Dans mon dernier
article, il était question du piège qu’est une
éventuelle répudiation de la dette publique pour ses
détenteurs. C’est trompeur mais en voulant aider la population
au moyen une répudiation de la dette, on lui nuit en
réalité puisque cette dette est en grande partie détenue
par cette même population qu’on veut aider.
Toutefois, une solution à ce dilemme pourrait se
présenter sous la forme d’une expropriation des banques et leurs
actionnaires. L’argument repose sur l’idée que la dette
publique est le résultat d’une collusion entre les banques et
les politiciens en vue de les enrichir au détriment du contribuable.
Il est tout à fait naturel alors de faire payer les banques pour les
dérives de cette collusion.
S’il est vrai que la dette publique est un
élément majeur du système bancaire à
réserves fractionnaires actuellement en place
dans le monde entier, les banques ne sont pourtant pas les seules à
demander les titres de la dette publique. En effet, les principaux
détenteurs de la dette sont des compagnies d’assurances et des
fonds communs de placement. Les défenseurs de la thèse de la
collusion reconnaissent d’ailleurs l’existence de ces petits et
moyens épargnants et proposent par conséquent, une
indemnisation de ces derniers lors de l’expropriation du patrimoine des
banques et leurs actionnaires.
Il est fort plausible que les banques soient partie active
du cercle
vicieux de la dette publique. Mais, la dette publique française
s’élève à environ 1700 milliards d’euros et
les banques résidentes en France n’en détiennent que 20%.
Si le reste de la dette est détenu par des épargnants
résidents et non-résidents en France, il est alors clair que
pour les indemniser, il faudrait que les banques détiennent
l’équivalent en actifs.. Il faut aussi
qu’elles aient suffisamment d’actifs pour rembourser leurs
principaux créanciers, c’est-à-dire, leurs propres
clients – majoritairement des petits et moyens détenteurs de
comptes. Pourtant, la somme des capitaux propres des quatre plus grandes
banques françaises (AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole et
Société Générale) s’élève à
peine à 233 milliards d’euros.
Le piège de la dette publique devient alors
évident. Même si on identifiait les banques comme étant
les principales coupables du problème, les victimes de ce cercle
vicieux de la dette ne pourraient pas être entièrement remboursées.
Ainsi, même si la
répudiation de la dette était souhaitable sur le plan moral,
elle n’aiderait cependant pas les épargnants dans
l’immédiat, bien au contraire.
La diabolisation des banques pose un autre
problème. S’il est
vrai que la capacité bancaire à créer de la monnaie scripturale
est fondée en grande partie sur l’endettement de
l’état,
rien n’oblige l’État à s’endetter.
La loi Pompidou-Giscard
de 1973 et l’article 123 du traité de Lisbonne
disposent que l’État
ne peut plus s’endetter directement auprès de la Banque de
France. Ceci ne veut pas dire que l’État est obligé de
s’endetter auprès des banques privées. Il peut tout
simplement éviter de s’endetter en cherchant à maintenir
l’équilibre budgétaire ou à faire des surplus
budgétaires.
Autrement dit, si la dette publique française a pu
augmenter dans de telles proportions, c’est principalement dû aux
besoins de l’État français. Ceci est d’autant plus
vrai que le système bancaire actuel n’existe que par
autorisation de l’État.
En conclusion, la diabolisation des banques peut avoir un
certain fondement, mais de là à supposer que les banques sont la seule cause du problème
de la dette publique est une exagération voire une erreur. Les banques
ont eu besoin pour ce faire d’une légitimation de leurs
activités de création monétaire par l’État
et d’une demande de ce dernier qui a conduit à la formation
de déficits
budgétaires croissants. Le piège de la dette publique est avant
tout un piège d’origine institutionnelle, au sein de
l’État, avec des effets pervers sur le système financier qui
se répercutent tôt ou tard sur le système productif.
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