socialist block that we have to fear, nor again those subversive elements within our own society which are dedicated to its overthrow. The writers of the Virginia Declaration of Rights of 1776 stated :
"… no free government, or the blessings of liberty, can be preserved to any people but by … frequent recurrence to fundamental principles".

Through confusion and ignorance concerning these fundamental principles, we may, in a misguided "pursuit of happiness", allow ourselves to be led down what professor Hayek has so aptly termed "the road to serfdom".

The two fundamental principles of liberal democracy are freedom and equality. (19)
The great majority of our citizens subscribe to these principles. And yet the most salient, seemingly paradoxical feature of our times is that the attempts to implement these principles is leading us ever further into an illiberal state of affairs. This is because the original – and authentic – meaning of these principles has been progressively clouded over. As a result, they turn out to mean something altogether different. A prime task of educators should be to restore to them their true meaning.

Liberalism entails democracy.
Consider, for example, the principles of equality. A liberal society is not only a free society, it is also (when the term is properly understood) an egalitarian one. That is, liberalism necessarily entails democracy. (20)
"Nothing can be sweeter than liberty", Cicero remarked,
"but if it is got the same for all, it does not deserve the name of liberty" (21)
The principle of democracy is that all men are, in principle, political equals. Not only are they all equal under the law (isonomia), they are also equally free to participate in affairs of state, i.e., in the determination of the law (political freedom).(22)

If democracy is to have any substantive meaning, all must have equal chances in society. That is, of course, the principle of equality of opportunity ("la carrière ouverte aux talents"). The meaning of this principle is in the first instance negative: no one may be discriminated against. But it can, and should, be interpreted positively as well. Indeed, what it calls for and justifies are certain forms of "affirmative action" on the part of government. It is fully consistent with the basic principles of liberalism to maintain that the government of a free society should provide the more disadvantaged of its citizens with the material means of benefiting from the opportunities which by law are open to everyone (for instance, scholarships for needy students). Although this in fact means that people will be treated unequally (the material aid offered to the poor is not offered to the rich), it does not in itself violate liberal principles.

Equality of opportunity – a change of meaning.
Over the last several years, however, "affirmative action" has come to stand for policies which are thoroughly illiberal. These cannot but result in the destruction of freedom. They are suitable only to the most b enevolent of despotisms. Equality of opportunity has gradually come to be interpreted as equality of conditions of results. Governments have interpreted equality of opportunity to mean that the numbers of a minority group in any given profession should correspond to the proportion of the population as a whole. To this end they have sought to impose quotas on hiring and acceptance practices of firms and universities (the pernicious effects of "judicial activism" are particularly in evidence here).

This is fundamentally illiberal, since it violates the civil rights of others and indeed is destructive of equality of opportunity itself. This is obvious when a lesser qualified person is accepted over a more qualified one simply because the former is a member of a protected "minority group" and the latter is not ;"preferential treatment" is but another name for reverse discrimination. The consequences of this kind of "affirmative action" is that in the name of equality, individual rights are sacrificed to group privilege. The very basis of the liberal philosophy – respect for the individual qua individual – is thereby undermined. Equality of conditions or results has absolutely non place in the fabric of ideas of a free society.(23)

It is vitally important that people be educated about the true meaning of liberal principles, in this instance equality. When this understanding is lacking (as to a great extent it is today), the pursuit of our most cherished ideals will precisely produce results utterly different from those we expected.



Note.
19) Cf. R.R. Palmer '1970), The Age of the Democratic Revolution, Princeton University Press, Princeton.

20) Or as Raymond Aron puts it :
"La démocratie est l'aboutissement logique de la philosophie libérale" (Essai sur les libertés, Calmann-Levy, Paris, 1965, p.128).
For this part, von Mises remarks :
"Political democracy necessarily follows from liberalism" (
Socialism, p.165)

21) Cicero, De Re Publica/ De Legibus.

22) Speaking from a historical point of view, the Friedman's remark :
"Neither equality before God, nor equality of opportunity presented any conflict with liberty to shape one's awn life. Quite the opposite. Equality and liberty were two facts of the same basic value – that every individual should be regarded as an end in himself" (Free to Choose, Avon Books, New-York, 1981, p.129)
It is more important to note, however, that in the free society equality of opportunity can never be perfect. In point of fact, people will always be unequal as to their opportunities (even assuming that they are, in any particular case, equal as to natural endowment) due to factors such as family background and simple good luck (fortuna), factors that can be eliminated only at the cost of eliminating freedom (through the control of an all-powerful state). For a treatment of this and related issues, see Flew, A. (1981), The Politics of Procrustes: Contradictions of Enforced Equality, Prometeus Books, Buffalo. Flew observes that equality of opportunity
"would be better described as open competition for scarce opportunities. The equality here lies in the sameness of the treatment of all the competitors, in an open competition, and the only opportunity which is equal is precisely the opportunity to compete on these terms" (p.45).
Cf. also Sowell, T. (1981), Discrimination, Affirmative Action, and Equal Opportunity, The Fraser Institute, Vancouver, pp.37-63.

23) The uninhibited pursuit of equality is destructive not only of freedom but, curiously enough, of equality itself. A social-egalitarian society must be centrally planned and thoroughly controlled. But in all such societies the individual, qua individual, would by technocratic necessity, count for nothing (individualism in such a society is in fact, as Mao insisted and as any serious-minded technocrat would say, the greatest of social vices). In such a society there would exist a fundamental political inequality among its members. There would be a vast gap between the Planners or Experts, on the one hand, and the simple citizens, on the other (there would be, in fact, be no such thing as citizens, in the proper sense of the term). In the name of social equality, people are made politically unequal.
When Lenin asked
"Who is to equalize the equalizers ?"
he was asking a hopeless action.

The words of George Orwell in Animal Farm describe perfectly the inherent absurdity of socialist equality :
"All animals are equal, but some are more equal than others".

(Hayek observes:
"Full equality for most cannot but mean the equal submission of the great masses under the command of some elite who manages the affairs. While an equality of rights under a limited government is possible and an essential condition of individual freedom, a claim for equality of material position can be met only by a government with totalitarian powers" - Law, Legislation and Liberty, vol.
II, University of Chicago Press, Chicago, 1978, p.83)


Le débat en R.F.A.
S'agissant de la situation en R.F.A., je rappellerai ce qu'a écrit en 1989 Hans-Hermann Hoppe sur la notion de "Equality of opportunity" dans son chapitre 4 intitulé "Le socialisme, style social-démocrate"(4), pp.57-65

[…] C'est sans aucun doute lorsqu'on choisit la troisième approche redistributive qu'on atteint le plus haut degré de politisation active.
Son but, de plus en plus prééminent pour la social-démocratie, est d'atteindre l'égalité de chance. [en anglais, opportunity] (17)
L'idée est de créer, en employant des mesures redistributives, une situation dans laquelle la chance [en anglais, chance] pour chacun d'atteindre n'importe quelle situation (de revenu) possible au cours de sa vie serait égale —tout à fait comme dans une loterie où chaque billet a la même chance d'être gagnant ou perdant —.
Elle est de plus d'avoir un mécanisme correcteur qui aide à rectifier les situations de "malchance [en anglais, bad luck] (quelque sens qu'on puisse donner à cela) imméritée" qui pourraient se produire au cours de ce processus aléatoire continuel.

Prise au pied de la lettre, bien sûr que l'idée est absurde: il n'existe aucun moyen d'"égaliser les chances" [en anglais, opportunity] entre quelqu'un qui vit dans les Alpes et quelqu'un qui vit au bord de la mer.
Quant à l'idée d'un mécanisme correcteur, elle est tout simplement en incohérence avec celle d'une loterie. Pourtant, on doit convenir que c'est précisément ce degré élevé de confusion et de vague qui contribue à rendre populaire le concept.

Ce qu'est une "chance" [en anglais, opportunity] , ce qui rend une chance différente ou identique, moins bonne ou meilleure, quelle compensation il faut et sous quelle forme pour "égaliser les chances" [en anglais opportunities] dont on avoue qu'elles ne peuvent pas l'être physiquement (comme dans le cas des Alpes et du bord de la mer), ce qu'est une "malchance imméritée" et ce qui la rectifierait, voilà des questions totalement subjectifs. Elles dépendent d'évaluations subjectives, sont variables et —si on prend au sérieux le concept d'"égalité de chance"— il y a un inépuisable réservoir de toutes sortes d'exigences de redistribution, pour toutes sortes de raisons et pour toutes sortes de gens.

Il en est ainsi, en particulier, parce qu'"égaliser la chance" [en anglais, equalizing opportunity] est en incohérence avec les demandes de différences dans le revenu monétaire ou la richesse privée.
Untel et Tartempion peuvent bien avoir le même revenu et être également riches, mais Untel peut être noir, ou une femme, ou avoir mauvaise vue, ou habiter le Texas, ou avoir dix enfants, ou n'avoir pas de mari, ou avoir plus de 65 ans, alors que Tartempion peut n'être rien de tout cela mais quelque chose d'autre, et par conséquent Untel pourrait bien affirmer que ses chances d'arriver à quelque chose —n'importe quoi— dans la vie sont différentes de celles de Tartempion, et qu'il a "droit" à une compensation conséquente, de manière à ce que leurs revenus monétaires, auparavant les mêmes, soient désormais différents. Quant à Tartempion, naturellement, il n'a qu'à inverser l'évaluation des "chances" que cela implique pour avoir exactement la même exigence dans l'autre sens.
La conséquence est qu'un degré inouï de politisation s'ensuivra. Tout semble désormais équitable, et les producteurs comme les non-producteurs, les premiers pour des raisons défensives et les seconds pour des raisons agressives, seront conduits à passer de plus en plus de temps à avancer, réfuter ou combattre des exigences de redistribution.
Et bien entendu, cette activité n'est pas seulement non productive comme le sont les loisirs mais, en opposition nette au plaisir du loisir, elle implique de perdre du temps pour la seule raison de mettre réellement en pièce la jouissance sereine du patrimoine produit aussi bien que sa nouvelle production.

Mais non seulement promouvoir l'idée d'"égaliser la chance" [en anglais, opportunity] ne fait pas que stimuler la politisation accrue (au-delà du niveau généralement impliqué par les autres formes de socialisme). Il y a une fois de plus, et c'est peut-être un des traits les plus intéressants du nouveau socialisme social-démocrate si on le compare à sa forme marxiste plus traditionnelle, qu'elle imprime à ce genre de politisation un caractère nouveau et différent.
Dans toute politique de redistribution, il doit y avoir des gens pour la promouvoir et la défendre. Et normalement, quoiqu'il n'en soit pas exclusivement ainsi, ce sont qui en profitent le plus qui le font. Ainsi, dans un système d'égalisation du revenu et du patrimoine, comme dans celui d'une politique de revenu minimum, ce sont principalement les "démunis" qui sont les "supporters" de la politisation de la vie sociale.

Etant donné qu'en moyenne ils se trouvent faire partie de ceux dont les capacités intellectuelles et notamment verbales sont relativement faibles, cela conduit à une vie politique qui manque pour le moins singulièrement de raffinement intellectuel [cf. ci-dessous remarque de F. Guillaumat]. En gros, la politique tend à être parfaitement ennuyeuse, stupide et atterrante, aux dires mêmes d'un nombre considérable de "démunis".

D'autre part, et si on adopte l'idée d'"égaliser la chance", [opportunity] les différences de revenu monétaire et de patrimoine peuvent exister et même devenir tout à fait prononcées, pourvu qu'on puisse les justifier par quelques "écarts" sous-jacents dans la structure de chance [opportunity] , que les inégalités susmentionnées seraient là pour compenser.

A cette sorte de politique-là, les "dotés" peuvent eux aussi participer. En fait, comme ils sont en général ceux qui parlent le mieux, et comme la tâche de définir les chances comme meilleures ou pires est essentiellement un des pouvoirs rhétoriques de persuasion, c'est exactement le jeu à quoi ils jouent.
Ainsi, les dotés deviennent-ils la force dominante pour soutenir le processus de la politisation.
Ce seront de plus en plus des hommes issus de leurs rangs qui accéderont au sommet de l'appareil socialiste et changeront en conséquence l'aspect et le discours de la vie politique sous le socialisme. Elle deviendra de plus en plus intellectualisée, changeant ses moyens de séduction pour attirer de nouveaux types d'adhérents...

L'exemple le plus instructif, pourrait être fourni par la République Fédérale Allemande. (18)
Entre 1949 et 1966 elle avait un gouvernement libéral-conservateur qui faisait preuve d'un attachement remarquable aux principes de l'économie de marché, même s'il y avait dès le départ une dose considérable de protectionnisme socialiste-conservateur et si cet élément devait croître dans le temps. En tous cas, pendant cette période, la République Fédérale Allemande fut certainement le pays le plus capitaliste de toutes les grandes nations européennes. Le résultat fut qu'elle devint la société la plus prospère d'Europe, avec des taux de croissance qui surpassaient ceux de tous ses voisins.

Jusqu'en 1961, des millions de réfugiés allemands, et ensuite des millions de travailleurs étrangers venus des pays d'Europe du sud s'intégrèrent dans son économie en croissance, alors que le chômage comme l'inflation y étaient presque inconnus.
Puis, après une brève période de transition, de 1969 à 1982 (presque une durée égale) une coalition des socialistes et des "libéraux" prit le pouvoir, dirigée par les sociaux-démocrates. Elle augmenta considérablement les impôts et les "cotisations" de "sécurité sociale", augmenta le nombre des fonctionnaires et la masse d'argent public allant aux programmes sociaux existants, en créa de nouveaux, et accrut substantiellement les dépenses pour toutes sortes de prétendus "biens publics", soi-disant pour "égaliser les chances" [opportunities] et accroître la "qualité de la vie" globale.
Par le biais d'une politique keynésienne de déficit budgétaire et d'inflation non anticipée, on put retarder pendant quelques années les effets d'un accroissement des prestations "sociales" minimum garanties aux non-producteurs aux dépens des producteurs plus lourdement taxés. Le slogan de politique économique du Chancelier Helmut Schmidt était à l'époque : "plutôt 5 % d'inflation que 5 % de chômage".

Ces effets ne devaient pourtant en être que plus spectaculaires puisque l'inflation de crédit non anticipée avait créé et prolongé un sur- ou plutôt un mal-investissement typique de ce genre de politique.
En conséquence, il n'y eut pas seulement beaucoup plus que 5 % d'inflation : le chômage augmenta constamment jusqu'à atteindre 10 %. La croissance du PNB se ralentit de plus en plus jusqu'à ce qu'il décline en termes absolus pendant les dernières années de la période.
A la place d'une économie en expansion, on vit baisser le nombre absolu des personnes employées. On exerça des pressions croissantes sur les travailleurs étrangers pour leur faire quitter le pays et renforça constamment les barrières contre l'immigration. Pendant tout ce temps, l'économie souterraine croissait constamment en importance.

Il ne s'agit cependant ici que des effets "économiques" au sens étroit, les plus évidents.
Il y en eut d'autres, de nature différente, et dont l'importance fut en fait plus durable.
Avec la nouvelle coalition socialiste-"libérale", l'idée d'"égaliser la chance" fut mise sur le devant de la scène idéologique. Et comme nous l'avons prédit à partir de l'analyse théorique, ce fut en particulier la diffusion officielle du slogan "Mehr Demokratie wagen" ("risquer plus de démocratie") -, au début l'un des slogans les plus populaires de l'ère Willy Brandt) - qui conduisit à un degré de politisation jusqu'alors inconnu.

On avançait toutes sortes de réclamations au nom de l'"égalité de chance" et il n'y eut guère de domaine de l'existence, de l'enfance jusqu'à la vieillesse, des loisirs aux conditions de travail, qui ne fût examiné avec ferveur pour découvrir quelles différences il recelait pour différentes personnes en ce qui concerne les "chances" définies comme pertinentes.

Inutile de dire que de telles "chances" et de telles "différences", on en découvrait constamment (19) ; en conséquence, le royaume de la politique semblait s'étendre presque tous les jours. "Tout est politique", entendait-on dire de plus en plus souvent.

Pour rester à la hauteur de ces changements, il fallut aussi que les partis politiques changeassent à leur tour. Le parti social-démocrate en particulier, traditionnellement parti d'ouvriers, dut mettre au point une nouvelle image.

Comme l'idée d'"égaliser la chance" se développait, il devint de plus en plus, comme on aurait pu le prévoir, le parti de l'intelligentsia (du verbe), des sociologues et des enseignants. Et comme pour prouver qu'un processus de politisation sera principalement animé par ceux qui sont le mieux à même de profiter de ses distributions, et que la tâche de définir les chances est essentiellement arbitraire et affaire de pouvoir rhétorique, ce "nouveau" parti s'attacha principalement à mobiliser les diverses énergies politiques mises en branle dans le projet d'égaliser par-dessus tout les chances en matière d'éducation.

En particulier, ils "égalisèrent" les chances d'aller au lycée puis à l'université, non seulement en offrant les services en question sans les faire payer mais en distribuant littéralement de l'argent aux étudiants pour qu'ils y aillent. Cela n'augmenta pas seulement la demande d'éducateurs, d'enseignants et de sociologues, qu'il fallut naturellement payer par l'impôt.
De manière assez ironique pour un parti socialiste qui prétendait qu'égaliser les chances à l'école impliquerait un transfert de revenu des riches vers les pauvres, cela revint aussi à une subvention payée aux plus intelligents aux dépens des moins intelligents, forcés de payer l'impôt. Et, dans la mesure où il y a plus de gens intelligents dans les classes moyennes et supérieures que chez les autres, il s'agit d'un transfert forcé des pauvres vers les riches. (20)
Mené par un nombre croissant d'"enseignants" payés par l'impôt et tenant sous leur coupe un nombre croissant d'étudiants, ce processus de politisation eut l'effet qu'on pouvait prédire : on assista à un changement dans la mentalité des gens.
De plus en plus, on considéra qu'il était parfaitement normal de satisfaire toutes sortes de besoins par des moyens politiques, et d'invoquer de prétendus "droits" sur d'autres personnes supposées mieux loties et sur leur propriété. Pour toute une génération élevée pendant cette période, il devint de moins en moins naturel de songer à améliorer son sort par l'effort productif et par l'engagement contractuel.

Ainsi, quand la crise économique provoquée par cette politique distributive fut bel et bien là, les gens étaient plus mal équipés que jamais pour la surmonter, parce qu'au cours de la même période, cette politique avait précisément affaibli les compétences et les talents dont on avait alors le plus besoin.

Ce qui est instructif c'est que lorsque le gouvernement social-démocrate fut chassé en 1982, principalement parce que ses résultats économiques étaient évidemment lamentables, l'opinion prévalait encore qu'on devait résoudre la crise non en éliminant ses causes, à savoir le gonflement des prestations minimum en faveur des non-producteurs ou non contractants, mais par une autre mesure redistributive: en égalisant par la force le nombre d'heures de travail disponible entre les personnes employées et les chômeurs. Conformément à cet état d'esprit, le nouveau gouvernement conservateur-libéral ne fit pas non plus davantage que ralentir le taux de croissance de la fiscalité.


Références bibliographiques.
17. A representative example of social-democratically inclined research on equality of opportunity, in particular regarding education, is C. Jencks, and others, Inequality, London, 1973; the increasing prominence of the idea of equalizing opportunity also explains the flood of sociological studies on “quality of life” and “social indicators” that has appeared since the late 1960s. Cf., for instance, A. Szalai and F. Andrews (eds.), The Quality of Life, London, 1980.

18. On the following cf. also R. Merklein, Griff in die eigene Tasche, Hamburg, 1980; and Die Deutschen werden aermer, Hamburg, 1982.

19. Cf. as a representative example, W. Zapf (ed.), Lebensbedingungen in der Bundesrepublik , Frankfurt/M., 1978.
20. Cf. on this A. Alchian, “The Economic and Social Impact of Free Tuition” in: A. Alchian, Economic Forces at Work, Indianapolis, 1977.


Remarque de François Guillaumat sur le point souligné.

Une autre conséquence possible - et peut-être plus probable - du fait que, comme le disait Reiser, le dessinateur humoristique : "les pauvres sont des cons",

serait que les pauvres en question se feront constamment gruger, de sorte que le seul égalitarisme des résultats soit suffisant pour qu'on se retrouve avec une structure redistributive qui vole les pauvres au profit de beaucoup plus riches qu'eux.
Il est en effet parfaitement possible que la redistribution politique vole les pauvres comme au coin d'un bois alors qu'ils croient en profiter : rien n'est plus facile que d'énumérer des politiques qui volent les pauvres au profit des riches alors que les politiciens prétendent - et que l'opinion croit dur comme fer - que c'est l'inverse.
Outre la pseudo-gratuité de l'enseignement supérieur, c'est aussi le cas de la retraite par répartition, du salaire minimum, du protectionnisme agricole, du logement dit "social", des subventions aux transports en commun...
Pour des exemples américains, cf. David Friedman (1991) "Robin des Bois est un vendu" dans Vers une société sans Etat, les Belles Lettres, Paris.


b) Un quart de siècle plus tard, en France.

Bref, avec vingt cinq ans de retard sur la pensée unique des Etats-Unis (dénoncée dès 1965 par Ayn Rand) ou celle du Canada ou celle de R.F.A., l’"égalité des chances" devient un concept-clé de la pensée unique française comme l'a souligné Jacques Garello dans La Nouvelle Lettre du 14 janvier 2006.

'Ce fidèle croyant ne cessait d’implorer Dieu pour toucher le gros lot. En vain, et il s’en désespérait au point d’en vouloir à son Créateur. Finalement, Dieu eut la bonté de lui expliquer ce qui se passait : « Pour gagner tu devrais commencer par acheter des billets »'.
Cette histoire triviale maintes fois racontée pose clairement le problème de l’égalité des chances : la chance se mesure-t-elle au résultat (toucher le gros lot) ou à la démarche (risquer le prix d’un billet) ?

Persuadés que les émeutes [de novembre 2005 dernier] n’ont d’autre cause que l’injustice sociale, sans doute créée par les gouvernants antérieurs, ou la mondialisation, ou l’ultra-libéralisme, nos gouvernants s’occupent très activement de l’égalité des chances, et préparent des mesures allant de la discrimination positive au « testing » pour donner à tous les Français des chances égales. Mais égales en quoi ?

L’égalité des chances est une expression si ambiguë qu’elle peut mener au meilleur ou au pire. Je vous propose de mettre un peu d’ordre dans ce concept-clé de la pensée unique.

L’égalité la plus fondamentale entre les hommes est sans doute liée au fait qu’ils sont des êtres humains, et que par nature ils ont une dignité et une vocation que ne possède aucune autre espèce. Les croyants professent qu’il en est ainsi parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu, les autres pensent au moins que quelque chose sépare l’homme de l’animal – même si les darwinistes font de l’homme un animal supérieur. L’égalité en dignité interdit ce qui dénature l’être humain, et accompagne son épanouissement personnel.

Cette égalité fondamentale et personnelle prend corps avec l’égalité des droits. Ce qui sépare une société barbare d’une société civilisée, c’est que des règles sociales sont établies et respectées pour garantir les droits individuels qui permettent à l’homme de vivre dignement.
Dans le Décalogue, dans la tradition libérale, et dans les premières déclarations des droits, ces droits universels sont le droit à la vie, à la liberté, à la propriété. L’égalité des droits donne à chacun la chance de mener sa vie en toute dignité, parce que nul ne peut attenter à sa vie, nul ne peut le réduire en esclavage, nul ne peut lui voler le fruit de sa propre création.

Les choses se compliquent quand, au XXème siècle, les droits individuels se gonflent des droits sociaux. Voilà maintenant que la dignité de l’être humain exigerait certaines conditions de vie, et que la société devrait veiller à les assurer.
Alors que jusqu’à présent la dignité consistait à être libre d’agir sans craindre ni pour soi ni pour ses biens, voici qu’on présente de nouvelles exigences : qui pourrait vivre dignement sans éducation, sans travail, sans logement, sans soin, sans culture ? La société se devrait d’apporter cet environnement indispensable à l’épanouissement de l’être humain.

Ce faisant on a oublié trois évidences.
La première c’est que ces choses merveilleuses peuvent être obtenues par l’action humaine elle-même, chacun pouvant se sentir désireux et responsable de son éducation, de son travail, etc. Il y a une différence de nature entre les « droits de » (où l’individu reste maître de son action) et les « droits à » (où l’individu attend tout de la société).
La deuxième évidence, c’est que la « société » est une vague entité, qui va en fait s’incarner dans le pouvoir politique, dans l’Etat, de sorte que l’on débouche sur l’Etat Providence.
La troisième évidence, c’est que les individus ont du mal à conserver leurs droits individuels face à un pouvoir politique qui doit leur prodiguer des droits sociaux. Les droits sociaux finissent par tuer les droits individuels, au lieu de les compléter. Marx distinguait liberté formelle et liberté réelle. Mais les régimes marxistes ont tué toute liberté au prétexte de garantir la liberté réelle.

De fil en aiguille, on en est finalement venu à l’égalité des conditions, à l’égalité des résultats, quelles que soient les actions individuelles, quels que soient les mérites ou les vices de chacun. La chance porte un nom nouveau : l’Etat Providence. L’égalité des chances, c’est l’égalité devant les bienfaits de la société.
Dans cette logique, l’échec n’est pas admissible, l’inégalité est scandaleuse. Aujourd’hui l’égalité des chances est une forme d’envie (avoir tout ce qu’ont les autres), une forme d’incurie (avoir tout sans rien devoir à personne, faire n’importe quoi), une forme de folie vengeresse (« les ratés ne vous rateront pas », disait Céline). Le droit à l’éducation se transforme en échec scolaire : point besoin d’aller à l’école pour vivre. Le droit au travail ouvre droit aux indemnités de chômage. Le droit au logement justifie la dégradation des HLM et la destruction des demeures particulières. Le droit à la santé dispense de toute discipline de vie. Où est la nouvelle dignité apportée par cette égalité des chances ? Comment la liberté peut-elle exister sans responsabilité ?

Le ministre me répond qu’il y a des entreprises et des institutions qui n’offrent pas leurs chances à ceux qui ne sont pas Français depuis la cinquième génération. Personnellement seul mon père était Français, je suis donc en France dans la même situation que les jeunes beurs nés sur le sol français de parents maghrébins. Cherchez la différence ! Il y a seulement cinquante ans l’ascenseur social fonctionnait, parce que le travail, le talent, le respect des autres, l’honnêteté étaient encore des facteurs d’épanouissement personnel et de promotion sociale.

Messieurs les ministres, restaurez ces valeurs et vous verrez renaître l’égalité des chances, la vraie : l’égalité en dignité et en droits naturels. Et cessez de ne rêver que plaies et bosses, de dresser les communautés les unes contre les autres, de voir la lutte des classes partout ou sous toutes formes. Il est vrai qu’on vous a appris que pour régner il faut diviser. Pour l’instant vous divisez, régnerez-vous longtemps ? "

L'important à remarquer est aussi que, dans tous les cas, tout est déterminé dans le jeu à quoi donne lieu en définitive l'"égalité des chances". En particulier, et implicitement, les êtres humains sont envisagés comme des éléments d'une société que ceux qui véhiculent la notion prétendent connaître dans les moindres détails, en termes de gains ou d'occasions de gains.


c) Egalité des chances dans le jeu ?

Encore faut-il que le jeu ne soit pas interrompu en cours de partie.
Mais l'interruption est un problème sur quoi Blaise Pascal s'est penché au XVIIè siècle et à quoi il a donné des méthodes de résolution. On reste dans le déterminisme.

Encore faut-il que le jeu ne connaisse pas d'autres issues que son "bon" fonctionnement ou son interruption.
Il en sera ainsi si l'ensemble de règles - qu'en définitive recouvre la dénomination "jeu" - est connu avec certitude par les joueurs et n'est pas susceptible de changer ; dans ce cas, ceux-ci savent qu'ils jouent au même jeu. On est toujours dans le déterminisme.

Si les règles sont mal connues des joueurs, si ceux-ci les ignorent en partie et confondent par exemple une découverte de règle avec un changement de l'ensemble des règles, une issue inattendue pourra survenir. Et cette absence d'attente de l'issue en question exclut de parler d'une façon entendue des chances et a fortiori de les comparer et de dire leur égalité. L’expression "égalité des chances" n'a plus de sens.

L'action quotidienne de l'être humain, sa vie en société, est peut-être analogue à un jeu avec ses semblables, comme certains l'imaginent depuis l'émergence de la "théorie des jeux" dans la décennie 1945.
Mais le jeu que "Untel" joue avec ses semblables est différent du jeu que joue "Tartempion" avec ses semblables (au nombre desquels il y a "Untel") à cause de l'ignorance de chacun (en particulier l'ignorance sur les règles) et parce que les règles lui donnent l'impression de n'être pas les mêmes en permanence.
Dans ce "jeu" non déterministe, ultralibéral, qu'est la "vie en société", l'égalité des chances est donc l'"expression sans signification" signalée plus haut … sauf à ce que ceux qui l'emploient veuillent réduire par la contrainte le libre arbitre de chacun au point d'empêcher l'inattendu de se réaliser, sauf à ce qu'ils veuillent transformer la vie en société en "jeu d'argent balisé par leurs soins", transformant l'"Etat providence" en "Etat croupier".
Dans cette perspective, et à supposer qu'ils réussissent dans leur entreprise d'infradéterminisme réglementaire, l'expression acquérra la signification déterministe. Et la démarche suivie pâraîtra logique car elle ne fera que renforcer l'infradéterminisme réglementaire enclenché avec l'instauration du prétendu "principe de précaution". Le troisième élément à en attendre sera la généralisation de la "discrimination positive".

Mais l'entreprise ne pourra qu'échouer. Et pour autant qu'elle est en route, il faut faire en sorte que son coût soit le plus faible possible en informant et en expliquant.


B. "Faites ce qu'on vous dit, ne dites pas ce qu'on fait".

Dans un peu plus d'un an, il devrait y avoir en France une élection au terme de laquelle sera élu un Président de la République.

A supposer que l'expression "égalité des chances" ait une signification pour le "marché du travail", ce qui est pour le moins discutable, on s'attendrait à ce qu'elle préside au sort des candidats qui se présenteront à la "magistrature suprême" – comme certains disent -, bref au sort du "marché politique".

Mais il n'en est rien. Un décret émanant du gouvernement qui pousse le projet de loi sur la sacralité en question, actuellement en discussion au Parlement, suffit à montrer son non respect pour la chose et, en définitive, à la vider du peu de réalité qu'on aurait pu finir par lui donner par inadvertance.

En effet, un décret publié au Journal officiel du 31 janvier 2006 a défini les aides publiques attribuées aux partis politiques pour l’année 2006: 42 partis ou groupements politiques "se partageront" un butin de 73 millions d’euros (i.e. 500 millions de francs)(5).


Certes, il y a trois ans un décret paru au Journal Officiel du 7 mai 2003 avait fixé le montant du butin attribué aux partis politiques par l'Etat pour l'année 2003 au même montant (73,2 millions d'euros). Mais 66 partis ou groupements politiques - dont 34 en Outre-mer- devaient se le partager.

Dont acte, puisque depuis mars 1988 (où caracolait alors au sommet de l'Etat le tandem Mitterrand-Chirac) et la loi relative à la transparence financière de la vie politique et surtout depuis janvier 1995 (on était passé au tandem Mitterrand-Balladur) et l'interdiction des dons des personnes morales à des partis politiques, le financement de ces derniers se fait sur le dos des contribuables.

Il n'y a plus désormais pour une personne morale (parti politique excepté) liberté de financer un parti ou groupement politique comme elle veut, il y a interdiction. A fortiori aucune association de financement ou aucun mandataire financier d'un parti politique ne peut recevoir, directement ou indirectement, des contributions ou aides matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger (cf. rapport du Sénat).

Il est à remarquer au passage que ni la Constitution, ni la loi n'ont défini la notion de parti politique avec précision. L'article 4 de la Constitution affirme « qu'ils concourent à l'expression du suffrage » et « qu'ils forment et exercent leur activité librement ».
Mais la loi n°88-227 précitée leur reconnaît la personnalité morale.
Les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat ont donc précisé cette notion, considérant comme parti politique, au sens de la loi du 11 mars 1988, la personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique :
- si elle a bénéficié de l'aide publique ;
- ou si elle a régulièrement désigné un mandataire financier ;
- et si elle a déposé des comptes certifiés par deux commissaires aux comptes auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP (6)).

S'agissant des personnes physiques, il est à remarquer que leurs dons qui doivent être versés à un ou plusieurs mandataires financiers d'un même parti politique ne peuvent excéder 7.500 euros ; et tout don de plus de 150 euros doit être versé par chèque.

"Egalité des chances" ?
On se serait attendu en 2003 à ce que chacun des 66 "élus" reçût un soixante sixième du butin. On s'attendrait aujourd'hui à ce que chacun des 42 "élus" en reçoive un quarante deuxième. Et cela parce qu'on laisse de côté ceux qui n'ont pas été retenus cette fois par la CNCCFP, à savoir 19 formations politiques essentiellement d’Outre-mer au prétexte qu'elles n'auraient "pas satisfait à leurs obligations comptables" dans le passé.

Eh bien non ! Le partage du butin s’effectue selon plusieurs critères autres, au nombre desquels ne figure même pas l'imposture "égalité des chances", qu'en conséquence celle-ci ne vient pas pondérer. Comme critères, il y a en particulier le "nombre de candidats présentés par les partis", le "nombre d’élus obtenus au Parlement" et le "respect - ou non - de la parité homme/femme", sacrés critères.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, avec 580 élus (466 hommes et 114 femmes), l’UMP se taille la part du lion: elle obtient 32,2 millions d’euros (i.e. plus de 200 millions de francs !).
Viennent ensuite et par ordre décroissant des parts du butin reçues :
* l’association parti socialiste, radicaux-socialistes et apparentés (20 millions d'euros, près de 130 millions de francs),
* le FN (9 millions d'euros, 60 millions de francs),
* le PC (3,8 millions d'euros),
* les Verts (2,2 millions d'euros),
* etc.

Il y a trois ans, avec 526 élus, l'UMP avait obtenu de même la part du lion, 33,4 millions d'euros. Mais elle avait reçu aussi une pénalité financière de presque 4 millions d'euros pour le non respect de la loi sur la parité homme/femme.
Venaient ensuite :
* l'association PS-PRG avec 19,6 millions d'euros (235 élus),
* le FN avec 4,6 millions d'euros (sans élus aux deux chambres du Parlement),
* l'UDF avec 4,3 millions d'euros (61 élus),
* le PCF avec 3,7 millions d'euros (41 élus),
* etc.

Bref, le politiquement correct actuel veut instaurer l'"égalité des chances" sur le "marché du travail" déjà très réglementé par ses soins alors qu'il ne se soucie pas de son existence éventuelle sur le "marché politique" qu'il a en vérité taillé à ses dimensions depuis ces lois de 1988 et de 1995. De qui se moque-t-il ?

Qu'il ne sorte surtout pas l'antienne selon laquelle l'élection présidentielle est l'élection d'un individu indépendant – qui sera remboursé de ses frais s'il dépasse certaine barre arbitraire de nombre de voix - "face au peuple", et non pas celle d'un représentant d'un parti.
"Le fil est trop gros" quand on n'oublie pas, d'une part, qu'il doit recueillir au moins 500 signatures de personnes privilégiées (maire, etc.) réparties dans un certain nombre de départements pour avoir non pas la chance, mais le droit de se présenter à l'élection et, d'autre part, que surtout les partis engagent des sommes considérables au moment des campagnes électorales, comme l'illustrent les frais de campagne exposés par les trois principaux candidats à la dernière élection présidentielle de 2002 :
Jacques Chirac : dépenses de 18 millions d'euros (120 millions de francs), finalement faibles comparées au butin annuel reçu par le parti sous-jacent,
Lionel Jospin : dépenses de 12,5 millions d'euros (80 millions de francs), i.e. inférieures au butin annuel reçu par le parti sous-jacent,
Jean-Marie Le Pen : dépenses de 12 millions d'euros, i.e. largement supérieures au butin annuel reçu par le parti sous-jacent.

Quel quidam dispose en France d'une telle fortune pour la dépenser ou la mettre en caution?
Lequel serait prêt à la perdre - dans le cas où il n'aurait pas la chance d'atteindre les barres de remboursement arbitrairement fixées par les verrouilleurs du marché politique -?
Qui a des chances de s'endetter pour de telles sommes ?
Le marché financier serait-il simplement prêt à prêter aveuglément ?
Oui, au pays d'Alice, celui des Merveilles.

Il faut reconnaître qu'à "faites ce qu'on vous dit, ne dites pas ce qu'on fait" que lui assène implicitement le "politiquement correct" dans ce débat sur l'illusion de l'"égalité des chances", l'(ultra)libéral ne peut que rétorquer à haute et intelligible voix : "laissez faire".

Surtout quand son libre arbitre est en définitive l'enjeu - comme dans le cas présent - et se trouve ainsi mis en danger par un des nouveaux oripeaux de son antique ennemi, le déterminisme - lui-même caché depuis par le vieux communisme du XIXè siècle -, à savoir l'"égalité des chances".


C. Quand les infradéterministes se battent entre eux.

En 1944, Ludwig von Mises a expliqué dans Le gouvernement omnipotent (7) qu'en tant que concept, l'"égalité de revenu" était, en ce qui concerne les affaires intérieures, la caractéristique de l'étatisme dans un pays (pp.400-401).

Il s'avère que, soixante plus tard, en France, l'étatisme se vêt d'un oripeau que ses tailleurs veulent original : l'"égalité des chances".

L'étatisme va-t-il changer de nature pour autant ?

Comme l'a souligné Mises, les "progressistes" considéraient que la véritable liberté tenait dans l'égalité du revenu.
Bien que Mises n'ait pas cité son nom, on reconnaîtra dans le propos une dénaturation de l'idée d'Alexis de Tocqueville – oh combien discutable – selon laquelle il y a à la base de la liberté l'égalité. Je n'y insiste pas.

Car beaucoup plus important est la réponse à la question du changement de nature de l'étatisme en France.
Non, il n'y a pas changement de nature, seulement changement d'oripeau: le changement d'oripeau ne saurait avoir des répercussions sur la nature, le clown reste un être humain.
Les étatistes abandonnent "seulement" désormais la condition de la certitude qui était sous jacente à l'"égalité du revenu" et lui substituent la condition de l'incertitude : on ne saurait parler de "chances" dans un contexte de certitude et, a fortiori d'"égalité des chances".

Pendant longtemps, les étatistes ont refusé le principe d'incertitude de l'être humain sur la réalité où il vit et dont il est un élément. Ils se sont même efforcés d'interdire les "jeux d'argent" ou dits "de hasard" qui, de fait, en résultaient.
Puis à défaut de les interdire - c'était trop coûteux ... à "gérer" -, ils ont compris qu'ils avaient plus à gagner à s'en faire donner par le législateur le monopole - et aujourd'hui encore, dans le cadre de l'Union européenne, ils se battent becs et ongles pour en conserver le monopole -.
Comme pour faire bonne figure, en contrepartie, ils ont étatisé des compagnies d'assurance et créé l'organisation de la sécurité sociale. Par construction, la Sécurité sociale exclut de prendre en considération les risques des gens, leurs chances de perte: elle prend aux uns pour donner aux autres en se servant au passage, un point c'est tout.

Pendant longtemps, il en a été de même des économistes à leur solde. Les théories économiques étaient développées sur la base de l'hypothèse plus ou moins implicite de la certitude.
Et en 1850, Bastiat a écrit :

"[…] à l'origine des sociétés, l'aléatoire règne pour ainsi dire sans partage ; et je me suis étonné souvent que l'économie politique ait négligé de signaler les grands et heureux efforts qui ont été faits pour le restreindre dans des limites de plus en plus étroites" (Bastiat, 1850) (8)

Longtemps encore après le propos de Bastiat, l'économie politique - devenue sciences économiques, théorie de l'équilibre économique général, théorie microéconomique, théorie macroéconomique, économie mathématique, économie industrielle, théorie des organisations, etc. - a pu être l'objet de la même constatation car l'aléatoire, l'incertitude ou, plus généralement, l'ignorance de la personne étaient laissés de côté par les économistes.
Atteste de la pérennité de ce qu'a écrit Bastiat ce qu'ont écrit, plus d'un siècle plus tard, par exemple, Kenneth Arrow en 1962:

"The role of the competitive system in allocating uncertainty seems to have received little systematic attention." (Arrow, 1971, p.142) (9)

"The first studies I am aware of are Allais (1953) and Arrow (1953). The theory has received a very elegant generalization by Debreu (1959, chap.7)".
(ibid., p.142n)

et en 1975 Edmond Malinvaud:

"Jusque vers 1950, on pouvait objecter aux théories de l'équilibre et de l'optimum de négliger ainsi un aspect fondamental du monde dans lequel nous vivons. Il était alors difficile de savoir dans quelle mesure l'hypothèse simplificatrice d'absence d'incertitude affectait la portée des résultats obtenus. Grâce aux progrès récents de la théorie des décisions en face du risque cette importante lacune a pu être comblée en grande partie". (Malinvaud, 1975, p.287) (10)

Depuis seulement une vingtaine d'années, les économistes rétifs à l'incertitude ont donc été dressés.

Mais il y a incertitude et incertitude. Il y a essentiellement "incertitude déterministe" et "incertitude non déterministe" (synonyme d'"ignorance").

Exemple d'incertitude déterministe : le jeu de dé. Quand vous lancez un dé, vous êtes certain que 1, 2, 3, 4, 5 ou 6 sortira. Vous êtes certain que 13 ne sortira pas. Le jeu de dé est une concrétisation de l'incertitude déterministe. De fait, tous les "jeux d'argent ou de hasard" sont des jeux à incertitude déterministe.

Exemple d'incertitude non déterministe : la firme. Quand Bill Gates et ses amis ont créé "Microsoft" en 1975, ils n'étaient pas certains que la firme aurait les profits et l'avenir qu'on sait aujourd'hui. Ils ignoraient en particulier qu'un jour, la Commission de l"Union européenne" – qui n'existait pas alors – ferait un procès à Microsoft au prétexte de "pratique anticoncurrentielle". Une firme est une concrétisation de l'incertitude non déterministe, d'une "certaine ignorance" – pardonnez-moi l'oxymoron -. De fait, toutes les firmes sont des jeux à incertitude non déterministe.

Dans un jeu à incertitude déterministe, on peut parler d'"égalité des chances" si on a même "chance" de sortir l'événement qu'on a choisi, sur quoi on a parié (dans le lancement d'un dé, le "1", le "2", le "3", etc.).

Dans un jeu à incertitude non déterministe, c'est une absurdité de s'exprimer ainsi.

A supposer que les étatistes donnent une signification aux mots qu'ils emploient pour désigner les choses, il faut voir dans l'"égalité des chances" le sommet d'un iceberg, celui du vaste jeu à incertitude déterministe qu'ils ont la prétention de nous imposer par l'intermédiaire du législateur et de son vote de la "loi sur l'égalité des chances" (et les organismes qu'ils instituent dans la foulée comme la H.A.L.D.E.).

Ce jeu sera beaucoup plus pernicieux que le déterminisme d'hier qu'était l'"égalité de revenu" car en définitive peu de gens croyaient à la baudruche… Et on a vu ce qu'il en est advenu.

Avec le mot "chance" d'une part, le rêve et le flou que ce mot introduit ou provoque dans l'esprit de chacun d'autre part, ce sera différent et beaucoup plus coûteux d'en sortir si dès à présent on ne balise pas le domaine.

Le jeu fatal a dès à présent commencé. J'en veux pour preuve que la classe médiatico-politique socialo-communiste – et tout ce que cache celle-ci, à commencer par l'application des principes du déterminisme - se cabre sur le nouveau type de contrat de travail réglementé qu'est le Contrat de Premier Emploi (C.P.E.) et qui fait un ou deux articles de la loi. Tout se passe comme si elle concentrait son refus sur le doigt du sage qui montre la lune.

Mais ces conflits sont en vérité des conflits entre infradéterministes, de nuances différentes, ils ne sauraient affecter le réalisme de l'ultralibéral : il n'y a ni sage, ni doigt de celui-ci, ni lune, il n'y a que l'étatisme ravageur et les oripeaux dont les infradéterministes l'affublent et à propos de quoi ils en arrivent à se battre. Comme c'est le cas aujourd'hui.


D. Le CPE : le dernier combat en date des infradéterministes.

Pour les raisons précédentes et à commencer par son titre, "loi sur l'égalité des chances", la loi aurait du faire frémir tout être humain normalement constitué, c'est-à-dire qui reconnaît à son semblable le libre arbitre et la libre action responsables dont il se considère lui-même doté.

De par cette loi, il ne s'agit donc plus pour l'Etat d'instaurer par la coercition l'"égalité de liberté" (cf. Spencer, fin du XIXè siècle) ou l'"égalité de revenu" (étatisme post 1945, cf. Mises, Le gouvernement omnipotent, op.cit. ), mais l'"égalité de chance".
 
Deus ex machina catalogué qui aurait donc donné implicitement des chances par le passé, l'Etat se propose désormais de faire disparaître l'inégalité de celles-ci et d'instaurer leur égalité. Même Hercule ne s'était pas vu imposer un tel travail.

Mais, en passant, c'est quoi au juste l'égalité de chance ? Pas de débat sur la question !

Curieusement, seuls les trois premiers articles de la loi - qui portent sur le "CPE" - ont suscité un tollé de la part de certains qui, vraisemblablement, ont du "boire du petit lait" en lisant des articles qui suivaient tant cela correspond à leurs idées, à ce qui leur fait refuser les trois premiers articles...

A moins qu'ils aient arrêté leur lecture à l'article 4…
Si tel est le cas, c'est que les rédacteurs de la loi se sont trompés dans leur entreprise d'équilibrage des avantages et des inconvénients à destination des groupes de pression en place dont ils veulent le bien.
Question en passant : serait-il donc plus difficile de réaliser cet équilibre que d'instaurer l'égalité des chances ? Serait-ce si difficile que le gouvernement aurait buggé ? Mauvais présage pour la suite des événements …

Face au tollé et comme pour corriger certaines erreurs, les rédacteurs ont reformulé le texte en y ajoutant un article et le complément (cf. ci-dessous l'article ajouté) est devenu un amendement qui a été voté par l'Assemblée nationale et le Sénat.

AMENDEMENT N° 3 Rect. présenté par le Gouvernement

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3, insérer l'article suivant :

I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de 26 ans, un contrat de travail dénommé " contrat première embauche ".
L'effectif de l'entreprise doit être supérieur à vingt salariés dans les conditions définies par l'article L. 620-10 du code du travail.
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 (il s'agit des professions du spectacle) du code du travail.

II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l'exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 de ce code.
La durée des contrats de travail, y compris des missions de travail temporaire, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, ainsi que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l'alinéa précédent.

Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes :
1° La rupture est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
2° Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture et sauf faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre recommandée fait courir, dès lors que le salarié est présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis. La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le cas d'un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois ;
3° Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Le régime fiscal et social de cette indemnité est celui applicable à l'indemnité mentionnée à l'article L. 122-9 du code du travail. À cette indemnité versée au salarié s'ajoute une contribution de l'employeur, égale à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Cette contribution est recouvrée par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 351-21 du code du travail conformément aux dispositions des articles L. 351-6 et L. 351-6-1 du même code. Elle est destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en vue de son retour à l'emploi. Elle n'est pas considérée comme un élément de salaire au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée prévue au 1°. Ce délai n'est opposable aux salariés que s'il en a été fait mention dans cette lettre.

Par exception aux dispositions du deuxième alinéa, les ruptures du contrat de travail envisagées à l'initiative de l'employeur sont prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation régissant les procédures de licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du titre II du livre III du code du travail.
La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.

En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat.

Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du congé de formation dans les conditions fixées par les articles L. 931-13 à L. 931-20-1 du code du travail.

Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 933-1 du code du travail prorata temporis, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date d'effet du contrat. L'organisme paritaire agréé mentionné à l'article L. 931-16 de ce code assure la prise en charge des frais de formation, de transport et d'hébergement ainsi que de l'allocation de formation due à ce salarié.

L'employeur est tenu d'informer le salarié, lors de la signature du contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement.

III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de quatre mois d'activité ont droit, dès lors qu'ils ne justifient pas de références de travail suffisantes pour être indemnisés en application de l'article L. 351-3 du code du travail, à une allocation forfaitaire versée pendant deux mois.

Le montant de l'allocation forfaitaire ainsi que le délai après l'expiration duquel l'inscription comme demandeur d'emploi est réputée tardive pour l'ouverture du droit à l'allocation, les délais de demande et d'action en paiement, le délai au terme duquel le reliquat des droits antérieurement constitués ne peut plus être utilisé et le montant au-dessous duquel l'allocation indûment versée ne donne pas lieu à répétition sont ceux applicables au contrat nouvelles embauches.

Les dispositions de la section 4 du chapitre Ier du titre V du livre III du code du travail sont applicables à l'allocation forfaitaire.

Les dispositions de l'article L. 131-2, du 2° du I de l'article L. 242-13 et des articles L. 311-5 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale ainsi que celles des articles 79 et 82 du code général des impôts sont applicables à l'allocation forfaitaire.

Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.

L'État peut, par convention, confier aux organismes mentionnés à l'article L. 351-21 du code du travail ou à tout organisme de droit privé la gestion de l'allocation forfaitaire.

Un accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 351-8 du code du travail définit les conditions et les modalités selon lesquelles les salariés embauchés sous le régime du contrat institué au I peuvent bénéficier de la convention de reclassement personnalisé prévue au I de l'article L. 321-4-2 du code du travail. À défaut d'accord ou d'agrément de cet accord, ces conditions et modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.

Après cette grande et satanée cuisine, qu'est ce que le CPE amendé ?

C'est un contrat de travail réglementé de plus.

C'est d'une part un contrat de travail réglementé "à temps plein" et non pas un contrat de travail réglementé "à temps partiel".

C'est d'autre part un contrat en CDI, avec toutes les règles du CDI (Contrat à durée indéterminée), à l'exception de celles qui concernent les licenciements.
Celles-ci sont modifiées, puisque l'employeur (et le salarié) ont le droit de mettre fin au contrat sans motif pendant les 24 premiers mois, comme actuellement en CDI pendant la période d'essai. Ces 24 premiers mois sont donc une période d'essai prolongée, mais pendant laquelle les jeunes salariés bénéficient d'avantages qu'ils n'auraient pas lors d'une période d'essai en CDI ou même pendant le CDI après la fin de la période d'essai.
Comme pour un CDI, le licenciement doit être notifié au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il convient de souligner que ces vingt-quatre mois sont calculés en prenant en compte les stages, CDD (contrat à durée déterminé) ou périodes d'intérim que le salarié a déjà pu faire dans l'entreprise. Par exemple, soit un salarié qui aura travaillé quinze jours en stage dans l'entreprise Y, puis qui aura obtenu de cette entreprise un CDD de neuf mois, l'employeur (et le salarié) ne pourra mettre fin au contrat sans donner de motif que pendant douze mois et demi.
A l'expiration du délai de vingt-quatre mois ainsi calculé, le CDE est automatiquement transformé en CDI. L'employeur doit justifier tout licenciement, en revanche le salarié perd certains avantages (sur le montant des indemnités de licenciement).

Avantages du CPE que certains feront valoir.
I- A la différence de la période d'essai d'un CDI (qui permet de mettre fin au contrat sans préavis), le licenciement ouvre droit à un préavis de deux semaines pendant les six premiers mois et d'un mois ensuite (si le salarié a travaillé en stage ou en cdd (contrat à durée déterminée) dans la même entreprise, la durée du ou des stages, du ou des cdd entre en compte : ainsi, dans l'exemple précédent, le salarié aurait droit à un préavis d'un mois quelle que soit la date de son licenciement avant l'achèvement du CPE.

II - à la différence d'un CDI (où l'employeur ne doit aucune indemnité au salarié s'il le licencie pendant la période d'essai et n'en doit une, après cette période, qu'après vingt-quatre mois d'activité dans l'entreprise), le salarié a droit dès le début à une indemnité de licenciement égale à 8% des salaires bruts perçus depuis le début du contrat (et donc pendant les stages ou cdd qui l'ont précédé). L'entreprise doit aussi verser 2% des salaires versés aux organismes de sécurité sociale.

III- A la différence d'un CDI (pendant la période d'essai et après celle-ci, le salarié en CPE a droit à une formation dès son premier mois d'embauche (et non plus tard comme dans les CDI).

IV - Toutes les protections que le code du travail assure aux femmes enceintes, aux délégués syndicaux et autres catégories protégées s'appliquent aux salariés en CPE.

V - A la différence des CDD et CDI, le salarié en CPE licencié a droit à des indemnités de chômage dès qu'il a cumulé quatre mois de travail.

VI - Le CPE, comme le CNE, assouplit le code du travail et rend plus flexible le marché du travail. La science économique comme les expériences étrangères montrent que plus on assouplit les conditions de licenciement, plus les entreprises embauchent. Elles veulent simplement pouvoir licencier en cas de difficultés imprévisibles, ce qui ne veut pas dire qu’elles le feront dans la majorité des cas. Deux ans d’essai sont largement suffisants à un employeur pour juger la valeur d’un débutant. Si le test est positif, l’entreprise a intérêt à l’embaucher pour s’attacher ses services. Le test ne menace que les jeunes considérés en général inaptes à l’emploi ou au travail. L’idée de l’emploi à vie, garanti par un statut, ne correspond pas à la réalité économique et est en outre une forme moderne d’esclavage.

La lutte contre la précarité ne passe pas par l’emploi à vie, mais par la multiplication des créations d’emplois. Une carrière se construit dans la mobilité en saisissant au fur et à mesure les nouvelles opportunités d’emplois. C’est l’ancien président CLINTON qui avait dit aux jeunes Américains que s’ils voulaient faire une belle carrière, il fallait qu’ils s’attendent à changer en moyenne dix fois d’emplois dans leur vie.

VII - Le CPE ne résout pas tous les problèmes de chômage, mais tout ce qui va dans le sens d’une plus grande flexibilité du marché du travail joue dans le sens de la création d’emplois. Les expériences étrangères le confirment, et tous les pays qui ont assoupli les conditions de licenciement ont vu leur chômage diminuer et se situer à la moitié de celui de la France. Quant à ce chômage élevé des jeunes, il n’existe pas dans les pays où rémunérations et embauches sont libres.
Le monde économique d’aujourd’hui, ce n’est plus celui des rigidités et des privilèges, c’est celui de la mondialisation et de l’ouverture, donc celui de l’adaptation et de la mobilité.


Grands inconvénients du CPE que d'autres, qui peuvent être les mêmes, feront prévaloir.
La capacité juridique de licencier sans explications pendant les vingt-quatre premiers mois.

Pourquoi cette capacité juridique ?
Parce que les employeurs rechignent à engager des salariés, surtout des jeunes qui ne sont pas immédiatement opérationnels dans l'entreprise, qu'il faut former, s'ils ne peuvent pas mettre fin à leur contrat soit parce qu'ils ne donnent pas satisfaction (par exemple parce qu'ils n'auront pas réussi à se former pour les fonctions qu'on désire leur attribuer) ou si les affaires vont mal.

Mais avec un CDI, dira-t-on, les employeurs peuvent licencier pour des " raisons réelles et sérieuses"?
Certes, mais il est très rare qu'un salarié accepte (sauf accord avec l'employeur et octroi d'une indemnité) de reconnaître que la cause du licenciement est réelle et sérieuse. Presque toujours, le salarié attaque son employeur aux Prud'hommes.
Comme les entreprises, surtout les petites et moyennes entreprises, n'ont pas forcément un juriste spécialisé dans leur personnel, elles doivent faire appel à un avocat dont les honoraires sont en général de l'ordre de 450 à 600 euros l'heure, et rien que l'audience au tribunal représente deux ou trois heures.
Un licenciement, même tout à fait justifié, coûte donc à l'entreprise quelque chose comme 5.000 euros sans parler du temps passé, qui leur coûte aussi.
Donc les entreprises souhaitaient surtout ne pas être obligées d'avoir un procès aux Prud'hommes pour chaque licenciement.

En vérité, on pourra aussi penser que certains repoussent le CPE parce qu'il élargit le choix dans le "filet de réglementations" qui entrave les entreprises. C'est tout le mouvement anti-CPE

Le mouvement anti-CPE, tel qu’il se développe en ce moment sur le plan universitaire et syndical, soulève un certain nombre de questions de principe :
-Il est d’essence totalitaire et anti-démocratique, puisque le but du mouvement est de revenir sur une loi légalement votée par le parlement. Il s’agit de savoir ce qui doit l’emporter dans une démocratie, et qui a le dernier mot : la rue ou la représentation nationale? Est-ce la rue qui gouverne ? Une loi votée doit s’appliquer.

-Il est liberticide, puisqu’il s’accompagne de manifestations violentes, telles que les occupations d’université par la force, empêchant les non-grévistes d’entrer dans les bâtiments et d’aller travailler en bibliothèque ou en cours. C’est une atteinte à la liberté du travail et à la liberté d’étudier.

-Il est barbare, car ce qui s’est passé à la Sorbonne en particulier s’est traduit par des dégradations de matériels (ouvrages anciens brulés ou déchirés, ordinateurs jetés par les fenêtres, matériels brisés,…). Il n’y a aucun respect de la propriété privée ou publique, pas plus à l’intérieur de l’université qu’à l’extérieur (vitrines de magasins détruites comme chez Mac Do). Il n’y a aucune culture chez ceux qui détruisent des archives et des ouvrages appartenant au patrimoine historique.

-Il est minoritaire et politisé. Jamais une grève n’est votée par l’ensemble des étudiants après consultation démocratique de tous à bulletins secrets. Une faible minorité participe aux assemblées générales (souvent moins de 500 étudiants, alors qu’il y a au moins 20 000 étudiants en moyenne par université), à main levée, sous la pression de ceux qui crient le plus fort. Les antigrèves sont réduits au silence et préfèrent travailler chez eux. Le mouvement est mené par l’extrême-gauche (trotskistes essentiellement et communistes) et relayé par l’UNEF, mouvement dirigé par une majorité de socialistes et une minorité de trotskistes. Tous mènent un combat politique, dans la perspective des prochaines échéances électorales, appuyés par des forces extérieures à l’université.

-Il est obscurantiste, car il ne connaît pas la réalité économique. C’est la situation actuelle qui est une situation de précarité pour les jeunes, puisque 23,5% des moins de 25 ans sont au chômage et ceux qui ont un travail n’ont presque jamais un CDI, mais des CDD, dont le premier dure en moyenne quelques semaines. Même la fonction publique offre de plus de plus des situations de précarité, par exemple avec les vacataires.

-Enfin, le soutien apporté au mouvement anti-CPE par les syndicats et partis les plus extrémistes, encore sous influence marxiste, montre où se situent le vrai conservatisme et la défense archaïque des avantages acquis.


Conclusion.
cf. Le CPE diversifie la réglementation, il ne libère pas l'employeur et l'employé.


E. (Ultra)libéraux, ne soyez jamais dupes des (infra)déterministes.

Bref, le CPE, combat des infradéterministes entre eux, n'est pas un problème.
Le problème est cette "loi pour l'égalité des chances", désormais votée mais pas encore promulguée, cette loi sur l'"égalité des chances" dont les pondeurs ont la prétention de faire gérer, directement ou non, nos chances par des réglementations bureaucratiques.

La loi sur l'égalité des chances" porte un coup considérable à la liberté de l'être humain (11) et à tout ce qu'il peut espérer de cette dernière qui ne saurait être rabaissée à une question de chances.
Pire, la loi fait renaître avec des oripeaux autres, la "planification à la française", au moment même où le gouvernement vient de fermer les portes du "Commissariat Général du Plan".
En effet, "l'égalité des chances", ce n'est plus le "plan de sécurité social" instauré en 1945 et dont nous vivons actuellement les derniers ébranlements.
Ce n'est plus non plus la "planification indicative" – à la Pierre Massé - qui avait conduit le "Commissariat Général du Plan" à élaborer 12 "plans" successifs en près de cinquante années!

C'est tout simplement l'affirmation de la prétention étatiste que "agir en France" est en définitive un grand jeu de hasard, que le législateur est en mesure d'égaliser les chances de chacun et que l'égalité de celles-ci bénéficiera à tous. J'en veux pour preuve que le Premier ministre avait annoncé le 27 octobre 2005 la transformation du Commissariat général du Plan et que le "Centre d'analyse stratégique" lui succède en mars 2006.

En d'autres termes, la classe politique aux affaires, via sa bureaucratie planificatrice, entre dans l'ère de l'incertitude déterministe et va proposer son infradéterminisme réglementaire.
Parviendra-t-elle un jour à l'ère de l'incertitude non déterministe, à l'ère de l'ignorance et à reconnaître tous ses méfaits ?


F. L'Etat de France est pris en sandwich.

Peut-être.  Parce que l'Etat de France est de plus en plus pris en sandwich et que les hommes de l'Etat sont de plus en plus en porte-à-faux.

Il y a un an, mai 2005, une majorité de Français a voté “non” au referendum sur le projet de traité de constitution européenne qui, s'il avait été ratifié, aurait ouvert la porte, en particulier, à la création d’un Etat européen, d’un super état dont l’Etat de France serait devenu un pion.  Chacun s’en souvient.

Mais qui se souvient que, soixante ans auparavant, les Français n’avaient pas eu l’heur d’un tel referendum quand le gouvernement provisoire et les autorités plus ou moins autoproclamées d’alors leur ont infligé les ordonnances d’octobre portant création de l’organisation de sécurité sociale obligatoire (OSSO), véritable para état aux mains de syndicats de travailleurs prétendument représentatifs ?

Certes, un an plus tard, en octobre 1946, ils ont approuvé par referendum la constitution de la IVè république, mais celle-ci ne mettait pas l’accent sur l’OSSO émergente.  De plus, ils avaient au préalable refusé par referendum le texte constitutionnel proposé en mai 46, préparé par l’assemblée - devenue constituante par referendum justement en octobre 45 - dominée par les socialo-communistes.  Et de nouvelles élections législatives avaient été organisées qui réduisirent le nombre de ces derniers.  Pour sa part, De Gaulle avait démissionné en janvier 1946.

Qui se souvient que, de même, douze années plus tard, en 1958, ils ont approuvé par referendum la constitution de la Vè république avec la perspective de De Gaulle, président de la République, pour l’appliquer sans que le texte mette l’accent sur l’OSSO désormais en difficulté croissante ? 

De plus, qui se souvient que c’est par ordonnances qu’en 1967, Pompidou, Premier Ministre de De Gaulle, va procéder à une réforme profonde du régime général de l’OSSO tant celle-ci allait de plus en plus mal malgré les réorganisations du début de la décennie 1960 (URSSAF, école d’études supérieures de sécurité sociale de Saint-Etienne) et les augmentations de cotisations obligatoires au point que le montant des dépenses de l’OSSO tendait à rattraper celui des dépenses de l’Etat ? En particulier, à l’occasion de cette réforme, le régime général a été divisé en quatre branches autonomes, dont une est l’”OSSO-maladie”, ce que certains se complaisent à dénommer aujourd’hui “assurance maladie” bien qu’elle ne fasse pas de l’assurance-maladie (pour la simple raison qu’elle se moque du risque de perte de la santé de chacun).

Qui se souvient que, trente ans plus tard, en 1996, c’est encore par ordonnances que le quadrige “Chirac, Juppé, Barrot et Gaymard” va procéder à une réforme profonde de l’OSSO-maladie tant celle-ci allait toujours de plus en plus mal malgré les augmentations de cotisations obligatoires, l’institution de la contribution sociale généralisée (CSG) par le binôme Mitterrand-Rocard quelques années auparavant et le fait que le montant des dépenses de l’OSSO était désormais supérieur à celui des dépenses de l’Etat ? Faut-il rappeler, en particulier, qu'à cette occasion, l’”OSSO maladie” a été en partie étatisée, la dette de l’OSSO soldée et a donné lieu à la création d’un organisme, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), à une augmentation de la CSG et à la création d’une nouvelle cotisation, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Et voici 2004, un nouveau quadrige formé par MM. Chirac, Raffarin, Douste-Blazy et Bertrand procède à une nouvelle réforme de l’OSSO-maladie étatisée sans recourir, pour une fois, à la procédure des ordonnances.  En particulier, à cette occasion, deux nouveaux organismes, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et la Haute Autorité de Santé, sont encore créés, le patient va devenir à terme un dossier médical et le corps médical n’est plus qu’à deux doigts d’être “fonctionnarisé”.  En passant, dans l’intervalle, un quadrige antérieur avait jugé bon de créer un "Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie" et la CMU.

Il reste à se souvenir que dès 1952, des autorités françaises s’étaient inquiétées de la dérive des remboursements, indemnisations, réparations et expédients sociaux (RIRES en abrégé) de l’OSSO et il avait été décidé de mettre en place des conventions départementales entre les médecins et l’OSSO pour y remédier.
Cela n’ayant rien amélioré, les RIRES étant toujours de plus en plus importants, en 1971, a vu le jour le principe de la convention médicale nationale où des médecins ont accepté d’échanger leur liberté contre un plat de lentille (le financement de leur retraite par l’Etat). Et depuis lors, les conventions médicales nationales se sont succèdées périodiquement.

Tout cela pour arriver à la situation actuelle de septembre 2006, à la disparition en cours de la liberté et de la responsabilité de chacun (patient ou médecin) et à l’augmentation parallèle de la bureaucratie (interne ou externe aux nouveaux organismes de toute nature sans relation avec les soins des patients).

Bref, l’OSSO, même réduite à l’OSSO-maladie, est un véritable para Etat sur l’existence de quoi les Français n’ont jamais été conviés à se prononcer par referendum comme ils l’ont été sur le projet de constitution européenne.

Le mutisme imposé est d’autant plus étrange que l’évolution de l’OSSO est caractérisable par la dérive permanente des RIRES - depuis au moins 1952, soit plus d’un demi siècle -, une dérive que tout économiste digne de ce nom explique sans difficulté a priori, à quoi il s’attend avec certitude et dont il prédit l’approfondissement jusqu’au naufrage de l’ensemble sauf si l’obligation, son biais diabolique, est abandonnée en cours de route.  Le premier d’entre eux à le faire, fut à ma connaissance Frédéric Bastiat en 1850, époque où l’organisation de la sécurité sociale était encore naturelle et spontanée en France.

Etant donnés ces faits, chacun devrait se rendre compte de la faiblesse qui, suite au double coup de certaines instances de l’Union européenne (U.E.) et de l’OSSO, a envahi l’Etat de France et que ce dernier communique à son environnement à cause du privilège qu’il possède encore “de (faire) prendre aux uns pour donner aux autres, en se servant au passage”.  Loin d’être minimum, il ne mène pas néanmoins quoi que ce soit d’autre de déterminant, il n’est pas de “premier ressort”.  Il n’est pas non plus de “dernier ressort”, il n’est pas le fameux filet de sécurité dont certains nous rebattent les oreilles.

Il est en vérité désormais en sandwich entre
- l’Etat supranational potentiel que certains s’escriment à vouloir instituer à partir d’instances, existantes ou non, de l’U.E. malgré l’échec du referendum de mai 2005, et
- le para Etat effectif qu'est l'OSSO et que d’autres, qui peuvent être les mêmes, s’ingénient à renforcer depuis la réussite du coup des ordonnances d’octobre 1945 parachevé par le coup du silence entretenu sur tout referendum à son sujet.

Pour que la France sorte de toutes les difficultés qu’on sait et dont la cause est - pour moi - l’OSSO, pour que l’Etat de France s’extirpe de sa situation en définitive tantôt don quichottesque, tantôt aux basques du bon vouloir des opérateurs sur le marché financier, il faut que les candidats à l’élection présidentielle s’engagent, chacun, à organiser, sitôt élu, un referendum sur l’organisation de la sécurité sociale obligatoire (OSSO) et sur ses RIRES.
Ce sera une première et le résultat révèlera, en particulier, si les Français sont, en majorité, (ultra)libéraux ou (infra)déterministes, le refus d’un tel engagement démontrant par avance, de la part du candidat en question, l’(infra)déterminisme qui le cheville.


Références bibliographiques.

(1) Pagels, E. (1988), Adam, Eve and the Serpent, Random House, New-York.

(2) Lurçat, F. (2003), De la science à l'ignorance, Editions du Rocher, Paris.  Si on n'a pas le temps de lire le livre, on pourra toujours se reporter à Le chaos et l'Occident, communication à l'ASMP.

(3) Ouvrage très intéressant sur la question : Block, W.E. et Walker, M.A. (1982), Discrimination, Affirmative Action, and Equal Opportunity (An Economic and Social Perspective), The Fraser Institute, Vancouver (Colombie britannique, Canada).

(4) Hoppe, H.H. (1989), A Theory of Socialism and Capitalism (Economics, Politics, and Ethics), The Ludwig von Mises Institute’s Studies in Austrian Economics.

(5) Pour tenter de concrétiser ce chiffre et situer son importance sur le "marché des butins", il faut savoir qu'il est légérement supérieur à ce que se met dans la poche la "Caisse Centrale des Affaires Sociales" d'EDF et de GDF - le fameux "1%" sur le chiffre d'affaires - et que détournent plus ou moins les hommes du syndicat CGT (cf. instruction en cours, à l'instigation de rapports de la Cour des Comptes, dont le dernier en date de juillet 2005).

(6) On regrettera qu'à l'heure d'Internet, le site de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) donne des informations qui ne sont pas à jour, bref n'informe pas (dernière mise à jour affichée 3 octobre 2005). Seulement les chiffres les plus récents sont de 2003 ! Et ,ous sommes en février 2006.
Comment expliquer le fait ? Le budget de la Commission serait-il trop faible ? Ou l'intérêt de ses membres pour ce qu'ils devraient faire, pas assez élevé ?
On rappellera qu'arrêtés chaque année au 31 décembre, les comptes des partis politiques, certifiés par deux commissaires aux comptes, sont déposés à la CNCCFP qui les examine et assure leur publication sommaire au « Journal Officiel », nous dit le législateur...

(7) Mises, L. (von) (1944), Omnipotent Government: The Rise of the Total State and Total War, Yale University Press, New Haven ; Le gouvernement omnipotent (de l'Etat totalitaire à la guerre totale), Librairie de Médicis, traduction en français de M. de Hulster en 1947.

(8) Bastiat, F. (1850), "Des salaires", dans Paillotet, P. (ed.), Oeuvres complètes de Frédéric Bastiat, livre 6 : Harmonies économiques, Guillaumin et Cie., Paris, 1864, p.403.

(9) Arrow, K.J. (1962), "Economic welfare and the allocation of resources for invention", in Lamberton, D.M. (ed.) (1971), Economics of Information and Knowledge, Penguin modern economics Readings, Harmondsworth, pp.141-159.

(10) Malinvaud, E. (1975), Leçons de théorie microéconomique, Dunod (coll. statistique et programmes économiques), nouvelle édition, Paris.

(11) Mises, L. (2006),The foundations of Liberal Policy, Introduction by Bettina B. Greaves , from the preface to the 1985 edition of Liberalism: In The Classical Tradition, written by Ludwig von Mises and translated by Ralph Raico.

 

Georges Lane

Principes de science économique

  

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Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.

 

Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur

 

 

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