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Il est à la mode en
France, chez les politiques, tous partis confondus, et les médiatiques
de tous bords, bref dans la classe médiatico-politique, de stigmatiser
les "ultralibéraux", l'"ultralibéralisme",
le "libéralisme sauvage" contre quoi ils se battent. Soit.
Mais que proposent-ils donc tous ces Don Quichotte ? Que sont-ils,
eux-mêmes ? Appelons un chat un chat : ce sont des
"infradéterministes", comme on va le montrer.
![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2006/05/img/20091124CLA10481.gif)
Aux yeux de la classe médiatico-politique, est ultralibéral quiconque
raisonne à partir de l'être humain qu'il est, de vous et moi, et
non pas à partir du concept flou de "société".
Est ultralibéral quiconque avance que l'être humain, simple
citoyen, politique ou médiatique, agit dans son intérêt
personnel et non pas dans un prétendu intérêt
général – dénommé le cas
échéant utilité publique ou collective,
solidarité ou justice sociale – qui serait celui de la fameuse
"société".
Est ultralibéral quiconque affirme que les intérêts
personnels poursuivis par les êtres humains dans le respect des lois
naturelles de la propriété et de la responsabilité de
chacun, sont harmonieux et que leur ensemble constitue justement
l'intérêt général réel de la société,
i.e. de l'état fluctuant résultat de l'association des
êtres humains.
L'"ultralibéralime" ou le "libéralisme
sauvage", c'est "le renard - libre - dans le poulailler -
libre-" (pour une réfutation, cf. François
Guillaumat)
Le point de départ de cette stigmatisation dérisoire qui est
caché ou oublié aujourd'hui, n'est jamais que le libre arbitre
de l'être humain, ce libre arbitre qui opposait au Vè
siècle Augustin, le futur Saint, aux Donatistes et autres Pélagiens,
comme le rappelle Elaine Pagels (1988) dans Adam,
Eve and the Serpent (1), citée par François Lurçat (2003) dans De la science à l'ignorance
(2).
Le refus ou la condamnation du libre arbitre de l'être humain se
ramène tout simplement à l'affirmation d'un déterminisme
universel. Et l'un ou l'autre a pris diverses formes au cours des âges.
En particulier, il a donné au déterminisme scientifique des
oripeaux quand il a pris la forme de la mécanique classique aux
XVIIè-XVIIIè siècles.
Il a permis à Pierre-Simon
Laplace d'affirmer à la fin du XVIIIè siècle, du
haut de son déterminisme absolu, que le hasard est
l'expression de l'ignorance de l'être humain.
Mais il s'est surtout heurté à deux obstacles de taille au
XIXè siècle, à savoir deux mathématiciens:
d'abord James Clerk Maxwell (1831-1879), puis Henri
Poincaré (1854-1912).
Qu'à cela ne tienne, au XXè siècle, ses thuriféraires
sont parvenus à faire faire silence dans les rangs, certes au prix de
la distinction toute nouvelle entre déterminisme physique et
déterminisme mathématique, mais aidés aussi par les
totalitaires de tout poil, philosophique, politique, économique, biologique
…
Comme le libre arbitre de l'être humain le laissait prévoir, la
situation leur est devenue intenable un beau jour, très
précisément dans la décennie 1960, quand Edward Lorenz, grand météorologue, a
proposé des travaux qui ont redécouvert les résultats de
Poincaré sur l'existence des solutions instables pour des
systèmes d'équations d'intérêt physique. L'émergence
de la théorie mathématique dite "du chaos" venait
d'avoir raison de leur totalitarisme.
Ils ont trouvé néanmoins une position de repli en acceptant bon
gré, mal gré que désormais le principe du
déterminisme mathématique ne soit plus universel, mais une
propriété mathématique qu'ils ont dénommée
"théorème d'existence et d'unicité". Et, soit
dit en passant, cette expression n'est pas tombée dans l'oreille de
sourds économistes: la théorie de l'équilibre
économique général a été réactivée
et couverte du bonnet de la "justice sociale".
Dans ces conditions, l'"ultralibéral" se doit de rappeler
sans arrêt qu'il n'y a plus de déterminisme universel
défendable, et qu'à l'extrême, pour les plus convaincus
de ses derniers défenseurs, il y aurait seulement des
déterminismes ponctuels, locaux, appropriés...
Les défenseurs du déterminisme ne sont donc plus que des
"infradéterministes" qui, si on les resitue dans les
couleurs politiques des deux premiers tiers du XXè siècle
à quoi avait donné lieu le déterminisme, sont aussi
qualifiables d'"infrarouges".
"Ultralibéral" contre "infradéterministe",
voilà le vrai débat politique de France à instaurer
à l'orée de la campagne pour les élections
présidentielles de 2007. Peu importent les
"altermondialistes" et autres "socialo-communistes"
repeints en vert, jaune, les démocrates sociaux ou les sociaux
démocrates, etc.
L'enjeu du débat politique est la reconnaissance ou non, une fois pour
toutes, du libre arbitre de vous et moi.
C'est par suite l'acceptation ou non par le politique de sa
conséquence immédiate, à savoir le refus par le citoyen
de l'esclavage que lui inflige en France, de façon croissante, la
classe médiatico-politique depuis, en particulier, le coup
d'état de la création de l'organisation de la
sécurité sociale en 1945.
Un esclavage en partie mental à propos de quoi Frédéric
Bastiat n'a pas eu de mots assez durs :
"
Si la spoliation arme la
Force contre la Faiblesse, elle ne tourne pas moins l'Intelligence contre la
Crédulité. Quelles sont sur la terre les populations
travailleuses qui aient échappé à l'exploitation des
théocraties sacerdotales, prêtres égyptiens, oracles
grecs, augures romains, druides gaulois, bramines indiens, muphtis,
ulémas, bonzes, moines, ministres, jongleurs, sorciers, devins,
spoliateurs de tous costumes et de toutes dénominations?
Sous cette forme, le
génie de la spoliation place son point d'appui dans le ciel, et se
prévaut de la sacrilège complicité de Dieu! Il
n'enchaîne pas seulement le bras, mais aussi les esprits. Il sait
imprimer le fer de la servitude aussi bien sur la conscience de Séide
que sur le front de Spartacus, réalisant ce qui semble
irréalisable: l'Esclavage Mental.
Esclavage Mental! quelle
effrayante association de mots! — Ô liberté! On t'a vue
traquée de contrée en contrée, écrasée par
la conquête, agonisant sous l'esclavage, insultée dans les
cours, chassée dans les écoles, raillée dans les salons,
méconnue dans les ateliers, anathématisée dans les
temples. Il semblait que tu devais trouver dans la pensée un refuge
inviolable. Mais si tu succombes dans ce dernier asile, que devient l'espoir
des siècles et la valeur de la nature humaine?
(Bastiat, 1850, conclusion de Harmonies
économiques, tome 1)
Et, quoique classées
sous la rubrique "justice sociale", les formes récentes
nouvelles, multiples de cet esclavage sont à dénoncer: elles
vont de la "loi Gayssot" qui réglemente la liberté
d'expression à la loi sur l'inclusion dans la Constitution du
prétendu principe de précaution, défendue, entre autres,
par la députée, Nathalie
Kosciusko Morizet et à la "loi sur l'égalité
des chances" que le présent texte a pour fond.
Quant
à sa forme, le texte ci-dessous insiste sur six points, six facettes
de l'infradéterminisme, qui sont les suivants:
A. L'égalité des chances : un "droit des droits
à... égaux" ?
B. "Faites ce qu'on vous dit, ne dites pas ce qu'on fait".
C. Quand les infradéterministes se battent entre eux.
D. Le CPE : le dernier combat en date des infradéterministes.
E. (Ultra)libéraux, ne soyez jamais dupes des (infra)déterministes.
F. L'état de France est pris en sandwich.
A. Egalité
des chances : un "droit des droits à... égaux"?
Un Projet de loi pour
l'"égalité des chances", n° 2787, a
été déposé le 11 janvier 2006 sur le bureau de
l'Assemblée Nationale et renvoyé à la Commission des
affaires culturelles, familiales et sociales. Ce projet complète la
loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, la
loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées du 11
février 2005 et le projet de loi relatif à
l'égalité salariale entre les femmes et les hommes en
débat au Parlement qui sont jugés concourir à la reconnaissance
effective du droit à l'égalité des chances.
La Commission saisie au fond a nommé M. Laurent Hénart
rapporteur le 17 janvier 2006. Son Rapport n° 2825 a été
déposé le 25 janvier 2006. Et le projet amendé a
été voté mi-mars 2006.
Au milieu d'un fatras de considérations hétéroclites,
fondamentalement non juridiques, il est donc question en particulier dans le
projet de loi de:
Articles 16, 17 et 18
Création et mode de fonctionnement de l’Agence nationale pour la
cohésion sociale et l’égalité des chances.
Articles 19 et 20
Extension des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l’égalité (HALDE).
Article 21
Possibilité d’avoir recours au « testing » pour
prouver un acte de discrimination en matière pénale.
Et les pouvoirs concédés par le projet de loi à la HALDE
ne peuvent que faire frémir. Toutes proportions gardées, ils
rappellent ceux concédés en 1945 à l'organisation de la
sécurité sociale.
Il n'empêche qu'il ne faut pas perdre de vue le fond de la
démarche qui est l'acclimatation progressive à la France d'un
certain "infradéterminisme réglementaire".
Après le prétendu "principe de précaution",
voici donc l'"égalité des chances" sur quoi
végète la loi, en attendant, selon toute vraisemblance, un
projet de loi sur la "discrimination positive" à grande
échelle.
«100% des gagnants du loto avaient acheté au moins un
billet». Slogan bien connu, pub du Loto, mais aussi façon
d'introduire l'expression pernicieuse française
d’"égalité des chances" car la chance est-elle
en relation avec le gain (toucher le gros lot) ou avec la démarche
(avoir la capacité d'acheter le billet) ? Egalité des chances :
chacun peut toucher le gros lot ou chacun peut acheter le billet ?
Tout cela n'a rien d'original. Il convient en effet de souligner qu'une
législation de même esprit avait été mise en place
en 1975 au Canada et à partir de 1963 aux Etats-Unis (3) pour ne pas
parler de ce qui s'est passé en République
Fédérale Allemande.
a) Aux Etats-Unis, au
Canada et en République Fédérale Allemande.
Il y a vingt cinq ans, aux Etats-Unis ou au Canada anglophone, on parlait de
"equal opportunity" (et on faisait ainsi référence
à la démarche), il n'y avait pas d'ambiguïté. Et
cette notion allait de pair avec l'"affirmative action" (ce qu'on dénomme
en France aujourd'hui "discrimination positive"). Mais on n'avait
pas mis le doigt sur le prétendu principe de précaution,
invention infradéterministe française.
Le débat au
Canada.
Pour illustrer le débat aux Canada, je rappellerai ces quelques lignes
de Madison, G.B. (1983), "The Role of the Academic Community in
Communicating the Ideas of a Free Society", in Challenging Complacency,
The Fraser Institute (coll. Focus), Vancouver,
pp.59-92, pp.70-72)
"A
positive defense of the ideas of a free society.
A positive defense of the ideas of a free society is the most vital of all.
For notwithstanding the magnitude of the external threat to our free way of
life, the greatest danger comes from within. It is not merely the military
forces of the socialist block that we have to fear, nor again those
subversive elements within our own society which are dedicated to its
overthrow. The writers of the Virginia Declaration of Rights of 1776 stated :
"… no free government, or the blessings of liberty, can be preserved
to any people but by … frequent recurrence to fundamental
principles".
Through confusion and ignorance concerning these fundamental principles, we
may, in a misguided "pursuit of happiness", allow ourselves to be
led down what professor Hayek has so aptly termed "the road to
serfdom".
The two fundamental principles of liberal democracy are freedom and equality.
(19)
The great majority of our citizens subscribe to these principles. And yet the
most salient, seemingly paradoxical feature of our times is that the attempts
to implement these principles is leading us ever further into an illiberal
state of affairs. This is because the original – and authentic –
meaning of these principles has been progressively clouded over. As a result,
they turn out to mean something altogether different. A prime task of
educators should be to restore to them their true meaning.
Liberalism entails democracy.
Consider, for example, the principles of equality. A liberal society is not
only a free society, it is also (when the term is properly understood) an
egalitarian one. That is, liberalism necessarily entails democracy. (20)
"Nothing can be sweeter than liberty", Cicero remarked,
"but if it is got the same for all, it does not deserve the name of
liberty" (21)
The principle of democracy is that all men are, in principle, political
equals. Not only are they all equal under the law (isonomia), they are also
equally free to participate in affairs of state, i.e., in the determination
of the law (political freedom).(22)
If democracy is to have any substantive meaning, all must have equal chances
in society. That is, of course, the principle of equality of opportunity
("la carrière ouverte aux talents"). The meaning of this
principle is in the first instance negative: no one may be discriminated
against. But it can, and should, be interpreted positively as well. Indeed,
what it calls for and justifies are certain forms of "affirmative
action" on the part of government. It is fully consistent with the basic
principles of liberalism to maintain that the government of a free society
should provide the more disadvantaged of its citizens with the material means
of benefiting from the opportunities which by law are open to everyone (for
instance, scholarships for needy students). Although this in fact means that
people will be treated unequally (the material aid offered to the poor is not
offered to the rich), it does not in itself violate liberal principles.
Equality of opportunity – a change of meaning.
Over the last several years, however, "affirmative action" has come
to stand for policies which are thoroughly illiberal. These cannot but result
in the destruction of freedom. They are suitable only to the most b enevolent
of despotisms. Equality of opportunity has gradually come to be interpreted
as equality of conditions of results. Governments have interpreted equality
of opportunity to mean that the numbers of a minority group in any given
profession should correspond to the proportion of the population as a whole.
To this end they have sought to impose quotas on hiring and acceptance
practices of firms and universities (the pernicious effects of "judicial
activism" are particularly in evidence here).
This is fundamentally illiberal, since it violates the civil rights of others
and indeed is destructive of equality of opportunity itself. This is obvious
when a lesser qualified person is accepted over a more qualified one simply
because the former is a member of a protected "minority group" and
the latter is not ;"preferential treatment" is but another name for
reverse discrimination. The consequences of this kind of "affirmative
action" is that in the name of equality, individual rights are
sacrificed to group privilege. The very basis of the liberal philosophy –
respect for the individual qua individual – is thereby undermined.
Equality of conditions or results has absolutely non place in the fabric of
ideas of a free society.(23)
It is vitally important that people be educated about the true meaning of
liberal principles, in this instance equality. When this understanding is
lacking (as to a great extent it is today), the pursuit of our most cherished
ideals will precisely produce results utterly different from those we
expected.
Note.
19) Cf. R.R. Palmer '1970), The
Age of the Democratic Revolution, Princeton University Press,
Princeton.
20) Or as Raymond Aron puts it :
"La démocratie est l'aboutissement logique de la philosophie
libérale" (Essai
sur les libertés, Calmann-Levy, Paris, 1965, p.128).
For this part, von Mises remarks :
"Political democracy necessarily follows from liberalism" (Socialism, p.165)
21) Cicero, De Re
Publica/ De Legibus.
22) Speaking from a historical point of view, the Friedman's remark :
"Neither equality before God, nor equality of opportunity presented any
conflict with liberty to shape one's awn life. Quite the opposite. Equality
and liberty were two facts of the same basic value – that every
individual should be regarded as an end in himself" (Free to Choose, Avon
Books, New-York, 1981, p.129)
It is more important to note, however, that in the free society equality of
opportunity can never be perfect. In point of fact, people will always be
unequal as to their opportunities (even assuming that they are, in any
particular case, equal as to natural endowment) due to factors such as family
background and simple good luck (fortuna), factors that can be eliminated
only at the cost of eliminating freedom (through the control of an
all-powerful state). For a treatment of this and related issues, see Flew, A.
(1981), The Politics of
Procrustes: Contradictions of Enforced Equality, Prometeus Books,
Buffalo. Flew observes that equality of opportunity
"would be better described as open competition for scarce opportunities.
The equality here lies in the sameness of the treatment of all the
competitors, in an open competition, and the only opportunity which is equal
is precisely the opportunity to compete on these terms" (p.45).
Cf. also Sowell, T. (1981), Discrimination,
Affirmative Action, and Equal Opportunity, The Fraser Institute,
Vancouver, pp.37-63.
23) The uninhibited pursuit of equality is destructive not only of freedom
but, curiously enough, of equality itself. A social-egalitarian society must
be centrally planned and thoroughly controlled. But in all such societies the
individual, qua individual, would by technocratic necessity, count for
nothing (individualism in such a society is in fact, as Mao insisted and as
any serious-minded technocrat would say, the greatest of social vices). In
such a society there would exist a fundamental political inequality among its
members. There would be a vast gap between the Planners or Experts, on the
one hand, and the simple citizens, on the other (there would be, in fact, be
no such thing as citizens, in the proper sense of the term). In the name of
social equality, people are made politically unequal.
When Lenin asked
"Who is to equalize the equalizers ?"
he was asking a hopeless action.
The words of George Orwell in Animal Farm describe perfectly the inherent
absurdity of socialist equality :
"All animals are equal, but some are more equal than others".
(Hayek observes:
"Full equality for most cannot but mean the equal submission of the
great masses under the command of some elite who manages the affairs. While
an equality of rights under a limited government is possible and an essential
condition of individual freedom, a claim for equality of material position
can be met only by a government with totalitarian powers" - Law, Legislation and Liberty,
vol. II, University of Chicago Press, Chicago, 1978, p.83)
Le débat en R.F.A.
S'agissant de la situation en R.F.A., je rappellerai ce qu'a écrit en
1989 Hans-Hermann
Hoppe sur la notion de "Equality of opportunity" dans son
chapitre 4 intitulé "Le socialisme, style
social-démocrate"(4), pp.57-65
[…]
C'est sans aucun doute lorsqu'on choisit la troisième approche
redistributive qu'on atteint le plus haut degré de politisation
active.
Son but, de plus en plus prééminent pour la
social-démocratie, est d'atteindre l'égalité de chance.
[en anglais, opportunity] (17)
L'idée est de créer, en employant des mesures redistributives,
une situation dans laquelle la chance [en anglais, chance] pour chacun
d'atteindre n'importe quelle situation (de revenu) possible au cours de sa
vie serait égale —tout à fait comme dans une loterie
où chaque billet a la même chance d'être gagnant ou perdant
—.
Elle est de plus d'avoir un mécanisme correcteur qui aide à
rectifier les situations de "malchance [en anglais, bad luck] (quelque
sens qu'on puisse donner à cela) imméritée" qui
pourraient se produire au cours de ce processus aléatoire continuel.
Prise au pied de la lettre, bien sûr que l'idée est absurde: il
n'existe aucun moyen d'"égaliser les chances" [en anglais,
opportunity] entre quelqu'un qui vit dans les Alpes et quelqu'un qui vit au
bord de la mer.
Quant à l'idée d'un mécanisme correcteur, elle est tout
simplement en incohérence avec celle d'une loterie. Pourtant, on doit
convenir que c'est précisément ce degré
élevé de confusion et de vague qui contribue à rendre
populaire le concept.
Ce qu'est une "chance" [en anglais, opportunity] , ce qui rend une
chance différente ou identique, moins bonne ou meilleure, quelle
compensation il faut et sous quelle forme pour "égaliser les
chances" [en anglais opportunities] dont on avoue qu'elles ne peuvent
pas l'être physiquement (comme dans le cas des Alpes et du bord de la
mer), ce qu'est une "malchance imméritée" et ce qui
la rectifierait, voilà des questions totalement subjectifs. Elles
dépendent d'évaluations subjectives, sont variables et
—si on prend au sérieux le concept d'"égalité
de chance"— il y a un inépuisable réservoir de toutes
sortes d'exigences de redistribution, pour toutes sortes de raisons et pour
toutes sortes de gens.
Il en est ainsi, en particulier, parce qu'"égaliser la
chance" [en anglais, equalizing opportunity] est en incohérence
avec les demandes de différences dans le revenu monétaire ou la
richesse privée.
Untel et Tartempion peuvent bien avoir le même revenu et être
également riches, mais Untel peut être noir, ou une femme, ou
avoir mauvaise vue, ou habiter le Texas, ou avoir dix enfants, ou n'avoir pas
de mari, ou avoir plus de 65 ans, alors que Tartempion peut n'être rien
de tout cela mais quelque chose d'autre, et par conséquent Untel
pourrait bien affirmer que ses chances d'arriver à quelque chose
—n'importe quoi— dans la vie sont différentes de celles de
Tartempion, et qu'il a "droit" à une compensation
conséquente, de manière à ce que leurs revenus
monétaires, auparavant les mêmes, soient désormais
différents. Quant à Tartempion, naturellement, il n'a
qu'à inverser l'évaluation des "chances" que cela
implique pour avoir exactement la même exigence dans l'autre sens.
La conséquence est qu'un degré inouï de politisation
s'ensuivra. Tout semble désormais équitable, et les producteurs
comme les non-producteurs, les premiers pour des raisons défensives et
les seconds pour des raisons agressives, seront conduits à passer de
plus en plus de temps à avancer, réfuter ou combattre des
exigences de redistribution.
Et bien entendu, cette activité n'est pas seulement non productive
comme le sont les loisirs mais, en opposition nette au plaisir du loisir,
elle implique de perdre du temps pour la seule raison de mettre
réellement en pièce la jouissance sereine du patrimoine produit
aussi bien que sa nouvelle production.
Mais non seulement promouvoir l'idée d'"égaliser la chance"
[en anglais, opportunity] ne fait pas que stimuler la politisation accrue
(au-delà du niveau généralement impliqué par les
autres formes de socialisme). Il y a une fois de plus, et c'est
peut-être un des traits les plus intéressants du nouveau socialisme
social-démocrate si on le compare à sa forme marxiste plus
traditionnelle, qu'elle imprime à ce genre de politisation un
caractère nouveau et différent.
Dans toute politique de redistribution, il doit y avoir des gens pour la
promouvoir et la défendre. Et normalement, quoiqu'il n'en soit pas
exclusivement ainsi, ce sont qui en profitent le plus qui le font. Ainsi,
dans un système d'égalisation du revenu et du patrimoine, comme
dans celui d'une politique de revenu minimum, ce sont principalement les
"démunis" qui sont les "supporters" de la
politisation de la vie sociale.
Etant donné qu'en moyenne ils se trouvent faire partie de ceux dont
les capacités intellectuelles et notamment verbales sont relativement
faibles, cela conduit à une vie politique qui manque pour le moins
singulièrement de raffinement intellectuel [cf. ci-dessous remarque de
F. Guillaumat]. En gros, la politique tend à être parfaitement
ennuyeuse, stupide et atterrante, aux dires mêmes d'un nombre considérable
de "démunis".
D'autre part, et si on adopte l'idée d'"égaliser la
chance", [opportunity] les différences de revenu monétaire
et de patrimoine peuvent exister et même devenir tout à fait
prononcées, pourvu qu'on puisse les justifier par quelques
"écarts" sous-jacents dans la structure de chance
[opportunity] , que les inégalités susmentionnées
seraient là pour compenser.
A cette sorte de politique-là, les "dotés" peuvent
eux aussi participer. En fait, comme ils sont en général ceux
qui parlent le mieux, et comme la tâche de définir les chances
comme meilleures ou pires est essentiellement un des pouvoirs
rhétoriques de persuasion, c'est exactement le jeu à quoi ils
jouent.
Ainsi, les dotés deviennent-ils la force dominante pour soutenir le
processus de la politisation.
Ce seront de plus en plus des hommes issus de leurs rangs qui
accéderont au sommet de l'appareil socialiste et changeront en
conséquence l'aspect et le discours de la vie politique sous le
socialisme. Elle deviendra de plus en plus intellectualisée, changeant
ses moyens de séduction pour attirer de nouveaux types
d'adhérents...
L'exemple le plus
instructif, pourrait être fourni par la République
Fédérale Allemande. (18)
Entre 1949 et 1966 elle avait un gouvernement libéral-conservateur qui
faisait preuve d'un attachement remarquable aux principes de
l'économie de marché, même s'il y avait dès le
départ une dose considérable de protectionnisme
socialiste-conservateur et si cet élément devait croître
dans le temps. En tous cas, pendant cette période, la
République Fédérale Allemande fut certainement le pays
le plus capitaliste de toutes les grandes nations européennes. Le
résultat fut qu'elle devint la société la plus
prospère d'Europe, avec des taux de croissance qui surpassaient ceux de
tous ses voisins.
Jusqu'en 1961, des millions de réfugiés allemands, et ensuite
des millions de travailleurs étrangers venus des pays d'Europe du sud
s'intégrèrent dans son économie en croissance, alors que
le chômage comme l'inflation y étaient presque inconnus.
Puis, après une brève période de transition, de 1969
à 1982 (presque une durée égale) une coalition des
socialistes et des "libéraux" prit le pouvoir,
dirigée par les sociaux-démocrates. Elle augmenta
considérablement les impôts et les "cotisations" de
"sécurité sociale", augmenta le nombre des
fonctionnaires et la masse d'argent public allant aux programmes sociaux
existants, en créa de nouveaux, et accrut substantiellement les
dépenses pour toutes sortes de prétendus "biens
publics", soi-disant pour "égaliser les chances"
[opportunities] et accroître la "qualité de la vie"
globale.
Par le biais d'une politique keynésienne de déficit
budgétaire et d'inflation non anticipée, on put retarder
pendant quelques années les effets d'un accroissement des prestations
"sociales" minimum garanties aux non-producteurs aux dépens
des producteurs plus lourdement taxés. Le slogan de politique
économique du Chancelier Helmut Schmidt était à
l'époque : "plutôt 5 % d'inflation que 5 % de chômage".
Ces effets ne devaient pourtant en être que plus spectaculaires puisque
l'inflation de crédit non anticipée avait créé et
prolongé un sur- ou plutôt un mal-investissement typique de ce
genre de politique.
En conséquence, il n'y eut pas seulement beaucoup plus que 5 %
d'inflation : le chômage augmenta constamment jusqu'à atteindre
10 %. La croissance du PNB se ralentit de plus en plus jusqu'à ce
qu'il décline en termes absolus pendant les dernières
années de la période.
A la place d'une économie en expansion, on vit baisser le nombre
absolu des personnes employées. On exerça des pressions
croissantes sur les travailleurs étrangers pour leur faire quitter le
pays et renforça constamment les barrières contre
l'immigration. Pendant tout ce temps, l'économie souterraine croissait
constamment en importance.
Il ne s'agit cependant ici que des effets "économiques" au
sens étroit, les plus évidents.
Il y en eut d'autres, de nature différente, et dont l'importance fut
en fait plus durable.
Avec la nouvelle coalition socialiste-"libérale",
l'idée d'"égaliser la chance" fut mise sur le devant
de la scène idéologique. Et comme nous l'avons prédit
à partir de l'analyse théorique, ce fut en particulier la
diffusion officielle du slogan "Mehr Demokratie wagen"
("risquer plus de démocratie") -, au début l'un des
slogans les plus populaires de l'ère Willy Brandt) - qui conduisit
à un degré de politisation jusqu'alors inconnu.
On avançait toutes sortes de réclamations au nom de
l'"égalité de chance" et il n'y eut guère de
domaine de l'existence, de l'enfance jusqu'à la vieillesse, des
loisirs aux conditions de travail, qui ne fût examiné avec
ferveur pour découvrir quelles différences il recelait pour
différentes personnes en ce qui concerne les "chances"
définies comme pertinentes.
Inutile de dire que de telles "chances" et de telles
"différences", on en découvrait constamment (19) ; en
conséquence, le royaume de la politique semblait s'étendre
presque tous les jours. "Tout est politique", entendait-on dire de
plus en plus souvent.
Pour rester à la hauteur de ces changements, il fallut aussi que les
partis politiques changeassent à leur tour. Le parti
social-démocrate en particulier, traditionnellement parti d'ouvriers,
dut mettre au point une nouvelle image.
Comme l'idée d'"égaliser la chance" se
développait, il devint de plus en plus, comme on aurait pu le
prévoir, le parti de l'intelligentsia (du verbe), des sociologues et
des enseignants. Et comme pour prouver qu'un processus de politisation sera
principalement animé par ceux qui sont le mieux à même de
profiter de ses distributions, et que la tâche de définir les
chances est essentiellement arbitraire et affaire de pouvoir
rhétorique, ce "nouveau" parti s'attacha principalement
à mobiliser les diverses énergies politiques mises en branle
dans le projet d'égaliser par-dessus tout les chances en
matière d'éducation.
En particulier, ils "égalisèrent" les chances d'aller
au lycée puis à l'université, non seulement en offrant
les services en question sans les faire payer mais en distribuant
littéralement de l'argent aux étudiants pour qu'ils y aillent.
Cela n'augmenta pas seulement la demande d'éducateurs, d'enseignants
et de sociologues, qu'il fallut naturellement payer par l'impôt.
De manière assez ironique pour un parti socialiste qui
prétendait qu'égaliser les chances à l'école
impliquerait un transfert de revenu des riches vers les pauvres, cela revint
aussi à une subvention payée aux plus intelligents aux
dépens des moins intelligents, forcés de payer l'impôt.
Et, dans la mesure où il y a plus de gens intelligents dans les classes
moyennes et supérieures que chez les autres, il s'agit d'un transfert
forcé des pauvres vers les riches. (20)
Mené par un nombre croissant d'"enseignants" payés
par l'impôt et tenant sous leur coupe un nombre croissant
d'étudiants, ce processus de politisation eut l'effet qu'on pouvait
prédire : on assista à un changement dans la mentalité
des gens.
De plus en plus, on considéra qu'il était parfaitement normal
de satisfaire toutes sortes de besoins par des moyens politiques, et
d'invoquer de prétendus "droits" sur d'autres personnes
supposées mieux loties et sur leur propriété. Pour toute
une génération élevée pendant cette
période, il devint de moins en moins naturel de songer à
améliorer son sort par l'effort productif et par l'engagement
contractuel.
Ainsi, quand la crise économique provoquée par cette politique
distributive fut bel et bien là, les gens étaient plus mal
équipés que jamais pour la surmonter, parce qu'au cours de la
même période, cette politique avait précisément
affaibli les compétences et les talents dont on avait alors le plus
besoin.
Ce qui est instructif c'est que lorsque le gouvernement
social-démocrate fut chassé en 1982, principalement parce que
ses résultats économiques étaient évidemment
lamentables, l'opinion prévalait encore qu'on devait résoudre
la crise non en éliminant ses causes, à savoir le gonflement
des prestations minimum en faveur des non-producteurs ou non contractants,
mais par une autre mesure redistributive: en égalisant par la force le
nombre d'heures de travail disponible entre les personnes employées et
les chômeurs. Conformément à cet état d'esprit, le
nouveau gouvernement conservateur-libéral ne fit pas non plus
davantage que ralentir le taux de croissance de la fiscalité.
Références bibliographiques.
17. A representative example of social-democratically inclined research on
equality of opportunity, in particular regarding education, is C. Jencks, and
others, Inequality, London, 1973; the increasing prominence of the idea of
equalizing opportunity also explains the flood of sociological studies on
“quality of life” and “social indicators” that has
appeared since the late 1960s. Cf., for instance, A. Szalai and F. Andrews
(eds.), The Quality of
Life, London, 1980.
18. On the following cf. also R. Merklein, Griff in die eigene Tasche,
Hamburg, 1980; and Die
Deutschen werden aermer, Hamburg, 1982.
19. Cf. as a representative example, W. Zapf (ed.), Lebensbedingungen in der Bundesrepublik
, Frankfurt/M., 1978.
20. Cf. on this A. Alchian, “The Economic and Social
Impact of Free Tuition” in: A. Alchian, Economic Forces at Work, Indianapolis,
1977.
Remarque de François Guillaumat sur le point
souligné.
Une autre conséquence possible - et peut-être plus probable - du
fait que, comme le disait Reiser, le dessinateur humoristique : "les
pauvres sont des cons", ![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2006/05/img/20091124CLA10482.gif)
serait que les pauvres en question se feront constamment gruger, de sorte que
le seul égalitarisme des résultats soit suffisant pour qu'on se
retrouve avec une structure redistributive qui vole les pauvres au profit de
beaucoup plus riches qu'eux.
Il est en effet parfaitement possible que la redistribution politique vole
les pauvres comme au coin d'un bois alors qu'ils croient en profiter : rien
n'est plus facile que d'énumérer des politiques qui volent les
pauvres au profit des riches alors que les politiciens prétendent - et
que l'opinion croit dur comme fer - que c'est l'inverse.
Outre la pseudo-gratuité de l'enseignement supérieur, c'est
aussi le cas de la retraite par répartition, du salaire minimum, du
protectionnisme agricole, du logement dit "social", des subventions
aux transports en commun...
Pour des exemples américains, cf. David Friedman (1991) "Robin
des Bois est un vendu" dans Vers
une société sans Etat, les Belles Lettres, Paris.
b) Un quart de siècle plus
tard, en France.
Bref, avec vingt cinq ans de retard sur la pensée unique des
Etats-Unis (dénoncée dès 1965 par Ayn Rand) ou celle du Canada ou celle de R.F.A.,
l’"égalité des chances" devient un
concept-clé de la pensée unique française comme l'a
souligné Jacques Garello dans La Nouvelle Lettre du 14 janvier 2006.
'Ce
fidèle croyant ne cessait d’implorer Dieu pour toucher le gros
lot. En vain, et il s’en désespérait au point d’en
vouloir à son Créateur. Finalement, Dieu eut la bonté de
lui expliquer ce qui se passait : « Pour gagner tu devrais commencer
par acheter des billets »'.
Cette histoire triviale maintes fois racontée pose clairement le
problème de l’égalité des chances : la chance se
mesure-t-elle au résultat (toucher le gros lot) ou à la
démarche (risquer le prix d’un billet) ?
Persuadés que les émeutes [de novembre 2005 dernier]
n’ont d’autre cause que l’injustice sociale, sans doute
créée par les gouvernants antérieurs, ou la
mondialisation, ou l’ultra-libéralisme, nos gouvernants
s’occupent très activement de l’égalité des
chances, et préparent des mesures allant de la discrimination positive
au « testing » pour donner à tous les Français des
chances égales. Mais égales en quoi ?
L’égalité des chances est une expression si ambiguë
qu’elle peut mener au meilleur ou au pire. Je vous propose de mettre un
peu d’ordre dans ce concept-clé de la pensée unique.
L’égalité la plus fondamentale entre les hommes est sans
doute liée au fait qu’ils sont des êtres humains, et que
par nature ils ont une dignité et une vocation que ne possède
aucune autre espèce. Les croyants professent qu’il en est ainsi
parce que l’homme a été créé à
l’image de Dieu, les autres pensent au moins que quelque chose
sépare l’homme de l’animal – même si les
darwinistes font de l’homme un animal supérieur.
L’égalité en dignité interdit ce qui
dénature l’être humain, et accompagne son
épanouissement personnel.
Cette égalité fondamentale et personnelle prend corps avec
l’égalité des droits. Ce qui sépare une
société barbare d’une société
civilisée, c’est que des règles sociales sont
établies et respectées pour garantir les droits individuels qui
permettent à l’homme de vivre dignement.
Dans le Décalogue, dans la tradition libérale, et dans les
premières déclarations des droits, ces droits universels sont
le droit à la vie, à la liberté, à la
propriété. L’égalité des droits donne
à chacun la chance de mener sa vie en toute dignité, parce que
nul ne peut attenter à sa vie, nul ne peut le réduire en
esclavage, nul ne peut lui voler le fruit de sa propre création.
Les choses se compliquent quand, au XXème siècle, les droits
individuels se gonflent des droits sociaux. Voilà maintenant que la
dignité de l’être humain exigerait certaines conditions de
vie, et que la société devrait veiller à les assurer.
Alors que jusqu’à présent la dignité consistait
à être libre d’agir sans craindre ni pour soi ni pour ses
biens, voici qu’on présente de nouvelles exigences : qui
pourrait vivre dignement sans éducation, sans travail, sans logement,
sans soin, sans culture ? La société se devrait
d’apporter cet environnement indispensable à
l’épanouissement de l’être humain.
Ce faisant on a oublié trois évidences.
La première c’est que ces choses merveilleuses peuvent
être obtenues par l’action humaine elle-même, chacun
pouvant se sentir désireux et responsable de son éducation, de
son travail, etc. Il y a une différence de nature entre les «
droits de » (où l’individu reste maître de son
action) et les « droits à » (où l’individu
attend tout de la société).
La deuxième évidence, c’est que la «
société » est une vague entité, qui va en fait
s’incarner dans le pouvoir politique, dans l’Etat, de sorte que
l’on débouche sur l’Etat Providence.
La troisième évidence, c’est que les individus ont du mal
à conserver leurs droits individuels face à un pouvoir
politique qui doit leur prodiguer des droits sociaux. Les droits sociaux
finissent par tuer les droits individuels, au lieu de les compléter.
Marx distinguait liberté formelle et liberté réelle.
Mais les régimes marxistes ont tué toute liberté au
prétexte de garantir la liberté réelle.
De fil en aiguille, on en est finalement venu à
l’égalité des conditions, à
l’égalité des résultats, quelles que soient les
actions individuelles, quels que soient les mérites ou les vices de
chacun. La chance porte un nom nouveau : l’Etat Providence.
L’égalité des chances, c’est
l’égalité devant les bienfaits de la
société.
Dans cette logique, l’échec n’est pas admissible,
l’inégalité est scandaleuse. Aujourd’hui
l’égalité des chances est une forme d’envie (avoir
tout ce qu’ont les autres), une forme d’incurie (avoir tout sans
rien devoir à personne, faire n’importe quoi), une forme de
folie vengeresse (« les ratés ne vous rateront pas »,
disait Céline). Le droit à l’éducation se
transforme en échec scolaire : point besoin d’aller à
l’école pour vivre. Le droit au travail ouvre droit aux
indemnités de chômage. Le droit au logement justifie la
dégradation des HLM et la destruction des demeures
particulières. Le droit à la santé dispense de toute
discipline de vie. Où est la nouvelle dignité apportée
par cette égalité des chances ? Comment la liberté
peut-elle exister sans responsabilité ?
Le ministre me répond qu’il y a des entreprises et des
institutions qui n’offrent pas leurs chances à ceux qui ne sont
pas Français depuis la cinquième génération.
Personnellement seul mon père était Français, je suis
donc en France dans la même situation que les jeunes beurs nés
sur le sol français de parents maghrébins. Cherchez la
différence ! Il y a seulement cinquante ans l’ascenseur social
fonctionnait, parce que le travail, le talent, le respect des autres,
l’honnêteté étaient encore des facteurs
d’épanouissement personnel et de promotion sociale.
Messieurs les ministres, restaurez ces valeurs et vous verrez renaître
l’égalité des chances, la vraie :
l’égalité en dignité et en droits naturels. Et
cessez de ne rêver que plaies et bosses, de dresser les
communautés les unes contre les autres, de voir la lutte des classes
partout ou sous toutes formes. Il est vrai qu’on vous a appris que pour
régner il faut diviser. Pour l’instant vous divisez, régnerez-vous
longtemps ? "
L'important à
remarquer est aussi que, dans tous les cas, tout est déterminé
dans le jeu à quoi donne lieu en définitive
l'"égalité des chances". En particulier, et
implicitement, les êtres humains sont envisagés comme des
éléments d'une société que ceux qui
véhiculent la notion prétendent connaître dans les
moindres détails, en termes de gains ou d'occasions de gains.
c) Egalité des chances dans le
jeu ?
Encore faut-il que le jeu ne soit pas interrompu en cours de partie.
Mais l'interruption est un problème sur quoi Blaise Pascal s'est
penché au XVIIè siècle et à quoi il a
donné des méthodes de résolution. On reste dans le
déterminisme.
Encore faut-il que le jeu ne connaisse pas d'autres issues que son
"bon" fonctionnement ou son interruption.
Il en sera ainsi si l'ensemble de règles - qu'en définitive
recouvre la dénomination "jeu" - est connu avec certitude
par les joueurs et n'est pas susceptible de changer ; dans ce cas, ceux-ci
savent qu'ils jouent au même jeu. On est toujours dans le
déterminisme.
Si les règles sont mal connues des joueurs, si ceux-ci les ignorent en
partie et confondent par exemple une découverte de règle avec
un changement de l'ensemble des règles, une issue inattendue pourra
survenir. Et cette absence d'attente de l'issue en question exclut de parler
d'une façon entendue des chances et a fortiori de les comparer et de
dire leur égalité. L’expression "égalité
des chances" n'a plus de sens.
L'action quotidienne de l'être humain, sa vie en société,
est peut-être analogue à un jeu avec ses semblables, comme
certains l'imaginent depuis l'émergence de la "théorie des
jeux" dans la décennie 1945.
Mais le jeu que "Untel" joue avec ses semblables est différent
du jeu que joue "Tartempion" avec ses semblables (au nombre
desquels il y a "Untel") à cause de l'ignorance de chacun
(en particulier l'ignorance sur les règles) et parce que les
règles lui donnent l'impression de n'être pas les mêmes en
permanence.
Dans ce "jeu" non déterministe, ultralibéral, qu'est
la "vie en société", l'égalité des
chances est donc l'"expression sans signification" signalée
plus haut … sauf à ce que ceux qui l'emploient veuillent
réduire par la contrainte le libre arbitre de chacun au point
d'empêcher l'inattendu de se réaliser, sauf à ce qu'ils
veuillent transformer la vie en société en "jeu d'argent
balisé par leurs soins", transformant l'"Etat
providence" en "Etat croupier".
Dans cette perspective, et à supposer qu'ils réussissent dans
leur entreprise d'infradéterminisme réglementaire, l'expression
acquérra la signification déterministe. Et la démarche
suivie pâraîtra logique car elle ne fera que renforcer
l'infradéterminisme réglementaire enclenché avec
l'instauration du prétendu "principe de précaution".
Le troisième élément à en attendre sera la
généralisation de la "discrimination positive".
Mais l'entreprise ne pourra qu'échouer. Et pour autant qu'elle est en
route, il faut faire en sorte que son coût soit le plus faible possible
en informant et en expliquant.
B. "Faites ce
qu'on vous dit, ne dites pas ce qu'on fait".
Dans un peu plus d'un an, il devrait y avoir en France une élection au
terme de laquelle sera élu un Président de la
République.
A supposer que l'expression "égalité des chances" ait
une signification pour le "marché du travail", ce qui est
pour le moins discutable, on s'attendrait à ce qu'elle préside
au sort des candidats qui se présenteront à la
"magistrature suprême" – comme certains disent -, bref
au sort du "marché politique".
Mais il n'en est rien. Un décret émanant du gouvernement qui
pousse le projet de loi sur la sacralité en question, actuellement en
discussion au Parlement, suffit à montrer son non respect pour la
chose et, en définitive, à la vider du peu de
réalité qu'on aurait pu finir par lui donner par inadvertance.
En effet, un décret publié au Journal officiel du 31 janvier
2006 a défini les aides publiques attribuées aux partis
politiques pour l’année 2006: 42 partis ou groupements politiques
"se partageront" un butin de 73 millions d’euros (i.e. 500
millions de francs)(5).
![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2006/05/img/20091124CLA10483.jpg)
Certes, il y a trois ans un décret paru au Journal Officiel du 7 mai 2003 avait fixé le montant
du butin attribué aux partis politiques par l'Etat pour l'année
2003 au même montant (73,2 millions d'euros). Mais 66 partis ou
groupements politiques - dont 34 en Outre-mer- devaient se le partager.
Dont acte, puisque depuis mars 1988 (où caracolait alors au sommet de
l'Etat le tandem Mitterrand-Chirac) et la loi relative à la
transparence financière de la vie politique et surtout depuis janvier
1995 (on était passé au tandem Mitterrand-Balladur) et
l'interdiction des dons des personnes morales à des partis politiques,
le financement de ces derniers se fait sur le dos des contribuables.
Il n'y a plus désormais pour une personne morale (parti politique
excepté) liberté de financer un parti ou groupement politique
comme elle veut, il y a interdiction. A fortiori aucune association de
financement ou aucun mandataire financier d'un parti politique ne peut
recevoir, directement ou indirectement, des contributions ou aides
matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de
droit étranger (cf. rapport
du Sénat).
Il est à remarquer au passage que ni la Constitution, ni la loi n'ont
défini la notion de parti politique avec précision. L'article 4
de la Constitution affirme « qu'ils concourent à l'expression du
suffrage » et « qu'ils forment et exercent leur activité
librement ».
Mais la loi n°88-227 précitée leur reconnaît la
personnalité morale.
Les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat ont donc
précisé cette notion, considérant comme parti politique,
au sens de la loi du 11 mars 1988, la personne morale de droit privé
qui s'est assigné un but politique :
- si elle a bénéficié de l'aide publique ;
- ou si elle a régulièrement désigné un
mandataire financier ;
- et si elle a déposé des comptes certifiés par deux
commissaires aux comptes auprès de la Commission nationale des comptes
de campagne et des financements politiques (CNCCFP (6)).
S'agissant des personnes physiques, il est à remarquer que leurs dons
qui doivent être versés à un ou plusieurs mandataires
financiers d'un même parti politique ne peuvent excéder 7.500
euros ; et tout don de plus de 150 euros doit être versé par
chèque.
"Egalité des
chances" ?
On se serait attendu en 2003 à ce que chacun des 66
"élus" reçût un soixante sixième du
butin. On s'attendrait aujourd'hui à ce que chacun des 42
"élus" en reçoive un quarante deuxième. Et
cela parce qu'on laisse de côté ceux qui n'ont pas
été retenus cette fois par la CNCCFP, à savoir 19
formations politiques essentiellement d’Outre-mer au prétexte qu'elles
n'auraient "pas satisfait à leurs obligations comptables"
dans le passé.
Eh bien non ! Le partage du butin s’effectue selon plusieurs
critères autres, au nombre desquels ne figure même pas
l'imposture "égalité des chances", qu'en
conséquence celle-ci ne vient pas pondérer. Comme
critères, il y a en particulier le "nombre de candidats
présentés par les partis", le "nombre
d’élus obtenus au Parlement" et le "respect - ou non -
de la parité homme/femme", sacrés critères.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, avec 580 élus (466 hommes et 114 femmes),
l’UMP se taille la part du lion: elle obtient 32,2 millions
d’euros (i.e. plus de 200 millions de francs !).
Viennent ensuite et par ordre décroissant des parts du butin
reçues :
* l’association parti socialiste, radicaux-socialistes et
apparentés (20 millions d'euros, près de 130 millions de
francs),
* le FN (9 millions d'euros, 60 millions de francs),
* le PC (3,8 millions d'euros),
* les Verts (2,2 millions d'euros),
* etc.
Il y a trois ans, avec 526 élus, l'UMP avait obtenu de même la
part du lion, 33,4 millions d'euros. Mais elle avait reçu aussi une
pénalité financière de presque 4 millions d'euros pour
le non respect de la loi sur la parité homme/femme.
Venaient ensuite :
* l'association PS-PRG avec 19,6 millions d'euros (235 élus),
* le FN avec 4,6 millions d'euros (sans élus aux deux chambres du
Parlement),
* l'UDF avec 4,3 millions d'euros (61 élus),
* le PCF avec 3,7 millions d'euros (41 élus),
* etc.
Bref, le politiquement correct actuel veut instaurer l'"égalité
des chances" sur le "marché du travail"
déjà très réglementé par ses soins alors
qu'il ne se soucie pas de son existence éventuelle sur le
"marché politique" qu'il a en vérité
taillé à ses dimensions depuis ces lois de 1988 et de 1995. De
qui se moque-t-il ?
Qu'il ne sorte surtout pas l'antienne selon laquelle l'élection
présidentielle est l'élection d'un individu indépendant
– qui sera remboursé de ses frais s'il dépasse certaine
barre arbitraire de nombre de voix - "face au peuple", et non pas celle
d'un représentant d'un parti.
"Le fil est trop gros" quand on n'oublie pas, d'une part, qu'il
doit recueillir au moins 500 signatures de personnes
privilégiées (maire, etc.) réparties dans un certain
nombre de départements pour avoir non pas la chance, mais le droit de
se présenter à l'élection et, d'autre part, que surtout
les partis engagent des sommes considérables au moment des campagnes
électorales, comme l'illustrent les frais de campagne exposés
par les trois principaux candidats à la dernière élection
présidentielle de 2002 :
Jacques Chirac : dépenses de 18 millions d'euros (120 millions de
francs), finalement faibles comparées au butin annuel reçu par
le parti sous-jacent,
Lionel Jospin : dépenses de 12,5 millions d'euros (80 millions de
francs), i.e. inférieures au butin annuel reçu par le parti
sous-jacent,
Jean-Marie Le Pen : dépenses de 12 millions d'euros, i.e. largement
supérieures au butin annuel reçu par le parti sous-jacent.
Quel quidam dispose en France d'une telle fortune pour la dépenser ou
la mettre en caution?
Lequel serait prêt à la perdre - dans le cas où il
n'aurait pas la chance d'atteindre les barres de remboursement arbitrairement
fixées par les verrouilleurs du marché politique -?
Qui a des chances de s'endetter pour de telles sommes ?
Le marché financier serait-il simplement prêt à
prêter aveuglément ?
Oui, au pays d'Alice, celui des Merveilles.
Il faut reconnaître qu'à "faites ce qu'on vous dit, ne
dites pas ce qu'on fait" que lui assène implicitement le
"politiquement correct" dans ce débat sur l'illusion de
l'"égalité des chances", l'(ultra)libéral ne
peut que rétorquer à haute et intelligible voix : "laissez
faire".
Surtout quand son libre arbitre est en définitive l'enjeu - comme dans
le cas présent - et se trouve ainsi mis en danger par un des nouveaux
oripeaux de son antique ennemi, le déterminisme - lui-même
caché depuis par le vieux communisme du XIXè siècle -,
à savoir l'"égalité des chances".
C. Quand les
infradéterministes se battent entre eux.
En 1944, Ludwig von Mises a expliqué dans Le
gouvernement omnipotent (7) qu'en tant que concept,
l'"égalité de revenu" était, en ce qui
concerne les affaires intérieures, la caractéristique de
l'étatisme dans un pays (pp.400-401).
Il s'avère que, soixante plus tard, en France, l'étatisme se
vêt d'un oripeau que ses tailleurs veulent original :
l'"égalité des chances".
L'étatisme va-t-il changer de nature pour autant ?
Comme l'a souligné Mises, les "progressistes"
considéraient que la véritable liberté tenait dans
l'égalité du revenu.
Bien que Mises n'ait pas cité son nom, on reconnaîtra dans le
propos une dénaturation de l'idée d'Alexis de Tocqueville
– oh combien discutable – selon laquelle il y a à la base de
la liberté l'égalité. Je n'y insiste pas.
Car beaucoup plus important est la réponse à la question du
changement de nature de l'étatisme en France.
Non, il n'y a pas changement de nature, seulement changement d'oripeau: le
changement d'oripeau ne saurait avoir des répercussions sur la nature,
le clown reste un être humain.
Les étatistes abandonnent "seulement" désormais la
condition de la certitude qui était sous jacente à
l'"égalité du revenu" et lui substituent la condition
de l'incertitude : on ne saurait parler de "chances" dans un
contexte de certitude et, a fortiori d'"égalité des
chances".
Pendant longtemps, les étatistes ont refusé le principe
d'incertitude de l'être humain sur la réalité où
il vit et dont il est un élément. Ils se sont même efforcés
d'interdire les "jeux d'argent" ou dits "de hasard" qui,
de fait, en résultaient.
Puis à défaut de les interdire - c'était trop
coûteux ... à "gérer" -, ils ont compris qu'ils
avaient plus à gagner à s'en faire donner par le
législateur le monopole - et aujourd'hui encore, dans le cadre de
l'Union européenne, ils se battent becs et ongles pour en conserver le
monopole -.
Comme pour faire bonne figure, en contrepartie, ils ont étatisé
des compagnies d'assurance et créé l'organisation de la
sécurité sociale. Par construction, la Sécurité
sociale exclut de prendre en considération les risques des gens, leurs
chances de perte: elle prend aux uns pour donner aux autres en se servant au
passage, un point c'est tout.
Pendant longtemps, il en a été de même des
économistes à leur solde. Les théories
économiques étaient développées sur la base de
l'hypothèse plus ou moins implicite de la certitude.
Et en 1850, Bastiat a écrit :
"[…]
à l'origine des sociétés, l'aléatoire
règne pour ainsi dire sans partage ; et je me suis
étonné souvent que l'économie politique ait
négligé de signaler les grands et heureux efforts qui ont
été faits pour le restreindre dans des limites de plus en plus
étroites" (Bastiat, 1850) (8)
Longtemps encore après
le propos de Bastiat, l'économie politique - devenue sciences
économiques, théorie de l'équilibre économique
général, théorie microéconomique, théorie
macroéconomique, économie mathématique, économie
industrielle, théorie des organisations, etc. - a pu être
l'objet de la même constatation car l'aléatoire, l'incertitude
ou, plus généralement, l'ignorance de la personne
étaient laissés de côté par les
économistes.
Atteste de la pérennité de ce qu'a écrit Bastiat ce
qu'ont écrit, plus d'un siècle plus tard, par exemple, Kenneth
Arrow en 1962:
"The role of the competitive system in allocating
uncertainty seems to have received little systematic attention." (Arrow,
1971, p.142) (9)
"The first studies I am aware of are Allais (1953) and Arrow (1953). The
theory has received a very elegant generalization by Debreu (1959,
chap.7)". (ibid.,
p.142n)
et en 1975 Edmond Malinvaud:
"Jusque
vers 1950, on pouvait objecter aux théories de l'équilibre et
de l'optimum de négliger ainsi un aspect fondamental du monde dans
lequel nous vivons. Il était alors difficile de savoir dans quelle
mesure l'hypothèse simplificatrice d'absence d'incertitude affectait
la portée des résultats obtenus. Grâce aux progrès
récents de la théorie des décisions en face du risque
cette importante lacune a pu être comblée en grande
partie". (Malinvaud, 1975, p.287) (10)
Depuis seulement une
vingtaine d'années, les économistes rétifs à
l'incertitude ont donc été dressés.
Mais il y a incertitude et incertitude. Il y a essentiellement
"incertitude déterministe" et "incertitude non
déterministe" (synonyme d'"ignorance").
Exemple d'incertitude déterministe : le jeu de dé. Quand vous
lancez un dé, vous êtes certain que 1, 2, 3, 4, 5 ou 6 sortira.
Vous êtes certain que 13 ne sortira pas. Le jeu de dé est une
concrétisation de l'incertitude déterministe. De fait, tous les
"jeux d'argent ou de hasard" sont des jeux à incertitude
déterministe.
Exemple d'incertitude non déterministe : la firme. Quand Bill Gates et
ses amis ont créé "Microsoft" en 1975, ils
n'étaient pas certains que la firme aurait les profits et l'avenir
qu'on sait aujourd'hui. Ils ignoraient en particulier qu'un jour, la
Commission de l"Union européenne" – qui n'existait pas
alors – ferait un procès à Microsoft au prétexte
de "pratique anticoncurrentielle". Une firme est une
concrétisation de l'incertitude non déterministe, d'une
"certaine ignorance" – pardonnez-moi l'oxymoron -. De fait,
toutes les firmes sont des jeux à incertitude non déterministe.
Dans un jeu à incertitude déterministe, on peut parler
d'"égalité des chances" si on a même
"chance" de sortir l'événement qu'on a choisi, sur
quoi on a parié (dans le lancement d'un dé, le "1",
le "2", le "3", etc.).
Dans un jeu à incertitude non déterministe, c'est une
absurdité de s'exprimer ainsi.
A supposer que les étatistes donnent une signification aux mots qu'ils
emploient pour désigner les choses, il faut voir dans
l'"égalité des chances" le sommet d'un iceberg, celui
du vaste jeu à incertitude déterministe qu'ils ont la
prétention de nous imposer par l'intermédiaire du
législateur et de son vote de la "loi sur l'égalité
des chances" (et les organismes qu'ils instituent dans la foulée
comme la H.A.L.D.E.).
Ce jeu sera beaucoup plus pernicieux que le déterminisme d'hier
qu'était l'"égalité de revenu" car en
définitive peu de gens croyaient à la baudruche… Et on a
vu ce qu'il en est advenu.
Avec le mot "chance" d'une part, le rêve et le flou que ce
mot introduit ou provoque dans l'esprit de chacun d'autre part, ce sera
différent et beaucoup plus coûteux d'en sortir si dès
à présent on ne balise pas le domaine.
Le jeu fatal a dès à présent commencé. J'en veux
pour preuve que la classe médiatico-politique socialo-communiste
– et tout ce que cache celle-ci, à commencer par l'application
des principes du déterminisme - se cabre sur le nouveau type de
contrat de travail réglementé qu'est le Contrat de Premier
Emploi (C.P.E.) et qui fait un ou deux articles de la loi. Tout se passe
comme si elle concentrait son refus sur le doigt du sage qui montre la lune.
Mais ces conflits sont en vérité des conflits entre
infradéterministes, de nuances différentes, ils ne sauraient
affecter le réalisme de l'ultralibéral : il n'y a ni sage, ni
doigt de celui-ci, ni lune, il n'y a que l'étatisme ravageur et les
oripeaux dont les infradéterministes l'affublent et à propos de
quoi ils en arrivent à se battre. Comme c'est le cas aujourd'hui.
D. Le CPE : le
dernier combat en date des infradéterministes.
Pour les raisons précédentes et à commencer par son
titre, "loi sur l'égalité des chances", la loi aurait
du faire frémir tout être humain normalement constitué,
c'est-à-dire qui reconnaît à son semblable le libre arbitre
et la libre action responsables dont il se considère lui-même
doté.
De par cette loi, il ne s'agit donc plus pour l'Etat d'instaurer par la
coercition l'"égalité de liberté" (cf. Spencer, fin du XIXè siècle) ou
l'"égalité de revenu" (étatisme post 1945, cf.
Mises, Le gouvernement
omnipotent, op.cit.
), mais l'"égalité de chance".
Deus ex machina
catalogué qui aurait donc donné implicitement des chances par
le passé, l'Etat se propose désormais de faire
disparaître l'inégalité de celles-ci et d'instaurer leur
égalité. Même Hercule ne s'était pas vu imposer un
tel travail.
Mais, en passant, c'est quoi au juste l'égalité de chance ? Pas
de débat sur la question !
Curieusement, seuls les trois premiers articles de la loi - qui portent sur
le "CPE" - ont suscité un tollé de la part de
certains qui, vraisemblablement, ont du "boire du petit lait" en
lisant des articles qui suivaient tant cela correspond à leurs
idées, à ce qui leur fait refuser les trois premiers
articles...
A moins qu'ils aient arrêté leur lecture à l'article
4…
Si tel est le cas, c'est que les rédacteurs de la loi se sont
trompés dans leur entreprise d'équilibrage des avantages et des
inconvénients à destination des groupes de pression en place
dont ils veulent le bien.
Question en passant : serait-il donc plus difficile de réaliser cet
équilibre que d'instaurer l'égalité des chances ?
Serait-ce si difficile que le gouvernement aurait buggé ? Mauvais
présage pour la suite des événements …
Face au tollé et comme pour corriger certaines erreurs, les
rédacteurs ont reformulé le texte en y ajoutant un article et
le complément (cf. ci-dessous l'article ajouté) est devenu un
amendement qui a été voté par l'Assemblée nationale
et le Sénat.
AMENDEMENT
N° 3 Rect. présenté par le Gouvernement
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3, insérer l'article
suivant :
I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de
l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure, pour toute nouvelle
embauche d'un jeune âgé de moins de 26 ans, un contrat de
travail dénommé " contrat première embauche ".
L'effectif de l'entreprise doit être supérieur à vingt
salariés dans les conditions définies par l'article L. 620-10
du code du travail.
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois
mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 (il s'agit des
professions du spectacle) du code du travail.
II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans
détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à
l'exception, pendant les deux premières années courant à
compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à
L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 de
ce code.
La durée des contrats de travail, y compris des missions de travail
temporaire, précédemment conclus par le salarié avec
l'entreprise dans les deux années précédant la signature
du contrat première embauche, ainsi que la durée des stages
réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le
calcul de la période prévue à l'alinéa
précédent.
Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du
salarié, pendant les deux premières années courant
à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes :
1° La rupture est notifiée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception ;
2° Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture et sauf
faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre
recommandée fait courir, dès lors que le salarié est
présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis.
La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le
cas d'un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la
présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans
le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois ;
3° Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave,
l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du
préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de
l'indemnité de congés payés, une indemnité
égale à 8 % du montant total de la rémunération
brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Le régime
fiscal et social de cette indemnité est celui applicable à
l'indemnité mentionnée à l'article L. 122-9 du code du
travail. À cette indemnité versée au salarié
s'ajoute une contribution de l'employeur, égale à 2 % de la
rémunération brute due au salarié depuis le début
du contrat. Cette contribution est recouvrée par les organismes
mentionnés au premier alinéa de l'article L. 351-21 du code du
travail conformément aux dispositions des articles L. 351-6 et L.
351-6-1 du même code. Elle est destinée à financer les
actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public
de l'emploi en vue de son retour à l'emploi. Elle n'est pas
considérée comme un élément de salaire au sens de
l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à
compter de l'envoi de la lettre recommandée prévue au 1°.
Ce délai n'est opposable aux salariés que s'il en a
été fait mention dans cette lettre.
Par exception aux dispositions du deuxième alinéa, les ruptures
du contrat de travail envisagées à l'initiative de l'employeur
sont prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures
d'information et de consultation régissant les procédures de
licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du
titre II du livre III du code du travail.
La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et
réglementaires qui assurent une protection particulière aux
salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.
En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours
des deux premières années, il ne peut être conclu de
nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le
même salarié avant que ne soit écoulé un
délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent
contrat.
Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut
bénéficier du congé de formation dans les conditions
fixées par les articles L. 931-13 à L. 931-20-1 du code du
travail.
Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut
bénéficier du droit individuel à la formation
prévu à l'article L. 933-1 du code du travail prorata temporis,
à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date
d'effet du contrat. L'organisme paritaire agréé
mentionné à l'article L. 931-16 de ce code assure la prise en
charge des frais de formation, de transport et d'hébergement ainsi que
de l'allocation de formation due à ce salarié.
L'employeur est tenu d'informer le salarié, lors de la signature du
contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et
une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement.
III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au
travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du
travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I
pendant une durée minimale de quatre mois d'activité ont droit,
dès lors qu'ils ne justifient pas de références de
travail suffisantes pour être indemnisés en application de
l'article L. 351-3 du code du travail, à une allocation forfaitaire
versée pendant deux mois.
Le montant de l'allocation forfaitaire ainsi que le délai après
l'expiration duquel l'inscription comme demandeur d'emploi est
réputée tardive pour l'ouverture du droit à
l'allocation, les délais de demande et d'action en paiement, le délai
au terme duquel le reliquat des droits antérieurement
constitués ne peut plus être utilisé et le montant
au-dessous duquel l'allocation indûment versée ne donne pas lieu
à répétition sont ceux applicables au contrat nouvelles
embauches.
Les dispositions de la section 4 du chapitre Ier du titre V du livre III du
code du travail sont applicables à l'allocation forfaitaire.
Les dispositions de l'article L. 131-2, du 2° du I de l'article L. 242-13
et des articles L. 311-5 et L. 351-3 du code de la sécurité
sociale ainsi que celles des articles 79 et 82 du code général
des impôts sont applicables à l'allocation forfaitaire.
Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité
créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative
à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des
travailleurs privés d'emploi.
L'État peut, par convention, confier aux organismes mentionnés
à l'article L. 351-21 du code du travail ou à tout organisme de
droit privé la gestion de l'allocation forfaitaire.
Un accord conclu dans les conditions prévues à l'article L.
351-8 du code du travail définit les conditions et les
modalités selon lesquelles les salariés embauchés sous
le régime du contrat institué au I peuvent
bénéficier de la convention de reclassement personnalisé
prévue au I de l'article L. 321-4-2 du code du travail. À
défaut d'accord ou d'agrément de cet accord, ces conditions et
modalités sont fixées par décret en Conseil
d'État.
Après
cette grande et satanée cuisine, qu'est ce que le CPE amendé ?
C'est un contrat de travail réglementé de plus.
C'est d'une part un contrat de travail réglementé
"à temps plein" et non pas un contrat de travail
réglementé "à temps partiel".
C'est d'autre part un contrat en CDI, avec toutes les règles du CDI
(Contrat à durée indéterminée), à
l'exception de celles qui concernent les licenciements.
Celles-ci sont modifiées, puisque l'employeur (et le salarié)
ont le droit de mettre fin au contrat sans motif pendant les 24 premiers
mois, comme actuellement en CDI pendant la période d'essai. Ces 24
premiers mois sont donc une période d'essai prolongée, mais
pendant laquelle les jeunes salariés bénéficient
d'avantages qu'ils n'auraient pas lors d'une période d'essai en CDI ou
même pendant le CDI après la fin de la période d'essai.
Comme pour un CDI, le licenciement doit être notifié au
salarié par lettre recommandée avec accusé de
réception.
Il convient de souligner que ces vingt-quatre mois sont calculés en
prenant en compte les stages, CDD (contrat à durée
déterminé) ou périodes d'intérim que le
salarié a déjà pu faire dans l'entreprise. Par exemple,
soit un salarié qui aura travaillé quinze jours en stage dans
l'entreprise Y, puis qui aura obtenu de cette entreprise un CDD de neuf mois,
l'employeur (et le salarié) ne pourra mettre fin au contrat sans
donner de motif que pendant douze mois et demi.
A l'expiration du délai de vingt-quatre mois ainsi calculé, le
CDE est automatiquement transformé en CDI. L'employeur doit justifier
tout licenciement, en revanche le salarié perd certains avantages (sur
le montant des indemnités de licenciement).
Avantages du CPE que certains feront valoir.
I- A la différence de la période d'essai d'un CDI (qui permet
de mettre fin au contrat sans préavis), le licenciement ouvre droit
à un préavis de deux semaines pendant les six premiers mois et
d'un mois ensuite (si le salarié a travaillé en stage ou en cdd
(contrat à durée déterminée) dans la même
entreprise, la durée du ou des stages, du ou des cdd entre en compte :
ainsi, dans l'exemple précédent, le salarié aurait droit
à un préavis d'un mois quelle que soit la date de son
licenciement avant l'achèvement du CPE.
II - à la différence d'un CDI (où l'employeur ne doit
aucune indemnité au salarié s'il le licencie pendant la
période d'essai et n'en doit une, après cette période,
qu'après vingt-quatre mois d'activité dans l'entreprise), le
salarié a droit dès le début à une
indemnité de licenciement égale à 8% des salaires bruts
perçus depuis le début du contrat (et donc pendant les stages
ou cdd qui l'ont précédé). L'entreprise doit aussi
verser 2% des salaires versés aux organismes de sécurité
sociale.
III- A la différence d'un CDI (pendant la période d'essai et
après celle-ci, le salarié en CPE a droit à une
formation dès son premier mois d'embauche (et non plus tard comme dans
les CDI).
IV - Toutes les protections que le code du travail assure aux femmes
enceintes, aux délégués syndicaux et autres
catégories protégées s'appliquent aux salariés en
CPE.
V - A la différence des CDD et CDI, le salarié en CPE
licencié a droit à des indemnités de chômage
dès qu'il a cumulé quatre mois de travail.
VI - Le CPE, comme le CNE, assouplit le code du travail et rend plus flexible
le marché du travail. La science économique comme les
expériences étrangères montrent que plus on assouplit
les conditions de licenciement, plus les entreprises embauchent. Elles
veulent simplement pouvoir licencier en cas de difficultés
imprévisibles, ce qui ne veut pas dire qu’elles le feront dans
la majorité des cas. Deux ans d’essai sont largement suffisants
à un employeur pour juger la valeur d’un débutant. Si le
test est positif, l’entreprise a intérêt à
l’embaucher pour s’attacher ses services. Le test ne menace que
les jeunes considérés en général inaptes à
l’emploi ou au travail. L’idée de l’emploi à
vie, garanti par un statut, ne correspond pas à la
réalité économique et est en outre une forme moderne
d’esclavage.
La lutte contre la précarité ne passe pas par l’emploi
à vie, mais par la multiplication des créations
d’emplois. Une carrière se construit dans la mobilité en
saisissant au fur et à mesure les nouvelles opportunités
d’emplois. C’est l’ancien président CLINTON qui
avait dit aux jeunes Américains que s’ils voulaient faire une
belle carrière, il fallait qu’ils s’attendent à
changer en moyenne dix fois d’emplois dans leur vie.
VII - Le CPE ne résout pas tous les problèmes de chômage,
mais tout ce qui va dans le sens d’une plus grande flexibilité
du marché du travail joue dans le sens de la création
d’emplois. Les expériences étrangères le
confirment, et tous les pays qui ont assoupli les conditions de licenciement
ont vu leur chômage diminuer et se situer à la moitié de
celui de la France. Quant à ce chômage élevé des
jeunes, il n’existe pas dans les pays où
rémunérations et embauches sont libres.
Le monde économique d’aujourd’hui, ce n’est plus
celui des rigidités et des privilèges, c’est celui de la
mondialisation et de l’ouverture, donc celui de l’adaptation et
de la mobilité.
Grands inconvénients du CPE que d'autres, qui peuvent être les
mêmes, feront prévaloir.
La capacité juridique de licencier sans explications pendant les
vingt-quatre premiers mois.
Pourquoi cette
capacité juridique ?
Parce que les employeurs rechignent à engager des salariés,
surtout des jeunes qui ne sont pas immédiatement opérationnels
dans l'entreprise, qu'il faut former, s'ils ne peuvent pas mettre fin
à leur contrat soit parce qu'ils ne donnent pas satisfaction (par
exemple parce qu'ils n'auront pas réussi à se former pour les
fonctions qu'on désire leur attribuer) ou si les affaires vont mal.
Mais avec un CDI, dira-t-on, les employeurs peuvent licencier pour des "
raisons réelles et sérieuses"?
Certes, mais il est très rare qu'un salarié accepte (sauf
accord avec l'employeur et octroi d'une indemnité) de
reconnaître que la cause du licenciement est réelle et
sérieuse. Presque toujours, le salarié attaque son employeur
aux Prud'hommes.
Comme les entreprises, surtout les petites et moyennes entreprises, n'ont pas
forcément un juriste spécialisé dans leur personnel,
elles doivent faire appel à un avocat dont les honoraires sont en
général de l'ordre de 450 à 600 euros l'heure, et rien
que l'audience au tribunal représente deux ou trois heures.
Un licenciement, même tout à fait justifié, coûte
donc à l'entreprise quelque chose comme 5.000 euros sans parler du
temps passé, qui leur coûte aussi.
Donc les entreprises souhaitaient surtout ne pas être obligées
d'avoir un procès aux Prud'hommes pour chaque licenciement.
En vérité, on pourra aussi penser que certains repoussent le
CPE parce qu'il élargit le choix dans le "filet de
réglementations" qui entrave les entreprises. C'est tout le
mouvement anti-CPE
Le mouvement anti-CPE, tel qu’il se développe en ce moment sur
le plan universitaire et syndical, soulève un certain nombre de
questions de principe :
-Il est d’essence totalitaire et anti-démocratique, puisque le
but du mouvement est de revenir sur une loi légalement votée
par le parlement. Il s’agit de savoir ce qui doit l’emporter dans
une démocratie, et qui a le dernier mot : la rue ou la représentation
nationale? Est-ce la rue qui gouverne ? Une loi votée doit
s’appliquer.
-Il est liberticide, puisqu’il s’accompagne de manifestations
violentes, telles que les occupations d’université par la force,
empêchant les non-grévistes d’entrer dans les
bâtiments et d’aller travailler en bibliothèque ou en
cours. C’est une atteinte à la liberté du travail et
à la liberté d’étudier.
-Il est barbare, car ce qui s’est passé à la Sorbonne en
particulier s’est traduit par des dégradations de
matériels (ouvrages anciens brulés ou déchirés,
ordinateurs jetés par les fenêtres, matériels
brisés,…). Il n’y a aucun respect de la
propriété privée ou publique, pas plus à l’intérieur
de l’université qu’à l’extérieur
(vitrines de magasins détruites comme chez Mac Do). Il n’y a
aucune culture chez ceux qui détruisent des archives et des ouvrages
appartenant au patrimoine historique.
-Il est minoritaire et politisé. Jamais une grève n’est
votée par l’ensemble des étudiants après
consultation démocratique de tous à bulletins secrets. Une
faible minorité participe aux assemblées
générales (souvent moins de 500 étudiants, alors
qu’il y a au moins 20 000 étudiants en moyenne par
université), à main levée, sous la pression de ceux qui
crient le plus fort. Les antigrèves sont réduits au silence et
préfèrent travailler chez eux. Le mouvement est mené par
l’extrême-gauche (trotskistes essentiellement et communistes) et
relayé par l’UNEF, mouvement dirigé par une majorité
de socialistes et une minorité de trotskistes. Tous mènent un
combat politique, dans la perspective des prochaines échéances
électorales, appuyés par des forces extérieures à
l’université.
-Il est obscurantiste, car il ne connaît pas la réalité
économique. C’est la situation actuelle qui est une situation de
précarité pour les jeunes, puisque 23,5% des moins de 25 ans
sont au chômage et ceux qui ont un travail n’ont presque jamais
un CDI, mais des CDD, dont le premier dure en moyenne quelques semaines.
Même la fonction publique offre de plus de plus des situations de
précarité, par exemple avec les vacataires.
-Enfin, le soutien apporté au mouvement anti-CPE par les syndicats et
partis les plus extrémistes, encore sous influence marxiste, montre
où se situent le vrai conservatisme et la défense
archaïque des avantages acquis.
Conclusion.
cf. Le CPE diversifie la réglementation, il ne libère
pas l'employeur et l'employé.
E. (Ultra)libéraux,
ne soyez jamais dupes des (infra)déterministes.
Bref, le CPE, combat des infradéterministes entre eux, n'est pas un
problème.
Le problème est cette "loi pour l'égalité des
chances", désormais votée mais pas encore
promulguée, cette loi sur l'"égalité des
chances" dont les pondeurs ont la prétention de faire
gérer, directement ou non, nos chances par des réglementations
bureaucratiques.
La loi sur l'égalité des chances" porte un coup
considérable à la liberté de l'être humain (11) et à tout
ce qu'il peut espérer de cette dernière qui ne saurait
être rabaissée à une question de chances.
Pire, la loi fait renaître avec des oripeaux autres, la
"planification à la française", au moment même
où le gouvernement vient de fermer les portes du "Commissariat
Général du Plan".
En effet, "l'égalité des chances", ce n'est plus le
"plan de sécurité social" instauré en 1945 et
dont nous vivons actuellement les derniers ébranlements.
Ce n'est plus non plus la "planification indicative" –
à la Pierre Massé - qui avait conduit le "Commissariat
Général du Plan" à élaborer 12
"plans" successifs en près de cinquante années!
C'est tout simplement l'affirmation de la prétention étatiste
que "agir en France" est en définitive un grand jeu de
hasard, que le législateur est en mesure d'égaliser les chances
de chacun et que l'égalité de celles-ci
bénéficiera à tous. J'en veux pour preuve que le Premier
ministre avait annoncé le 27 octobre 2005 la transformation du
Commissariat général du Plan et que le "Centre d'analyse
stratégique" lui succède en mars 2006.
En d'autres termes, la classe politique aux affaires, via sa bureaucratie
planificatrice, entre dans l'ère de l'incertitude déterministe
et va proposer son infradéterminisme réglementaire.
Parviendra-t-elle un jour à l'ère de l'incertitude non
déterministe, à l'ère de l'ignorance et à
reconnaître tous ses méfaits ?
F. L'Etat de France
est pris en sandwich.
Peut-être. Parce que l'Etat de France est de plus en plus pris en
sandwich et que les hommes de l'Etat sont de plus en plus en porte-à-faux.
Il y a un an, mai 2005, une majorité de Français a voté
“non” au referendum sur le projet de traité de constitution européenne
qui, s'il avait été ratifié, aurait ouvert la
porte, en particulier, à la création d’un Etat
européen, d’un super état dont l’Etat de France
serait devenu un pion. Chacun s’en souvient.
Mais qui se souvient que, soixante ans auparavant, les Français n’avaient
pas eu l’heur d’un tel referendum quand le gouvernement
provisoire et les autorités plus ou moins autoproclamées
d’alors leur ont infligé les ordonnances d’octobre portant
création de l’organisation de sécurité sociale
obligatoire (OSSO), véritable para état aux mains de syndicats
de travailleurs prétendument représentatifs ?
Certes, un an plus tard, en octobre
1946, ils ont approuvé par referendum la constitution de la
IVè république, mais celle-ci ne mettait pas l’accent sur
l’OSSO émergente. De plus, ils avaient au préalable
refusé par referendum le texte constitutionnel proposé en mai
46, préparé par l’assemblée - devenue constituante
par referendum justement en octobre 45 - dominée par les
socialo-communistes. Et de nouvelles élections
législatives avaient été organisées qui
réduisirent le nombre de ces derniers. Pour sa part, De Gaulle
avait démissionné en janvier 1946.
Qui se souvient que, de même, douze années plus tard, en 1958,
ils ont approuvé par referendum la constitution de la Vè
république avec la perspective de De Gaulle, président de la
République, pour l’appliquer sans que le texte mette
l’accent sur l’OSSO désormais en difficulté
croissante ?
De plus, qui se souvient que c’est par ordonnances qu’en 1967,
Pompidou, Premier Ministre de De Gaulle, va procéder à une
réforme profonde du régime général de
l’OSSO tant celle-ci allait de plus en plus mal malgré les
réorganisations du début de la décennie 1960 (URSSAF,
école d’études supérieures de
sécurité sociale de Saint-Etienne) et les augmentations de
cotisations obligatoires au point que le montant des dépenses de
l’OSSO tendait à rattraper celui des dépenses de
l’Etat ? En particulier, à l’occasion de cette
réforme, le régime général a été
divisé en quatre branches autonomes, dont une est
l’”OSSO-maladie”, ce que certains se complaisent à
dénommer aujourd’hui “assurance maladie” bien
qu’elle ne fasse pas de l’assurance-maladie (pour la simple
raison qu’elle se moque du risque de perte de la santé de
chacun).
Qui se souvient que, trente ans plus tard, en 1996, c’est encore par
ordonnances que le quadrige “Chirac, Juppé, Barrot et
Gaymard” va procéder à une réforme profonde de
l’OSSO-maladie tant celle-ci allait toujours de plus en plus mal
malgré les augmentations de cotisations obligatoires,
l’institution de la contribution sociale
généralisée (CSG) par le binôme Mitterrand-Rocard
quelques années auparavant et le fait que le montant des
dépenses de l’OSSO était désormais
supérieur à celui des dépenses de l’Etat ? Faut-il
rappeler, en particulier, qu'à cette occasion, l’”OSSO
maladie” a été en partie étatisée, la dette
de l’OSSO soldée et a donné lieu à la création
d’un organisme, la Caisse d’amortissement de la dette sociale
(CADES), à une augmentation de la CSG et à la création
d’une nouvelle cotisation, la contribution au remboursement de la dette
sociale (CRDS).
Et voici 2004, un nouveau quadrige formé par MM. Chirac, Raffarin,
Douste-Blazy et Bertrand procède à une nouvelle réforme
de l’OSSO-maladie étatisée sans recourir, pour une fois,
à la procédure des ordonnances. En particulier, à cette
occasion, deux nouveaux organismes, l’Union nationale des caisses
d’assurance maladie (UNCAM) et la Haute Autorité de
Santé, sont encore créés, le patient va devenir
à terme un dossier médical et le corps médical
n’est plus qu’à deux doigts d’être
“fonctionnarisé”. En passant, dans
l’intervalle, un quadrige antérieur avait jugé bon de
créer un "Haut conseil pour l’avenir de l’assurance
maladie" et la CMU.
Il reste à se souvenir que dès 1952, des autorités
françaises s’étaient inquiétées de la
dérive des remboursements, indemnisations, réparations et
expédients sociaux (RIRES en abrégé) de l’OSSO et
il avait été décidé de mettre en place des
conventions départementales entre les médecins et l’OSSO
pour y remédier.
Cela n’ayant rien amélioré, les RIRES étant
toujours de plus en plus importants, en 1971, a vu le jour le principe de la
convention médicale nationale où des médecins ont
accepté d’échanger leur liberté contre un plat de
lentille (le financement de leur retraite par l’Etat). Et depuis lors,
les conventions
médicales nationales se sont succèdées
périodiquement.
Tout cela pour arriver à la situation actuelle de septembre 2006,
à la disparition en cours de la liberté et de la
responsabilité de chacun (patient ou médecin) et à
l’augmentation parallèle de la bureaucratie (interne ou externe
aux nouveaux organismes de toute nature sans relation avec les soins des
patients).
Bref, l’OSSO, même réduite à l’OSSO-maladie,
est un véritable para Etat sur l’existence de quoi les
Français n’ont jamais été conviés à
se prononcer par referendum comme ils l’ont été sur le
projet de constitution européenne.
Le mutisme imposé est d’autant plus étrange que
l’évolution de l’OSSO est caractérisable par
la dérive permanente des RIRES - depuis au moins 1952, soit plus
d’un demi siècle -, une dérive que tout économiste digne de ce nom
explique sans difficulté a
priori, à quoi il s’attend avec certitude et dont il
prédit l’approfondissement jusqu’au naufrage de
l’ensemble sauf si l’obligation, son biais diabolique, est
abandonnée en cours de route. Le premier d’entre eux
à le faire, fut à ma connaissance Frédéric Bastiat
en 1850, époque où l’organisation de la
sécurité sociale était encore naturelle et
spontanée en France.
Etant donnés ces faits, chacun devrait se rendre compte de la
faiblesse qui, suite au double coup de certaines instances de l’Union
européenne (U.E.) et de l’OSSO, a envahi l’Etat de France
et que ce dernier communique à son environnement à cause du
privilège qu’il possède encore “de (faire) prendre
aux uns pour donner aux autres, en se servant au passage”. Loin
d’être minimum, il ne mène pas néanmoins quoi que
ce soit d’autre de déterminant, il n’est pas de
“premier ressort”. Il n’est pas non plus de
“dernier ressort”, il n’est pas le fameux filet de
sécurité dont certains nous rebattent les oreilles.
Il est en vérité désormais en sandwich entre
- l’Etat supranational potentiel que certains s’escriment
à vouloir instituer à partir d’instances, existantes ou
non, de l’U.E. malgré l’échec du referendum de mai
2005, et
- le para Etat effectif qu'est l'OSSO et que d’autres, qui peuvent
être les mêmes, s’ingénient à renforcer depuis la
réussite du coup des ordonnances d’octobre 1945 parachevé
par le coup du silence entretenu sur tout referendum à son sujet.
Pour que la France sorte de toutes les difficultés qu’on sait et
dont la cause est - pour moi - l’OSSO, pour que l’Etat de France
s’extirpe de sa situation en définitive tantôt don
quichottesque, tantôt aux basques du bon
vouloir des opérateurs sur le marché financier, il faut que
les candidats à l’élection présidentielle
s’engagent, chacun, à organiser, sitôt élu, un
referendum sur l’organisation de la sécurité sociale
obligatoire (OSSO) et sur ses RIRES.
Ce sera une première et le résultat révèlera, en
particulier, si les Français sont, en majorité,
(ultra)libéraux ou (infra)déterministes, le refus d’un
tel engagement démontrant par avance, de la part du candidat en
question, l’(infra)déterminisme qui le cheville.
Références bibliographiques.
(1) Pagels, E. (1988), Adam,
Eve and the Serpent, Random House, New-York.
(2) Lurçat, F. (2003), De
la science à l'ignorance, Editions du Rocher, Paris.
Si on n'a pas le temps de lire le livre, on pourra toujours se reporter
à Le chaos et l'Occident, communication
à l'ASMP.
(3) Ouvrage très intéressant sur la question : Block, W.E. et
Walker, M.A. (1982), Discrimination,
Affirmative Action, and Equal Opportunity (An Economic and Social Perspective),
The Fraser Institute, Vancouver (Colombie britannique, Canada).
(4) Hoppe, H.H. (1989), A Theory of Socialism
and Capitalism (Economics, Politics, and Ethics), The Ludwig von Mises Institute’s Studies in Austrian
Economics.
(5) Pour tenter de concrétiser ce chiffre et situer son
importance sur le "marché des butins", il faut savoir qu'il
est légérement supérieur à ce que se met dans la
poche la "Caisse Centrale des Affaires Sociales" d'EDF et de GDF -
le fameux "1%" sur le chiffre d'affaires - et que détournent
plus ou moins les hommes du syndicat CGT (cf. instruction en cours, à
l'instigation de rapports
de la Cour des Comptes, dont le dernier en date de juillet 2005).
(6) On regrettera qu'à l'heure d'Internet, le site de la Commission
nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP)
donne des informations qui ne sont pas à jour, bref n'informe pas
(dernière mise à jour affichée 3 octobre 2005).
Seulement les chiffres les plus récents sont de 2003 ! Et ,ous sommes
en février 2006.
Comment expliquer le fait ? Le budget de la Commission serait-il trop faible
? Ou l'intérêt de ses membres pour ce qu'ils devraient faire,
pas assez élevé ?
On rappellera qu'arrêtés chaque année au 31
décembre, les comptes des partis politiques, certifiés par deux
commissaires aux comptes, sont déposés à la CNCCFP qui
les examine et assure leur publication sommaire au « Journal Officiel
», nous dit le législateur...
(7) Mises, L. (von) (1944), Omnipotent
Government: The Rise of the Total State and Total War, Yale
University Press, New Haven ; Le
gouvernement omnipotent (de l'Etat totalitaire à la guerre totale),
Librairie de Médicis, traduction en français de M. de Hulster
en 1947.
(8) Bastiat, F. (1850), "Des salaires",
dans Paillotet, P. (ed.), Oeuvres
complètes de Frédéric Bastiat, livre 6 : Harmonies économiques,
Guillaumin et Cie., Paris, 1864, p.403.
(9) Arrow, K.J. (1962), "Economic welfare and the
allocation of resources for invention", in Lamberton, D.M. (ed.) (1971),
Economics of Information
and Knowledge, Penguin modern economics Readings, Harmondsworth,
pp.141-159.
(10) Malinvaud, E. (1975), Leçons
de théorie microéconomique, Dunod (coll.
statistique et programmes économiques), nouvelle édition,
Paris.
(11) Mises, L. (2006),The
foundations of Liberal Policy,
Introduction by Bettina B. Greaves , from the preface to the 1985 edition of Liberalism: In The Classical
Tradition, written by Ludwig von Mises and translated by Ralph
Raico.
Georges Lane
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publiés par Georges Lane
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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