Une brève histoire de l’hyperinflation

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Published : November 13th, 2012
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Category : Opinions

 

 

 

 

Plusieurs fois dans ces colonnes, et bien évidemment ailleurs (mais, comme par hasard, très rarement dans la presse mainstream), on a parlé d’hyperinflation, notamment à la suite des dernières opérations aux noms magiques comme QE (pour les Américains) et LTRO (pour les Européens). Aujourd’hui, je vous propose de revenir un peu dans l’histoire récente de cette hyperinflation, définie comme une période où l’inflation mensuelle est de plus de 50%.

Grâce au travail de Steve Hanke et Nicholas Krus, du Cato Institute, on dispose de données fiables et intéressantes sur les périodes d’hyperinflations connues.

Première constatation : saperlotte, la monnaie papier, ça inflate drôlement dans les périodes de crise, et pas qu’une fois de temps en temps. Si l’on regarde le tableau des deux chercheurs, on se retrouve avec des périodes d’inflations étalées de 1920 à 2008, avec un regroupement de trois grosses périodes :
- la première, avant la seconde guerre mondiale, de 1920 à 1924
- la seconde, depuis 1941 jusqu’au sortir de la guerre, 1949
- la troisième, après l’explosion du bloc soviétique, de 1988 à 1998

Bien évidemment, on trouve aussi un saupoudrage de quelques pays jouant avec leur presse à billets en dehors de ces périodes, l’exemple le plus frappant étant le Zimbabwe de Mugabe pour la période récente, le Chili de la transition Allende/Pinochet, et la France des assignats (qui est donc un précurseur de tous les autres, puisqu’au 18ème siècle). Et en substance, le schéma est toujours le même : la situation économique du pays qui va subir une hyperinflation se dégrade rapidement notamment sous l’effet de dépenses de moins en moins contrôlées par l’État. Ensuite, pour éviter une dépression sévère, les autorités monétaires du pays commencent à emprunter et laisser filer la valeur du papier monnaie pour aboutir à un épisode de grand n’importe quoi dont l’aspect rigolo n’est perçu qu’au-delà des frontières par ceux qui ont eu le temps de fuir ou la présence d’esprit de n’avoir aucun intérêt économique avec les malheureux qui sont restés sur place. Pour s’informer, on pourra lire avec attention le dossier réalisé par Business Insider qui revient sur la période d’hyperinflation dans le régime de Weimar.

Par curiosité, voici les pics d’inflation constatés dans les différents cas. Comme on peut le voir, il n’y a pas vraiment de limite : oui, à proprement parler, lorsque les presses se mettent à cracher du billet, tous les nombres sont possibles et un doublement du prix des biens et services toutes les quinze heures a déjà été constaté (en Hongrie, donc).





(NB : certains pays sont présents plusieurs fois, parce qu’ils ont eu plusieurs épisodes de fête du slip monétaire)

La question qui vient ensuite à l’esprit est de savoir s’il existe une corrélation entre la durée de l’hyperinflation et sa force (importance du taux). J’ai réalisé un petit nuage de points qui donne ceci, et sur lequel on peut distinguer trois groupes de pays.




En gros, le premier groupe (bleu) correspond aux pays dont l’hyperinflation (quelques pourcents par jour) n’a pas duré très longtemps (jusqu’à trois mois). Le second groupe correspond à ceux qui ont eu ces mêmes taux (voire un peu plus soutenus) et qui ont fait durer le plaisir plus d’un an. On imagine le bonheur des populations concernées. Enfin, le dernier groupe, heureusement moins gros, correspond aux États dont la population aura eu a subir l’incurie et l’incompétence avec des taux records pendant de longues années. De ces trois groupes, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il n’y a pas de pays pour lesquels il y aurait eu des taux journaliers très forts et une courte période d’hyperinflation. Manifestement, si les taux d’hyperinflation galopent, c’est parti pour durer…

Il est intéressant de constater que certains de ces États furent des dictatures ou que dans la plupart des cas, la possibilité même de fuir la monnaie imposée était combattue avec d’autant plus d’acharnement que la durée d’hyperinflation était longue et que les taux étaient élevés. Autre point intéressant : dans aucun des cas le phénomène ne se sera arrêté de lui-même sans la mise à mort pure et simple de la monnaie considérée, éventuellement assortie de la chute du régime correspondant. Autrement dit : non seulement, l’hyperinflation est un phénomène qui est au début déclenché volontairement sous couvert d’une inflation « contrôlée », mais en plus, il échappe rapidement à tout contrôle.

Et maintenant, pour en revenir à la situation européenne ou américaine, on constate quelques similitudes. Par exemple, les efforts actuels des banquiers centraux, Draghi et Bernanke, visent à éviter autant que possible une dépression carabinée dans leurs deux grands blocs économiques, en compensant les déflations visibles sur les biens secondaires ou de luxe. Par une multiplication de jeux d’écriture et d’opérations dont la complexité apparente s’explique difficilement par autre chose qu’un désir de camoufler une création monétaire soutenue, les deux bricoleurs ont malgré tout du mal à endiguer le manque cruel d’enthousiasme des populations pour une nouvelle vague de crédit bon marché ; on sent que la succession de QE et de LTRO, dont chaque avatar suscite moins d’intérêt que le précédent, ne parvient pas à relancer le furieux bastringue monétaire.

Pour le moment, tout le monde s’accroche aux deux monnaies. L’Euro et le Dollar sont encore vecteurs de valeur. Mais comme dans tous les épisodes d’hyperinflation précédents, qui peut encore garantir que, un petit matin, la confiance qui sous-tend encore ces monnaies ne va pas s’évanouir ? Certes, le pire n’est pas certain, mais il est de moins en moins improbable, surtout vu les injections de monnaies auxquelles on assiste. Du reste, les mouvements récents d’abandon du dollar de certains pays, dont des acteurs majeurs comme la Chine, dans leurs transactions commerciales, montrent que le règne du dollar s’achève. Or, pour le moment, rien ne semble prêt pour le remplacer, et certainement pas l’Euro, dont tout le monde comprend que s’il doit partir en sucette, il le fera avant le dollar ; et bien malin qui pourra dire quand cela pourra advenir, encore que les tensions s’accumulant entre l’Allemagne et la Grèce pourraient déclencher des événements intéressants.

Si l’Histoire nous apprend quelque chose, c’est qu’elle réalise le paradoxe d’être imprévisible et de se répéter. L’hyperinflation n’est ni rare ni impossible sur un continent comme l’Europe ou les États-Unis. Et les mêmes causes (crises, tensions internationales, manipulation excessive de la monnaie) provoquent les mêmes effets (inflation galopante, perte de confiance, destruction de richesses). C’est dans ce contexte qu’un homme averti en vaut rapidement deux, puis quatre, puis 60 puis un million.

 

 

Source : h16free.com
Data and Statistics for these countries : France | Zimbabwe | All
Gold and Silver Prices for these countries : France | Zimbabwe | All
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H. Seize rédige sur http://h16free.com ses chroniques humouristiques d’un pays en lente décomposition, et apporte des solutions dans son livre, Egalité, Taxes, Bisous. Dans un monde toujours plus dur, et alors que la crise, la vilénie, les aigreurs et les misères allant de la maladie aux bières tièdes font rage, un pays fait courageusement face et propose toute une panoplie de mesures plaisamment abrasives qui permettront d'aplanir les aspérités, gommer les difficultés et arrondir les angles. Ce pays, rempli de gentils et d'aimables tous les jours mieux pensant, est devenu un véritable phare scintillant dans la nuit noire de l'obscurantisme des méchants et des vilains. Et pour mieux scintiller, il s'est doté d'une devise qui est parvenue à se hisser au rang de slogan, d'accroche et de modus vivendi : pour chacun et pour tous, il faudra de l'égalité, des taxes, et des bisous.
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Juste pour rire.

On parle souvent du pouvoir d'achat de l'or sur 50 ans et plus, par rapport au baril de pétrole. 16USD le baril en 1998, soit 1.68g d'or. 80 USD en moyenne en 2012 soit 1.61 gramme d'or en moyenne.

J'ai une comparaison plus sympa. J'ai voulu acheter quelques bouteilles de bourgogne directement chez un récoltant. Je n'avais que ses prix de 2011, j'ai demandé les tarifs de cette année. Les mêmes bouteilles, même millésimes etc. étaient entre 15 et 20 % plus chères !!! Quand il lui en restait.

Moralité, picolez maintenant !
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L'auteur porte la responsabilité de cette chienlit avec raison sur les banques centrale mais ignore le fait majeur que ces banques sont privées.

La FED est un conglomérat de banques privée , la BCE est munie statutairement du cache sexe de " indépendance " des pouvoirs et ne rend compte à personne , participe néanmoins à l'élaboration des budget nationaux, des mesures assassines de la troïka avec leurs collègues kapos du politburo non élu de Bruxelles.
C'est en réalité une grotesque dictature .

Il n'y a pas d'inflation pour l'instant car les milliers de milliards crées vont directement dans les coffres des grandes banques et dans les poches des 0,01%.
Cet argent inventé , sorti du néant mais a cours légal et obligatoire ne circule pas dans l'économie réelle .

Il y aura certainement un effet de ciseau dramatique lorsque les ploutocrates gavés de milliards feront leur job de spéculateur sur les matières premières y compris alimentaires à défaut de jouer avec les autres valeurs car ruinées et sans aucun rendement , toutes impactées par la crise économique qui s'amplifie dans la vie réelle.
Ces crétins vont s’apercevoir tardivement , trop tard , que de ruiner le consommateur , l'accabler de taxes , le mettre au chômage , baisser son salaire ne favorise pas le commerce ni la croissance.

Il n'y aura peut-être pas d'hyper inflation mais plutôt une hyper pauvreté et la famine , même en Europe.

"Pour obtenir le contrôle total, deux ingrédients sont essentiels : une banque centrale, et un impôt progressif, pour que les gens ne s'en rendent pas compte."
Karl Marx (1818-1883)
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Les banques centrales ne sont évidemment pas privées, ni aux États-unis, ni dans la zone Euro.
Il devrait tout de même être assez évident que ce sont des monopoles publics--des organisations administrant un monopole (l'émission de monnaie et la politique monétaire) qui n'existe que parce qu'il est imposé par l'État qui le leur confie.
La question de l'indépendance n'a rien à voir là-dedans: elle signifie que le gouvernement n'a pas autorité sur la banque centrale--pas plus que sur le système judiciaire, un autre monopole public indépendant du gouvernement.
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Si la justice était indépendante du gouvernement, on devrait de temps en temps assister aux poursuites d'un politicien, et surtout assister à des condamnations.

On devrait également ne jamais voir ni sanction, ni mutation, ni désaisissement de magistrat / juge / gendarme etc.

Jamais un ministre ne déciderait du nombre de places offertes aux concours de fonctionnaires, ni du niveau de rémunération des juges et de frais de fonctionnement des tribunaux.

On n'aurait pas non plus de budget "justice", "prisons" et autres dans les comptes du gouvernement.

Pas non plus de budget plus ou moins dotés pour que les enquêteurs de la police aillent au fond des chose au lieu de classer sans suites.

Pas plus que de propositions de loi émanant du gouvernement, ni de décrets non plus.

Mais comme rien de tout cela n'a jamais été constaté dans aucun pays, on peut effectivement penser que la justice est indépendante des gouvernements (et pas seulement chez les Bisounours).
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"Il n'y a pas d'inflation pour l'instant ..."

On n'en est pas à 50% par mois, je le concède.

Sur les biens que JE consomme, je constate quand même entre 10 et 20% par an.
Ce qui, faute de grandes marges de manoeuvre, conduit assez vite à une épargne négative !
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Juste pour rire. On parle souvent du pouvoir d'achat de l'or sur 50 ans et plus, par rapport au baril de pétrole. 16USD le baril en 1998, soit 1.68g d'or. 80 USD en moyenne en 2012 soit 1.61 gramme d'or en moyenne. J'ai une comparaison plus sympa. J'ai  Read more
Noumounke - 11/21/2012 at 10:43 PM GMT
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